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Plein Droit n° 53-54, mars 2002
« Immigration : trente ans de combat par le droit »

Les « grands arrêts » du Gisti

Primauté de la convention internationale

Conseil d'État (CE), 24 novembre 1978, CGT, Gisti

En dépit de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique, les ressortissants de ces pays ont continué à bénéficier, sur la base d’accords bilatéraux, d’un régime privilégié de circulation et d’établissement.

Après la décision de suspension de l’immigration de main-d’œuvre, en juillet 1974, le gouvernement français a décidé de mettre fin à ce régime. Mais sans attendre la renégociation des conventions, deux circulaires du 30 novembre 1974 émanant du ministre de l’intérieur et du ministre du travail avaient prétendu imposer l’obligation d’une carte de séjour et d’une carte de travail délivrées dans les conditions prévues par le droit commun des étrangers.

L’annulation de ces dispositions, déférées au Conseil d’État par la CGT et le GISTI, était inévitable, un ministre ne pouvant bien entendu de son seul chef faire échec à une convention internationale.

C.E. 24 novembre 1978.– 98.340, 98.698, 98.700. Confédération générale du travail, et autres, Groupement d’information et de soutien des travailleurs immigrés.

1° Requête n° 98.340 de la Confédération générale du travail, et autres, tendant à l’annulation d’une circulaire, du 26 novembre 1974, du ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, réglementant les conditions de séjour en France des étrangers ;

2° Requête n° 98.700 du Groupement d’information et de soutien des travailleurs immigrés, tendant à l’annulation de la circulaire du 5 juillet 1974 du secrétaire d’Etat auprès du ministre du travail, et de la circulaire susvisée du ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, du 26 novembre 1974, ayant eu pour objet de suspendre provisoirement l’immigration de travailleurs étrangers ;

3° Requête n° 98.698 du même tendant à l’annulation des circulaires n° 11-74 du 9 juillet 1974, n° 17-74 du 9 août 1974 et n° 22-74 du 27 décembre 1974 du secrétaire d’Etat auprès du ministre du travail, suspendant provisoirement l’introduction en France des familles des travailleurs étrangers ;

Vu l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France ; le décret n° 46 1574 en date du 30 juin 1946 pris pour son application ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;

Considérant… (jonction) ;

En ce qui concerne les requêtes n° 98.340 et 98.700 ;

Sur les conclusions dirigées contre la circulaire du secrétaire d’Etat auprès du ministère du travail, du 5 juillet 1974 : – Cons., d’une part, que cette circulaire a pour objet de fixer les conditions d’admission en France des travailleurs étrangers ; que ses dispositions ne se rattachent pas directement aux relations internationales de la République française ; qu’elle constitue un acte administratif dont il appartient au juge de l’excès de pouvoir d’apprécier la légalité ; que, dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par le ministre du travail doit être rejetée ;

Cons., d’autre part, que le Groupement d’information et de soutien des travailleurs immigrés a pour objet l’action en vue de la « reconnaissance des droits et de la dignité des travailleurs immigrés » ; qu’il a, dès lors, intérêt et est, par suite, recevable à demander l’annulation de la circulaire susvisée ;

Cons. qu’aux termes de la loi du 10 août 1932 protégeant la main-d’œuvre nationale, toujours en vigueur, « tout étranger désirant entrer en France pour y être employé comme travailleur devra être muni d’une autorisation ministérielle spéciale accordée après consultation des services publics de placement » ;

Cons. que l’article L. 341-2 du code du travail dispose : « Pour entrer en France en vue d’y exercer une profession salariée, l’étranger doit présenter, outre les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur, un contrat de travail visé par l’autorité administrative ou une autorisation de travail et un certificat médical » ; qu’aux termes de l’article L. 341-4 dudit code, « Un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 341-2… » et qu’aux termes de l’article R. 341-1 alors en vigueur : « Tout étranger exerçant sur le territoire de la France métropolitaine une activité professionnelle salariée doit posséder une carte de travailleur. Cette carte est délivrée à la demande de l’intéressé par le ministre chargé du travail, qui en fixe les caractéristiques par arrêté. Elle comporte l’autorisation, pour l’étranger, d’exercer une ou plusieurs activités professionnelles salariées dans un ou plusieurs départements ou dans l’ensemble du territoire métropolitain. Elle doit être présentée à toute réquisition des autorités chargées du contrôle des conditions de travail. Les étrangers qui demandent la délivrance d’une carte de travailleurs au moment de leur entrée en France sont tenus de produire un contrat de travail visé par les services compétents du ministère chargé du travail » ;

Cons. que le secrétaire d’Etat auprès du ministre du travail a, par la circulaire en date du 5 juillet 1974, qui ne peut être regardée comme une simple directive laissant aux services destinataires une liberté d’appréciation, enjoint aux chefs desdits services de « ne plus viser aucun contrat d’introduction de travailleurs étrangers », « d’en aviser les employeurs en leur retournant les « contrats » soumis à leur visa et de renvoyer également les contrats non encore visés et détenus par eux ou par l’Office nationale de l’immigration ; que, même si certaines catégories de travailleurs immigrés limitativement définies sont exclues du champ d’application de cette circulaire, le secrétaire d’Etat auprès du ministre du travail a ainsi pris une mesure entraînant une interdiction générale d’entrée en France de travailleurs étrangers, alors que les dispositions législatives et réglementaires en vigueur l’autorisaient seulement à apprécier, dans chaque cas, s’il y avait lieu ou non de viser le contrat de travail qui lui était soumis ; qu’il a ainsi, par la circulaire attaquée, ajouté des dispositions nouvelles aux dispositions législatives et réglementaires susreproduites et illégalement usé du pouvoir réglementaire qu’aucun texte ne l’autorisait à exercer ; que, dès lors, le Groupement d’information et de soutien des travailleurs immigrés est recevable et fondé à demander l’annulation de ladite circulaire comme prise par une autorité incompétente ;

Sur les conclusions dirigées contre la circulaire du ministre de l’intérieur, en date du 25 novembre 1974 ;

Sur les conclusions du ministre de l’intérieur tendant à ce que lesdites conclusions soient déclarées sans objet : – Cons. que la circulaire susvisée n’a pas été rapportée et qu’il ne résulte pas du dossier que les dispositions n’ont pas reçu application avant sa modification par la circulaire du 9 juillet 1975 ; que, dès lors, les conclusions des requêtes dirigées contre cette circulaire ne sont pas devenues, même partiellement, sans objet ;

En ce qui concerne les dispositions de cette circulaire qui prescrivent aux préfets de rejeter les demandes de cartes de séjour présentées par les étrangers entrés clandestinement en France : – Cons. que, d’après l’article L. 341-2 précité du code du travail : « Pour entrer en France, en vue d’y exercer une profession salariée, l’étranger doit présenter les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur… » ; que l’article 4 du décret du 30 juin 1946, qui réglemente les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France dispose : « l’étranger qui, n’étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d’une carte de séjour, doit justifier… qu’il est entrée régulièrement sur le territoire » ; qu’en prescrivant aux préfets d’opposer désormais un refus à toutes les demandes d’admission au séjour qui leur seraient présentées par des étrangers, entrés clandestinement sur le territoire, le ministre de l’intérieur s’est borné à rappeler les dispositions législatives et réglementaires précitées ; que, dès lors, le ministre de l’intérieur est fondé à soutenir que, sur ce point, la circulaire attaquée ne fait pas grief aux requérants qui ne sont, par suite, pas recevables à demander l’annulation des dispositions susvisées ;

En ce qui concerne les dispositions de cette circulaire prescrivant aux préfets de rejeter les demandes de cartes de séjour présentées par les étrangers, y compris les Algériens venus en France après le 1er août 1974, et qui ne sont pas en possession d’un contrat de travail visé par les services de l’emploi ou, pour les Algériens, d’une carte de l’Office national algérien la main-d’œuvre : – Cons. que l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires précitées font obligation aux étrangers qui viennent en France pour y exercer un emploi salarié de produire un contrat de travail visé par les services compétents du ministère du travail ; qu’il résulte clairement de l’article 3 de l’accord franco-algérien relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, en date du 27 décembre 1968, que les Algériens doivent, pour leur part, produire la carte délivrée par l’Office national algérien de la main-d’œuvre, revêtue du timbre sec de la mission médicale française ; que si ces dispositions ou stipulations ne prévoient aucune procédure de régularisation à l’appui d’une demande de titre de séjour, elles n’interdisent ni aux étrangers y compris les Algériens, qui sont venus en France pour d’autres motifs et sont entrés régulièrement sur le territoire français, de présenter une demande d’autorisation de travail et de séjour aux services compétents, ni à ceux-ci d’accorder l’autorisation demandée dans l’exercice du pouvoir qui appartient normalement à l’administration, dans tous les cas où une disposition expresse ne le lui interdit pas, de régulariser les procédures pendantes devant elle ; qu’ainsi, en prescrivant aux préfets d’opposer désormais un refus à toutes les demandes de titre de séjour qui leur seraient présentées par des étrangers venus en France après le 1er août 1974, pour un court séjour, et qui ne seraient pas en possession d’un contrat de travail visé par les services de l’emploi préalablement à leur arrivée et, pour les algériens, de la carte de l’Office national algérien de la main-d’œuvre, le ministre de l’intérieur a, dans la circulaire attaquée, modifié par des dispositions nouvelles l’état de droit antérieur ; que, dès lors, les requérants sont fondés à soutenir que cette circulaire, qui ne permet aux préfets de déroger à la règle nouvelle qu’elle pose que dans le seul cas où il pourrait être tenu compte « d’impérieuses considérations  humanitaires » a dans cette mesure un caractère réglementaire ; qu’ils sont, par suite, recevables et fondés à en demander l’annulation comme prise par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne les dispositions de la même circulaire du 26 novembre 1974 relatives à l’admission des familles des travailleurs étrangers : – Cons. qu’en décidant de suspendre l’admission des familles des travailleurs étrangers déjà installés en France, le ministre de l’intérieur a pris une mesure nouvelle d’ordre général qu’il n’était pas compétent pour édicter ;

En ce qui concerne la requête n° 98.698 ;

Sur les conclusions du ministère du travail tendant à ce que ladite requête soit déclarée sans objet : – Cons. qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que les circulaires attaquées du secrétaire d’Etat auprès du ministre du travail n’aient pas reçu application avant leur abrogation par les circulaires des 18 juin et 2 juillet 1975 ; que, par suite, les conclusions de la requête susvisée ne sont pas devenues sans objet du fait de cette abrogation ;

Sur la légalité des circulaires du secrétaire d’Etat auprès du ministère du travail en date des 9 juillet 1974, 9 août 1974 et 27 décembre 1974 : – Cons. que lesdites circulaires, qui sont relatives à l’instruction des demandes d’introduction en France, par l’intermédiaire de l’Office national d’immigration des familles de travailleurs étrangers immigrés, ont été prises comme conséquence de la mesure suspendant l’immigration familiale contenue dans les circulaires attaquées par les requêtes n° 98.340 et 98.700 et annulées par la présente décision : que, par voie de conséquence, le Groupement requérant est également recevable et fondé à en demander l’annulation ; … (annulation des circulaires des 5 et 9 juillet 1974, 9 août et 27 décembre 1974 ; annulation des dispositions de la circulaire du 26 novembre 1974, prescrivant aux préfets de rejeter les demandes de cartes de séjour présentées par les étrangers y compris par les Algériens venus en France après le 1er août 1974, et qui ne sont pas en possession d’un contrat de travail visé par les services de l’emploi ou, pour les Algériens, d’une carte de l’Office national algérien de la main-d’œuvre, ainsi que les dispositions relatives à l’admission des familles de travailleurs étrangers ; rejet du surplus des requêtes n° 98.340 et 98.700).

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Dernière mise à jour : 27-10-2003 15:49 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/plein-droit/53-54/j1.html


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