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ZONE D'ATTENTE :
DEUX RAPPORTS ACCABLANTS DE L'ANAFÉ

Bilan des visites
en zone d'attente à Roissy 
(2)

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II. Les conditions de maintien
des étrangers

« L'étranger qui arrive en France (...) et qui soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente (...), pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée », pour un maximum de 20 jours.
Article 35 quater I de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

ZAPI 3 doit accueillir les personnes maintenues en zone d'attente. Lorsque ZAPI 3 est complet, les hommes, demandeurs d'asile, majeurs et célibataires sont hébergés à ZAPI 2. Quant aux aérogares, ils ne doivent pas servir de lieux d'hébergement, pourtant des visiteurs ont pu constater, lorsqu'ils ont pu y accéder, que des étrangers y avaient passé la nuit (notamment celle du 26 décembre) ou y étaient restés de longues heures, sans que l'on sache pourquoi ils n'étaient pas transférés dans un des lieux d'hébergement.

A. La zone dite « internationale »

La zone dite « internationale » est décrite par la PAF comme l'espace compris entre le point de débarquement et le lieu où s'effectue le contrôle de la police. Les personnes qui ont visité la zone d'attente de l'aéroport de Roissy ont pu rencontrer des étrangers dans la zone dite « internationale » ou « stérile » ou y constater leur présence. Ces étrangers attendaient, parfois depuis plusieurs jours, l'enregistrement de leur présence par la PAF comme non admis ou comme demandeur d'asile.

Tant que ces étrangers n'ont pas pu faire enregistrer leur situation par la police, ils n'existent pas pour l'administration, ce qui les met dans une situation extrêmement précaire. En effet, tout étranger maintenu en zone d'attente comme non admis, en transit interrompu ou comme demandeur d'asile se voit reconnaître les droits énumérés dans l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Leur logement et leur nourriture sont notamment assurés par l'État français pendant toute la durée de leur maintien en zone d'attente. Les étrangers qui se trouvent dans la zone dite « internationale » n'ont accès à aucun de ces droits élémentaires : ainsi certains ont pu témoigner qu'ils avaient été nourris par les passagers et dormaient sur les banquettes de l'aéroport (CR des 6-12-00, 18-12-00, 26-12-00, 28-01-01).

B. Les aérogares

Une fois un passage accepté et enregistré par la PAF, les étrangers peuvent être maintenus dans les aérogares pendant la journée. Ils sont soit retenus dans les cellules des postes de police, décrites comme « un cachot » par une étrangère maintenue (visite du 13-03-01), aux aérogares 1 (satellite 7), 2A, 2B, 2C et 2F, soit, en cas d'afflux plus important, dans les salles mises à la disposition de la PAF dans le satellite 7 de l'aérogare 1 et au sous-sol de l'aérogare 2A appelées « salle de correspondance ».

L'aérogare 1 semble n'être utilisé qu'exceptionnellement lorsqu'un groupe important arrive, le temps nécessaire à l'accomplissement des formalités. Les personnes sont maintenues soit dans la cellule du poste de police soit dans la « salle de correspondance » au satellite 7.

Il n'est pas possible d'avoir accès aux toilettes sans avoir recours aux policiers, et de ce fait parfois l'attente est très longue : une femme policier a dit « vous n'avez qu'à pisser dans vos habits » (CR du 05-01-01), un policier faisait répéter plusieurs fois les demandes exigeant une formule de politesse en anglais ou en français que les étrangers murmuraient, effrayés et humiliés (CR du 30-12-00).

À plusieurs reprises, des étrangers se sont plaints de ne pas avoir été nourris parfois depuis la veille au soir (CR des 18 et 27-12-00). Les repas sont servis à des heures précises et du fait de transferts entre les lieux d'hébergement et les aérogares il arrive que de nombreuses personnes ne se voient pas servir de repas ou un simple repas tampon à ZAPI 3. Les policiers sont souvent contraints de procéder à des réquisitions pour chaque repas et pour chaque personne.

Les postes de police

Les locaux sont sales, des plateaux traînaient par terre lors de la visite du 16 janvier. Les locaux exigus mesurent une dizaine de m², des personnes y restent de longues heures, souvent entassées (environ douze personnes) (CR des 18-12-00, 03-01-01 et 16-01-01). La chaleur est souvent insupportable, il n'y a aucune aération. Le local est fermé à clé de l'extérieur et il n'y a aucune poignée à l'intérieur.

À l'intérieur du poste de police de l'aérogare 2F, se trouve un sous-local de 1,50 m² vitré et fermé à clé, « pour les cas difficiles » (CR du 16-01-01). Une caméra est braquée sur la cellule du poste de police de l'aérogare 2A.

Les salles de correspondance (aérogare 2A et satellite 7 de l'aérogare 1)

Les conditions sont similaires à celles des postes de police. Les locaux dans le satellite 7 qui se composent de deux salles de 16 et 8 m² sont particulièrement vétustes et délabrés. Ils sont sales, lors d'une visite des restes de plateaux repas étaient dispersés sur le sol (CR du 28-01-01). Les salles sont surchauffées, les personnes peuvent y être entassées (CR du 27-12-00). Ces salles ne sont pas aménagées pour que les personnes puissent y dormir, pourtant jusqu'à 40 personnes y auraient encore passé la nuit à même le sol (CR du 27-12-00). Quelques brancards recouverts de couvertures servant, d'après l'officier de police, de matelas étaient présents lors de la visite du 28 janvier.

La salle de l'aérogare 2A qui mesure environ 40 m² est coupée en deux par une cloison en bois. Les personnes sont souvent rassemblées, les visiteurs ont compté une vingtaine de personnes le 30 décembre. Les locaux sont également surchauffés et l'odeur y est, parfois, difficilement supportable (CR du 30-12-00).

C. Les lieux d'hébergement

La zone d'attente peut inclure « un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier ».
Article 35 quater II de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

La zone d'attente de Roissy s'est successivement composée de différents lieux d'hébergement : l'hôtel Ibis, ZAPI 2, ZAPI 3. Les deux étages de l'hôtel Ibis ne sont plus loués depuis janvier 2001 du fait de l'ouverture de ZAPI 3. La campagne de visites s'étalant de fin novembre 2000 à mars 2001, les visites se sont faites dans ces différents lieux.

Ibis

L'utilisation de l'hôtel Ibis devait être provisoire mais elle a duré plus de 10 ans. Pendant plusieurs années, un seul étage de l'hôtel était réservé à cet usage. Les trente chambres disponibles se sont avérées insuffisantes et un 2ème étage a été ouvert en août 1999, la capacité passant à 120 lits. Les conditions de maintien s'étaient substantiellement améliorées depuis 1999, avec la réquisition du 2ème étage et la réalisation de travaux. Le ménage était en train d'être fait dans les chambres durant plusieurs visites (CR des 13-12-00, 30-12-00 et 03-01-01).

Malgré cette impression d'une amélioration des conditions de maintien dans l'hôtel Ibis, la situation restait la même. Les étrangers étaient toujours logés dans des chambres petites, dépouillées à l'exception des lits, dans « une promiscuité inacceptable » [3], avec des fenêtres scellées et une climatisation inefficace entraînant une impression d'étouffement. L'absence de lieux ou d'équipements collectifs entraînait l'inactivité des adultes et des enfants maintenus.

Le faible nombre de personnes présentes lors de quatre visites (CR des 13-12-00 et 03, 09, 10-01-01) pouvait laisser supposer que les étrangers n'étaient plus entassés. Mais un agent de l'OMI a précisé aux visiteurs que les deux tiers des personnes qui avaient passé la nuit dans l'hôtel étaient parties pour le TGI de Bobigny (CR des 13-12-00 et 01-01-01).

Les difficultés constatées restaient les mêmes que précédemment. Une chambre condamnée (CR 13-12-00), à l'entrée le panneau indiquant « Chambre 222 à désinfecter ; teignes (...) mineure arrivée le 2 janvier, départ prévu le 7 à 18h30 » (CR du 03-01-01). Des personnes présentes depuis la veille n'avaient toujours pas de trousse de toilette (CR du 30-12-00). Enfin les étrangers ne pouvaient pas user de leur droit de communiquer étant donné qu'un des téléphones du 2ème étage était en panne, et sans l'intervention des visiteurs, les personnes hébergées à cet étage n'auraient pas pu utiliser les téléphones du 1er étage (CR du 05-01-01).

À l'hôtel Ibis, se trouvaient les 5 et 6 janvier 2001 une dizaine de jeunes femmes, certaines déclarées mineures entre 13 et 17 ans, les autres jeunes majeures, arrivées par le même vol, avec comme seul contact en France, un numéro de portable. Leur situation a semblé inquiétante aux visiteurs, qui les ont mises en garde contre des réseaux de prostitution (CR des 05-01-01, 10-01-01).

Zapi 2

En juillet 2000, un nouveau lieu dans la zone d'attente a été ouvert, ZAPI 2, qui recouvre une zone auparavant utilisée pour le centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot. ZAPI 2 a été ouverte pour faire face à la saturation et éviter d'avoir recours aux salles des postes de police. Elle offre 72 lits supplémentaires. Ce lieu est habituellement réservé aux demandeurs d'asile, hommes, célibataires et majeurs.

La police gère le lieu et les demandeurs d'asile, la surveillance extérieure (porte d'entrée et clôture) est assurée par la gendarmerie et l'intendance par la pénitentiaire conjointement avec le CRA (CR du 27-12-00). La partie administrative de ZAPI 2 accueille les bureaux de la police, la DAF, l'OMI et est utilisée pour les visites personnelles (CR du 27-12-00). La partie hébergement se compose de trois bâtiments de douze chambres pour deux personnes. Dans chaque bâtiment, il y a quatre sanitaires avec des lavabos, quatre douches. Les repas sont servis dans un réfectoire commun avec le CRA mais à des heures différentes. Les repas sont apparemment meilleurs qu'à l'hôtel Ibis, mais les étrangers se plaignent souvent de l'inadaptation des repas à leurs habitudes alimentaires (CR du 27-12-00).

ZAPI 2 n'a aucun équipement collectif, les personnes traînent dans les étroits couloirs lorsqu'elles ne peuvent pas sortir (CR du 26-12-00). Les locaux sont exigus et les étrangers sont soumis à un manque d'intimité évident, notamment dans les douches qui n'ont pas de portes (CR du 27-12-00). L'espace de « promenade » en extérieur est très réduit.

Zapi 3

ZAPI 3 est le nouveau bâtiment destiné à l'hébergement, ouvert depuis janvier 2001. Il peut accueillir entre 160 et 180 personnes. Il s'agit d'un bâtiment avec un rez-de-chaussée et un étage, un espace récréatif et un jardin entouré de grillages avec un système d'alarme (CR du 15-02-01). Une sortie directe sur les pistes de l'aéroport est aménagée. Les chambres pour les familles, les célibataires et les mineurs isolés, sont équipées de lits, d'étagères et de lavabos. Une salle de jeux dont l'entrée est libre et deux salles de repos ont été aménagées, ces deux dernières équipées de sièges fixes et de téléviseurs. Ces postes de télévision, qui avaient été livrés lors de la visite du 15 février, ne fonctionnaient toujours pas fin mars, faute d'antenne adéquate. De fait, les deux salles de repos étaient fermées à clef ce 13 mars, et semblaient désormais servir à faire attendre les étrangers maintenus en instance de départ de ZAPI 3, soit vers l'aérogare (pour les renvois) soit vers Bobigny (pour aller au tribunal). Sur la porte d'une des deux salles était d'ailleurs collée une étiquette portant la mention « TGI ». Ni le hall du rez-de-chaussée, ni les couloirs à l'étage ne sont équipés de chaises ou de bancs. Les personnes qui ne veulent pas rester debout sont donc obligées de s'asseoir par terre, ce qui est très fréquent dans les couloirs de l'étage. Des bureaux, une salle d'attente, une salle de soins et d'examens sont prévus pour l'infirmière et le médecin. Un réfectoire de 66 places a été aménagé, 3 services sont possibles et les heures des repas sont : petit déjeuner : 7h30/9h, déjeuner : 11h/13h, dîner : 17h/19h. La distribution de la trousse de toilette a été confiée à la société TEP.

Bien que destinée à offrir de meilleures conditions de type hôtelier, ZAPI 3 semble ressembler pour certains à une « nouvelle prison » [4] (CR du 23-01-01) notamment en raison des fenêtres condamnées dans chaque pièce, du sas de sécurité séparant la partie administrative de la partie où sont maintenus les étrangers, des rangées de grillage de 4 mètres de haut et de la présence de cars de CRS devant le bâtiment. Une salle de contrôle, une quinzaine de caméras de surveillance réparties sur tout le bâtiment et une salle de fouille individuelle accentuent ce sentiment. Pour parer à d'éventuelles bagarres ou tentatives de suicides, il n'y a ni poubelle, ni oreiller et ni seau dans ZAPI 3 (CR du 15-02-01).

L'espace administratif et l'espace dit « de liberté »

ZAPI 3 est divisée, par un sas, en deux espaces : l'espace administratif et l'espace dit « de liberté » dans lequel les étrangers sont libres de se déplacer. La circulation entre ces deux espaces est un problème pour les agents du MAE [5] et de l'OMI. Les relations entre les deux espaces passent par la police. Cette séparation ne permet plus de signaler les demandes d'asile non enregistrées (CR 10-01-01). La PAF estime que ce problème est résolu par la présence de deux fonctionnaires de police qui circulent régulièrement dans les couloirs (CR du 15-02-01). Ceci est loin d'être confirmé par les témoignages des étrangers maintenus. L'un d'entre eux a dit « à toutes les personnes qu'il rencontrait, à chaque occasion » qu'il voulait demander l'asile, et qu'il avait pourtant fallu six jours pour que sa demande soit enregistrée, pendant lesquels il s'est opposé quotidiennement à des tentatives de renvoi (visite du 13-03-01).

Les agents du MAE ont leurs bureaux dans l'espace administratif et ils ne peuvent se déplacer librement dans ZAPI 3. Ce problème avait déjà été soulevé avant l'ouverture de la zone d'attente (CR du 10-01-01) et se confirme aujourd'hui (CR du 30-01-01), notamment leurs badges ne leur permettent pas d'accéder à l'espace dit « de liberté ».

Le même problème de circulation se pose pour les agents de l'OMI qui disposent de deux petits bureaux à l'étage, dans l'espace dit « de liberté ». Leurs badges ne leur permettent pas de circuler librement dans tous les espaces de la zone d'attente (CR du 30-01-01). Les agents de l'OMI fournissent une aide humanitaire et peuvent s'entretenir avec les personnes présentes en zone d'attente, ce qui leur permettait notamment de signaler à la PAF les demandes d'asile non enregistrées. Aujourd'hui il semble que leur accès aux postes de police soit limité et qu'ils n'aient plus la possibilité de transmettre les demandes d'asile à la PAF.

L'attribution de deux bureaux à l'OMI pose un autre problème puisqu'ils étaient initialement prévus pour les policiers de la PAF comme postes de garde. Les agents de la PAF n'ont donc plus de bureaux à cet étage et déambulent dans les couloirs au milieu des personnes (CR du 30-01-01), sans pouvoir notamment tenir de registre consignant les demandes formulées par les étrangers.

Autres problèmes

Les personnes convoquées par le MAE sont appelées de vive voix par les policiers ou par l'intermédiaire d'un porte-voix qui grésille, d'où incompréhension des noms... le policier répète... et trouve parfois difficilement la personne (CR du 30-01-01).

Un autre problème est le fait que ZAPI 3 serait construite sur un ancien dépôt d'hydrocarbures. Lors d'une visite, des égoutiers s'affairaient pour assainir le réseau d'eau (CR du 10-01-2001), le problème risque de se renouveler.

Plusieurs visiteurs ont remarqué que des étrangers maintenus étaient vêtus de vêtements légers. Ainsi, l'absence de distribution de vêtements chauds pose problème : des jeunes femmes seules ou avec des enfants étaient dépourvues de chaussettes, de chaussures d'hiver en plein mois de décembre (CR des 27-11-00, 03-01-01). Les agents de l'OMI confirment qu'ils n'ont des vêtements chauds que pour les enfants (CR du 03-01-01).

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Notes

[3] Louis Mermaz, rapport T II, « Intérieur et décentralisation – police », n°2628, 11 octobre 2000.

[4] Le Monde, 10 janvier 2001.

[5] Les agents du MAE instruisent les demandes d'asile en s'entretenant avec les intéressés et émettent un avis transmis au ministère de l'Intérieur quant au caractère fondé ou non de la demande.

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Dernière mise à jour : 2-04-2001 19:34.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/actions/2001/zone-attente/visites/bilan-2.html


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