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Bilan 1997

Suites judiciaires de l'affaire de Sospel

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Rappelons les circonstances de cette affaire. Le 21 août 1995, la presse annonce qu'un enfant bosniaque âgé de sept ans a été tué dans la nuit du 19 au 20 août lors d'un contrôle routier à Sospel, près de la frontière italienne. Le préfet des Alpes maritimes précise que le drame s'est déroulé alors que deux policiers de la Dicilec étaient postés à quelques kilomètres de la frontière : ils auraient fait signe à deux véhicules de s'arrêter et l'un d'eux aurait ouvert le feu — avec son fusil à pompe — sur le second véhicule qui accélérait. Bien que le ministre de la justice ait fait savoir qu'il ne s'agissait pas d'une bavure mais « d'un travail qui a été fait par les policiers normalement », le parquet de Nice ouvre une information judiciaire et confie l'enquête à l'IGPN.

Il se révélera par la suite que les occupants des véhicules n'étaient pas des Bosniaques mais des Tsiganes originaires de Serbie qui souhaitaient demander l'asile en France. Tous seront immédiatement reconduits à la frontière, après une parodie de consultation de l'OFPRA et le rejet de leur recours par le tribunal administratif de Nice — excepté les membres de la famille de la victime admis à rester très provisoirement en France. En juin 1997, pourtant, le Conseil d'Etat annulera la reconduite à la frontière de ces dix-huit demandeurs d'asile, estimant que le préfet ne pouvait prononcer leur reconduite à la frontière avant d'avoir enregistré leur demande d'admission au séjour comme demandeur d'asile et statué sur cette demande.

Cette affaire a eu également des suites judiciaires dans lesquelles le Gisti a été impliqué. D'une part le Gisti s'est porté partie civile, conjointement avec d'autres associations, contre le policier auteur des coups de feu. De l'autre la présidente du Gisti a été poursuivie pour « diffamation publique à l'égard de la police nationale » en raison des termes d'un communiqué publié à l'époque des faits par l'association.

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Les poursuites contre le policier auteur des coups de feu

Le sous-brigadier Carenco, auteur du coup de feu, a été mis en examen pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Juste après les faits, le procureur de la République adjoint de Nice avait déclaré : « on ne peut pas accréditer la thèse de la légitime défense sans réserve. Il y a présomption d'utilisation d'une arme à feu dans des conditions qui peuvent paraître anormales… D'après les premiers éléments de l'enquête de l'IGPN il semble qu'il y a eu des coups de feu intempestifs ». Rappelons en effet que les coups de feu ont été tirés sur un véhicule qui prenait la fuite et roulait, en montée, à 30 km à l'heure.

Six mois plus tard, en décembre, le policier fera néanmoins l'objet d'un non-lieu délivré par le juge d'instruction de Nice. Cette décision de non-lieu a fait l'objet d'un appel. C'est à ce stade de la procédure que le Gisti, la Ligue des droits de l'homme, France Terre d'asile et la Cimade se sont portées parties civiles aux côtés de la victime.

Leur constitution de partie civile a été rejetée par la Chambre d'accusation, au motif que « pour être recevables les constitutions de partie civile des associations doivent être réalisées à la suite d'infractions commises en raison de considérations de race, d'appartenance ethnique ou de nationalité des victimes » et qu'en l'espèce le policier ne pouvait que totalement ignorer l'ethnie, la nationalité ou la religion des personnes sur lesquelles il a fait feu, faute d'avoir pu les contrôler.

Sur le fond, néanmoins, satisfaction a été obtenue, puisque la Chambre d'accusation, le 18 décembre 1997, a infirmé la décision de non-lieu et décidé le renvoi du policier devant les assises.

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L'action en diffamation contre la présidente du Gisti

Dès qu'il eu connaissance du drame, le Gisti a rédigé un premier communiqué, daté du 21 août. Il sera suivi le 26 août d'un second communiqué, dénonçant les conditions dans lesquelles les intéressés ont été reconduits à la frontière.

Des extraits du premier communiqué ont été repris par l'Agence France Presse. Le ministre de l'intérieur a déposé plainte, le 5 septembre 1995, contre la présidente du Gisti, responsable ès-qualités, pour diffamation publique envers une administration publique, estimant que les propos reproduits par l'AFP contenait des allégations portant atteinte à l'honneur et à la considération de la police nationale. Deux passages du communiqué étaient incriminés : « Face à la purification ethnique qui frappe les bosniaques, la France ne fait-elle pas le jeu du gouvernement serbe en plaçant des snipers sur la route de leur exil ? » [N.B. : la phrase en fait était tronquée, donc déformée] et « Assisterions-nous à l'éclosion d'une nouvelle pratique administrative autorisant la Dicilec et la police à abattre des étrangers supposés clandestins quand ils ne se prêtent pas docilement à leur interpellation ? ».

L'affaire est venue devant la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris le 2 mai 1997. C'est Henri Leclerc qui assurait la défense de Danièle Lochak. Alfred Grosser avait été cité comme témoin.

L'audience a été  l'occasion de refaire le procès de Sospel mais aussi, de façon plus inattendue, d'entendre célébrer les louanges du Gisti, y compris par le représentant du ministère public, qui a rendu hommage au travail accompli par l'association, utile et nécessaire car civique, et qui a reconnu que l'association avait une légitimité à intervenir dans cette histoire dramatique qu'on ne pouvait pas considérer comme un incident sans gravité. Le jugement reprend à son compte ces éloges : « le Gisti mène, pour la défense des droits de l'homme, une action salutaire et reconnue par tous et le soutien que cette association apporte particulièrement aux travailleurs immigrés et aux réfugiés est d'autant plus méritoire qu'il s'effectue, de nos jours, dans un climat politique et social difficile ».

Le tribunal n'en a pas moins estimé que le délit de diffamation était constitué — mais seulement en ce qui concerne le premier des deux passages incriminés, qui contenait le terme « sniper », le second passage pouvant être considéré comme ne dépassant pas, malgré sa virulence, les limites de la liberté d'expression — et a condamné la présidente du Gisti à 5 000 F d'amende.

Les arguments de la défense n'ont donc pas été entendus. Ils consistaient notamment à soutenir :

  • que la police n'était mise en cause qu'indirectement par le communiqué, en tant qu'instrument d'une politique gouvernementale critiquable, de sorte que ses membres ne pouvaient se sentir diffamés ;

  • que le caractère particulièrement dramatique et révoltant de l'affaire justifiait, de la part d'une organisation qui défend les droits de l'homme et entend alerter l'opinion publique lorsqu'ils sont violés, une expression particulièrement véhémente de son indignation ;

  • que les poursuites reposaient sur un texte dont on pouvait se demander s'il était conforme à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme qui n'admet de limites à la liberté d'expression que lorsque celles-ci sont nécessaires, dans une société démocratique, à la protection de la sécurité nationale, à la défense de l'ordre, ou à la réputation d'autrui.

L'affaire est venue en appel devant la 11è chambre des appels correctionnels en novembre 1997. La cour a confirmé le jugement de première instance mais a considéré « qu'eu égard aux circonstances de l'espèce il convient de faire une application particulièrement modérée de la loi » : elle a donc condamné la présidente du Gisti à 1 000 F d'amende avec sursis.

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Dernière mise à jour : 31/07/1999 à 20:02.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/bilans/1997/2-6.html


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