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Plein Droit n° 49, avril 2001
« Quelle Europe pour les étrangers ? »

Peu de protection,
beaucoup de répression

Née au début de l'année 2000 de la fusion de la Commission de sauvegarde du droit d'asile, de la Coordination réfugiés et du Comité de liaison, la Coordination pour le droit d'asile (CDA) rassemble une vingtaine d'organisations (*) qui, en France, sont engagées dans la défense et la promotion du droit d'asile. Selon la charte de la CDA, les associations membres se donnent pour but d'échanger des informations, d'exercer un rôle de vigilance et d'alerte et d'assurer un dialogue avec les administrations.

Le document que nous publions ci-dessous, élaboré par le groupe « Europe » de la Coordination, dresse un bilan de la Présidence française de l'Union européenne dans le domaine de l'asile.

Lors de la réunion du CERE [1] à l'Assemblée nationale le 11 mai 2000, un représentant du ministère de l'intérieur avait présenté aux associations présentes les priorités de la Présidence française. En fait, pendant ses six mois de Présidence, la France aura peu proposé dans le domaine de l'asile mais beaucoup pour renforcer le contrôle des flux migratoires (sanctions à l'encontre des transporteurs et des passeurs, réseau des officiers de liaison, initiatives en matière de lutte contre l'aide à l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger).

Ces mesures auront sans doute comme conséquence de rendre plus difficile l'accès aux procédures d'asile pour des personnes devant fuir leur pays et rechercher une protection internationale. Les chefs d'État et de gouvernement avaient pourtant déclaré à Tampere en 1999 que leur objectif était « une Union européenne ouverte et sûre, pleinement attachée au respect des obligations de la Convention de Genève et des autres instruments pertinents en matière de droits de l'homme » et la France en avait revendiqué la paternité partagée avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne. En plus du souci des États membres de préserver la souveraineté nationale pour ces questions, la multiplicité des interlocuteurs au niveau français et la nécessité de nombreux arbitrages interministériels dans le domaine de l'asile et des questions connexes n'ont pas non plus facilité les avancées.

La Charte des droits fondamentaux

Le Conseil européen de Nice a adopté définitivement la Charte des droits fondamentaux clôturant ainsi un processus de rédaction d'une année auquel de nombreux représentants de la société civile ont pu participer. À ce stade, ce texte n'a pas de valeur juridique contraignante. Le droit d'asile est inscrit à l'article 18 (chapitre II : Libertés) : « Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du Protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au Traité instituant la Communauté européenne ». Il est regrettable que la référence au traité d'Amsterdam limite la portée de cet article en renvoyant aux dispositions du Protocole dit « Aznar » qui exclut en principe l'examen, par les États membres, d'une demande d'asile présentée par un ressortissant de l'UE.

On peut se réjouir en revanche que l'article 19.2 de la Charte, en énonçant que « Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants », affirme l'importance du principe de non-refoulement.

Le droit d'asile

La Convention de Dublin et EURODAC

Le débat sur le devenir de la Convention de Dublin avait démarré en mars 2000 par l'examen d'un document de travail de la Commission européenne. Celle-ci présentera en mars 2001 une proposition de règlement communautaire devant remplacer la Convention mais les critères changeront probablement peu, à part quelques « améliorations inspirées par l'expérience » [2]. Le lien probablement maintenu entre admission d'un étranger sur le territoire et responsabilité de l'examen de sa demande d'asile ultérieure risque à nouveau de dissuader les États membres d'ouvrir leurs portes.

Si la nouvelle mouture de la Convention de Dublin n'est pas encore adoptée, son corollaire, la Convention Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales, a été adoptée le 11 décembre 2000 sous forme de règlement communautaire. Son contenu n'est pas sans soulever quelques inquiétudes, notamment sur l'âge des personnes concernées (à partir de 14 ans) et sur les problèmes relatifs au traitement et à la conservation des données.

[...] Cette base centrale informatisée de données dactyloscopiques concerne les demandeurs d'asile mais aussi les personnes appréhendées à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'UE ou en situation irrégulière sur le territoire de l'un des États membres. Chaque État membre y aura accès et y entrera les données afin de reconstituer le parcours des étrangers depuis leur arrivée sur le territoire de l'UE jusqu'à leur éventuel refoulement.

Les conditions d'accueil
des demandeurs d'asile

En 2000, la Commission a entrepris une étude comparative sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans les quinze États membres. La Présidence française souhaitait faire de cette question une de ses priorités et a distribué une première note d'orientation dès le mois de juillet [3] contenant des dispositions intéressantes. L'essentiel de ses recommandations a été repris par le Conseil justice et affaires intérieures (JAI), lors de la session des 30 novembre et 1er décembre, sous la forme des Orientations pour le futur instrument communautaire sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. La Commission est invitée à prendre en compte ces orientations pour l'élaboration d'un futur instrument communautaire.

Les États sont encouragés à assurer aux demandeurs d'asile « des conditions de vie décentes pendant toute la durée de la procédure » et la détention « du simple fait qu'ils sont demandeurs d'asile » est exclue. Si leur droit à l'information est consacré, ainsi que l'accès aux soins médicaux et la scolarisation des mineurs, le principe d'un « droit au séjour » n'est pas repris. En outre, des oppositions subsistent à la liberté de circulation des demandeurs et la discussion reste ouverte quant à leur accès au travail et à l'application du texte aux bénéficiaires de la protection subsidiaire.

Les garanties de procédure

Faisant référence à une résolution datant de 1995, la Commission a présenté au Conseil JAI de septembre 2000 une Proposition de directive relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié. L'objectif affiché est l'accélération des procédures, avec notamment un système « simple et rapide de traitement des demandes d'asile [...] qui ne comporterait qu'un seul recours ou une seule révision et la possibilité de faire appel devant une juridiction d'appel ».

En ce qui concerne les droits des demandeurs pendant la procédure, la proposition reprend des garanties qui figuraient dans la résolution de 1995 (droit à un entretien personnel, de se mettre en rapport avec des organisations ou des personnes susceptibles d'apporter une assistance, droit à un interprète et de faire appel d'une décision).

Malheureusement, le texte reprend et développe également les notions de pays tiers sûr ou de premier asile, de pays d'origine sûr, de procédure accélérée et de demandes manifestement infondées. Ainsi, l'accès à une procédure d'asile complète, satisfaisante et individuelle n'est toujours pas garanti. [...]

Le Fonds européen pour les réfugiés

Le Fonds européen pour les réfugiés (FER) a pour vocation de « soutenir et encourager les efforts consentis par les États membres pour accueillir des réfugiés et des personnes déplacées et supporter les conséquences de cet accueil ». Le FER combine en un programme unique des actions structurelles dans les domaines de l'accueil des demandeurs d'asile, de l'intégration des réfugiés et de l'aide au retour. Il est doté d'un budget de 216 millions d'euros pour une période de cinq années. Après de laborieuses négociations, ce Fonds a été adopté par le Conseil le 28 septembre 2000. Les modalités de mise en œuvre de ce Fonds sont largement décentralisées, la sélection et la gestion des actions incombant aux États membres. Des fonds 2000 ont pu être débloqués et la vigilance continue de s'imposer quant à la transparence de la sélection des projets et l'utilisation de ces moyens financiers supplémentaires issus du budget communautaire.

La protection temporaire en cas d'afflux massif
de personnes déplacées

Sur ce dossier, la Commission avait proposé un projet de directive en mai 2000. La France a déposé une note en sept points dès le mois de juin 2000. Elle insistait sur la prééminence de la Convention de Genève mais semble désormais accepter la suspension de son application pour deux années en cas d'afflux massifs. Le débat est sans doute loin d'être clos.

Le regroupement familial

Fin 1999, la Commission européenne avait rendu publique une proposition de directive relative au regroupement familial dont la philosophie générale est l'instauration d'un droit au regroupement familial pour les ressortissants de pays tiers déjà résidents, y compris les réfugiés statutaires et les bénéficiaires d'une forme de protection subsidiaire. Après amendements du Parlement européen, la nouvelle version de la directive [4] exclut les personnes couvertes par une forme de protection subsidiaire de son champ d'application, en raison de l'absence d'homogénéité du concept de « protection subsidiaire » au sein des États membres. Une initiative sur le statut de ces personnes devrait être introduite par la Commission au cours de l'année 2001.

Le contrôle des flux migratoires

La maîtrise des flux et la lutte contre l'immigration illégale ont été parmi les priorités de la Présidence française. De nombreux accords ont été conclus : reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement, mandat de négociation par la Commission d'accords de réadmission [5], listes de pays soumis ou exemptés de visas. Un réseau d'« officiers de liaison » a été recommandé dans un plan d'action proposé en juillet 2000.

Le Conseil JAI de novembre a consacré cette notion et invité les États membres à renforcer la coopération entre ces agents présents dans un même pays ou une même région, pays sources d'immigration ou de transit. Durant sa Présidence, la France a organisé trois séminaires dans ces domaines mais aucun n'ait été consacré aux questions d'asile et ni les associations ni le HCR n'ont pas été autorisés à assister à celui consacré à la lutte contre les filières d'immigration clandestine.

Le Groupe de haut niveau
asile et migrations

À ce sujet, la France dit avoir donné l'impulsion décisive à ses travaux. Le rapport d'étape sur l'évaluation des six premiers plans d'action [6] et les futures perspectives a effectivement été adopté par le Conseil européen de Nice le 7 décembre. Il est regrettable que les plans d'action ne proposent pas une réelle stratégie destinée à s'attaquer aux violations des droits humains et mettent davantage l'accent sur les mesures de contrôle des flux. Il est malheureusement plus facile de mettre davantage de policiers à nos frontières que de demander aux Taliban de cesser de persécuter les Afghans.

Une directive sur la responsabilité
des transporteurs

La France a formulé une proposition de directive sur l'harmonisation des sanctions à l'égard des compagnies acheminant des passagers démunis des documents requis [7]. Selon ce texte, il est essentiel qu'un tel dispositif « ne porte aucun préjudice à l'exercice du droit d'asile » ; de même, les transporteurs aériens, maritimes ou terrestres ne seraient pas sanctionnés si les passagers sont « admis sur le territoire au titre de l'asile ». La France suggère que la sanction soit « dissuasive », d'un montant minimal de 2000 euros par personne et que les États membres soient libres d'adopter des mesures plus sévères. Lors du Conseil JAI, des réserves ont été émises, que ce soit sur l'attribution des sanctions par personne transportée ou par transporteur poursuivi, ou sur le montant (entre 3000 et 5000 euros).

Des mesures destinées au contrôle
des flux migratoires et des sanctions
à l'encontre des passeurs

La Présidence française a proposé, en juin 2000, deux documents afin de mieux définir « l'aide à l'immigration irrégulière » et de « renforcer le cadre pénal » pour la répression de cette infraction. L'objectif est de faire adopter, par chaque État membre, des sanctions à l'encontre de quiconque aide ou tente d'aider un étranger à pénétrer, à séjourner ou à circuler sur le territoire d'un État membre. Lors de sa session des 30 novembre et 1er décembre, le Conseil JAI a procédé à un échange de vues sur ces projets. Selon le compte-rendu, le Conseil apporte « la plus grande attention au respect des activités des organisations humanitaires, apportant bénévolement leur aide aux immigrés en situation irrégulière, ainsi qu'à la protection des victimes du trafic d'êtres humains », mais les textes ne contiennent aucune référence aux obligations internationales souscrites par les États envers les réfugiés et les demandeurs d'asile.

En outre, la question de l'exigence d'un but lucratif comme élément constitutif de l'infraction « n'a pas trouvé de réponse unanime ». On peut cependant encore espérer que les textes ne seront pas adoptés comme tels. En effet, les réserves principales émanent notamment de la Suède et la Belgique, les deux États exerçant les prochaines présidences de l'UE, réserves en particulier sur la question des sanctions et sur l'inclusion d'une clause humanitaire pour protéger le travail des organisations d'aide aux étrangers.

(*) ACAT, Amnesty international, ANAI, APSRF, Association Primo Levi, AVRE, CAEIR, Cimade, Comède, Croix-Rouge française, Forum réfugiés, France Terre d'Asile, GAS, Gisti, Ligue des droits de l'homme, Mrap, Secours catholique, Service national de la pastorale des migrants et SSAE.


Notes

[1] Conseil européen pour les réfugiés et exilés.

[2] Communication de la Commission, « Vers une procédure d'asile commune et un statut uniforme », 22 novembre 2000.

[3] Cette note traitait les domaines de l'information, du séjour, des conditions de circulation, de l'aide financière et matérielle, de l'accès au travail, de l'accès aux soins, de l'unité de la famille et de la scolarisation des mineurs.

[4] Proposition modifiée de directive du Conseil relative au droit au regroupement familial, 10 octobre 2000, COM(2000)624 final, 1999/0258 (CNS).

[5] Avec Maroc, Pakistan, Russie, Sri Lanka.

[6] Afghanistan, Albanie, Iraq, Maroc, Somalie, Sri Lanka.

[7] Texte publié au JOCE C 269 du 20 septembre 2000.

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Dernière mise à jour : 17-07-2001 22:58.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/plein-droit/49/repression.html


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