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Comment obtenir des indemnités de l'administration

Comment demander une indemnité au juge administratif (1/3)

On a parfois l'impression que l'administration dispose d'une sorte de pouvoir arbitraire qui lui permettrait de refuser des titres de séjour, des autorisations de travail, des regroupements familiaux, etc. sans risquer la moindre pénalisation quand elle sort du cadre de la législation. Or les décisions de l'administration sont susceptibles d'être contrôlées et annulées par le juge administratif [1], voire par le juge judiciaire. En outre, dans l'hypothèse où une décision est illégale, l'administration peut être tenue de réparer les conséquences préjudiciables de la faute qu'elle a ainsi commise. L'illégalité d'une décision administrative est en effet une faute, laquelle peut ouvrir droit à indemnité au profit de la personne victime de cette illégalité [2].

Protection sociale

Les demandes d'indemnités à la suite de refus de prestations sociales ne sont pas traitées dans ce document. Elles seront examinées dans une prochaine publication du Gisti sur la protection sociale.

Une demande d'indemnité à la suite d'un refus illégal peut viser deux objectifs, qui peuvent d'ailleurs être complémentaires :

  1. naturellement, obtenir une indemnité en dédommagement du préjudice subi ;

  2. pousser l'administration à passer du refus à l'acceptation. Il arrive parfois que la menace d'avoir à verser une indemnité accélère le réexamen du dossier et que ce réexamen débouche sur une réponse enfin positive. La demande d'indemnité a, dans ce cas, une visée tactique.

Par exemple, un étranger obtient le feu vert (écrit) du ministère de l'intérieur à la suite d'un recours hiérarchique après refus d'un titre de séjour par la préfecture. Mais la préfecture s'obstine dans son refus, le plus souvent de façon informelle (sans jamais l'écrire). Quand la victime en a assez de ce petit jeu, elle peut tenter d'écrire (en recommandé avec accusé de réception et en gardant copie de la lettre) au ministère de l'intérieur que la préfecture joue l'inertie, que, dans ces conditions, cette victime ne va pas tarder à demander réparation du préjudice en espèces sonnantes et trébuchantes (indemnités, donc).

Quel que soit l'objectif, c'est normalement le juge administratif qui est compétent pour allouer des indemnités dans ce type d'hypothèse. Dans quelques cas rares, toutefois, il faut saisir le juge judiciaire (voir « Dans quels cas faut-il saisir le juge judiciaire ? »).

Saisir l'administration
avant de s'adresser au juge

Sauf exception, c'est donc devant le juge administratif que des indemnités pourront être demandées.

Plusieurs situations sont envisageables. On peut demander une indemnité :

  1. après avoir obtenu l'annulation de la décision attaquée (par exemple, l'annulation du refus de délivrance du titre de séjour) ;

  2. en même temps qu'on demande l'annulation de la décision ;

  3. après le recours en annulation et avant que le juge ait statué sur ce recours : inviter alors le tribunal à « joindre » les deux demandes ;

  4. indépendamment de tout recours en annulation : ce sera le cas si l'administration est revenue d'elle-même sur sa décision à la suite d'un recours gracieux ou hiérarchique, ou encore si elle a délivré un titre de séjour à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière.

Dans les quatre cas, la procédure est identique.

Pour espérer obtenir des indemnités, il faut le demander de façon expresse en s'adressant d'abord à l'administration, avant de saisir le juge :

  • dans un premier temps, on demandera explicitement à l'administration l'indemnisation du préjudice subi en s'adressant à l'autorité auteur de la décision qui est à l'origine du préjudice ;

  • dans un second temps, si la demande d'indemnité a été rejetée par l'administration ou si elle n'a pas répondu, on invitera le juge à condamner l'administration à verser l'indemnité réclamée. On peut aussi demander au juge le versement d'une provision à valoir sur la somme due par l'administration.

Si l'on obtient la condamnation de l'administration et qu'elle tarde à verser la somme qu'elle a été condamnée à payer, il existe des procédures permettant de l'inciter à payer plus rapidement.

La demande adressée
à l'administration

Le délai

Pour faire cette demande, il faut respecter les règles suivantes :

  1. on a toujours intérêt à faire sa demande d'indemnisation le plus tôt possible. En effet, on ne peut saisir le juge qu'après s'être heurté à un refus de l'administration ; or, comme dans la plupart des cas, elle ne répondra pas, il faudra attendre qu'un délai de quatre mois se soit écoulé, faisant naître ainsi une « décision implicite de refus » (voir « Les suites de la demande ») pour pouvoir saisir le juge ;

  2. il faut veiller à faire sa demande avant l'expiration d'un délai de quatre ans après la survenue du dommage. En effet, il existe une règle dite de la « prescription quadriennale », qui signifie que l'on perd ses droits à indemnité si on ne les fait pas valoir dans ce délai de quatre ans. Ce délai court à compter du 1er janvier qui suit la décision qui est à l'origine du dommage ou, si cette décision a été attaquée, à compter du 1er janvier qui suit la décision juridictionnelle qui l'a annulée.

À qui s'adresser

La demande préalable doit être adressée à l'autorité administrative auteur de la décision qui est à l'origine du préjudice : préfet ou directeur départemental du travail et de l'emploi si le refus de séjour ou d'autorisation de travail émane de l'un ou de l'autre ; ministre concerné (intérieur, ou emploi et solidarité) si le refus initial du préfet a été confirmé sur recours hiérarchique, etc.

Si l'on se trompe de destinataire, l'autorité qui a reçu une demande par erreur est tenue de la transmettre à celle qui est compétente ; toutefois, la procédure risque d'être retardée.

Le contenu de la demande

La demande doit comporter, outre le nom et l'adresse du demandeur :

  1. Des explications sur les raisons pour lesquelles la décision est illégale. Il faut expliquer pourquoi la demande de titre de séjour, d'autorisation de travail, de regroupement familial, etc. était et reste fondée en droit, et pourquoi — toujours en termes de droit — l'administration aurait dû y répondre positivement.

    Dans le cas où la décision a été préalablement annulée par le juge administratif, il convient d'exposer que cette annulation entraîne nécessairement droit à indemnisation dès lors que l'illégalité commise a entraîné un préjudice ;

  2. Des explications sur les préjudices dont on demande réparation. Il faut détailler les différents préjudices subis — préjudice matériel, préjudice moral — qui justifient la somme d'argent demandée pour l'indemnisation du refus. Concrètement, il s'agit d'établir l'existence d'un dommage, c'est-à-dire de prouver un certain nombre de manques à gagner (travail, prestations sociales...), de frais supplémentaires exposés (consultations médicales ou hospitalisations non remboursées), de troubles dans les conditions d'existence (atteinte à la vie familiale, à la liberté de circulation, etc.) et de préjudices moraux ;

  3. L'évaluation du préjudice et l'indication de la somme demandée. Le montant que peut accorder le juge ne pouvant être supérieur à celui qui a été demandé à l'administration, mieux vaut évaluer le préjudice de façon large que trop restrictive.

Exemples de préjudices
matériels et moraux

Tous les préjudices doivent être justifiés par la production de tous documents utiles.

  • Préjudices liés à l'impossibilité de travailler : dans une demande d'indemnisation, on peut, par exemple, démontrer que le refus illégal de délivrer un titre de séjour ou une autorisation de travail a entraîné un empêchement de travailler, soit par la perte d'un emploi, soit par l'impossibilité d'être recruté. Dans les deux cas, il faut apporter la preuve de ce dommage en produisant, pour le premier, des fiches de paie et une lettre de licenciement (si possible explicitement motivée par le défaut de titre de séjour) ; pour le second, une promesse d'embauche et/ou une lettre de l'employeur potentiel renonçant à son projet d'embauche parce que le titre de séjour tarde trop à être délivré. Il est ensuite facile de calculer le montant du préjudice en multipliant le salaire mensuel perdu par le nombre de mois depuis la date à laquelle on a déposé sa demande de titre de séjour. On peut y ajouter les pertes futures en termes de retraite.

  • Impossibilité de toucher des prestations sociales : le fait d'être sans papiers empêche de bénéficier de diverses prestations sociales (remboursements par la sécurité sociale de frais médicaux, aides au logement, allocations familiales, etc.). Là encore, à l'aide de certificats médicaux, de documents sur la composition de la famille, de quittances de loyer, on peut prouver ce à quoi on aurait eu droit si l'on avait obtenu le titre de séjour demandé. Après avoir calculé le montant de ces droits perdus, on en réclame l'équivalent à l'administration. Il faut penser aussi au préjudice moral : la maladie, établie par un certificat médical, qui n'a pu être soignée faute de moyens et/ou de protection sociale permet d'exiger une indemnité à titre de compensation.

  • Inconvénients divers : il faut récapituler tous les effets négatifs engendrés par le refus de titre de séjour, en les prouvant et en les chiffrant comme ci-dessus. On peut citer l'expulsion de son logement, le préjudice lié à une interdiction bancaire, des coupures d'eau, de gaz, d'électricité, des déplacements rendus impossibles (aller dans son pays d'origine à l'occasion du décès d'un parent proche, de la naissance d'un de ses enfants, y aller pour rendre visite à sa famille), l'inconfort et l'insécurité de la situation résultant de l'absence de papiers ainsi que les inconvénients pour les proches — conjoint, enfants, parents ou amis qui hébergent la victime si elle ne peut se loger, etc. —, les ennuis de santé (avec certificats médicaux), des amendes fiscales pour non-paiement d'un impôt (sur le revenu, la taxe d'habitation, si l'on établit qu'on n'a pu payer à cause du refus). Tout cela constitue autant de préjudices, les uns matériels, les autres moraux, dont il est possible de demander réparation.

Comment adresser la demande

Il faut toujours adresser sa demande en recommandé avec accusé de réception, en gardant copie de la lettre et de l'avis de réception : c'est en effet de cette façon que l'on pourra prouver l'existence de cette demande et la date à laquelle elle a été adressée à l'administration (voir le modèle de requête).

Les suites de la demande

Quatre situations peuvent être envisagées à la suite de l'envoi de cette demande.

  1. Soit l'administration accorde l'indemnité demandée, et tout le monde est content. De mémoire de justiciable, on n'a pas souvenir d'un tel acquiescement. C'est pourquoi, si le refus émane du préfet, il est en général inutile de présenter un recours hiérarchique et il est préférable de saisir immédiatement le juge administratif.

  2. Soit l'administration accepte d'accorder une partie de l'indemnité demandée, et il convient alors de déterminer si l'on s'en satisfait ou si l'on souhaite avoir plus en saisissant le juge (avec le risque, tout de même, de tout perdre).

  3. Soit l'administration refuse explicitement l'indemnité demandée, et il convient alors de saisir le juge.

  4. Soit l'administration ne répond pas. Dans ce cas, au bout de quatre mois, décomptés à partir du jour où elle a reçu la demande préalable (date attestée par l'accusé de réception), elle est réputée avoir rejeté la demande. Ce refus implicite permet de saisir le juge.

Si, en règle générale, on ne peut guère fonder d'espoir sur les résultats de cette requête préalable auprès de l'autorité administrative, la démarche est néanmoins obligatoire pour pouvoir saisir de la même demande un juge qui, lui, statuera éventuellement dans un sens positif. La démarche a aussi l'avantage de permettre la constitution du dossier (définition des divers préjudices et documents les établissant) qui devra être produit devant le juge.

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Notes

[1] Voir Que faire après un refus de titre de séjour ?, GISTI, coll.« Notes pratiques », à paraître dans le premier trimestre 2000. Sur la façon de faire un recours, on peut aussi consulter un document aujourd'hui périmé — mais pas sur les recours (ne pas utiliser toutefois les modèles de lettres) — Circulaire du 24 juin 1997 : Que faire après un refus de régularisation ?, Gisti, coll.« Notes pratiques », septembre 1998.

[2] Pour la manière de faire des recours en tous genres contre des refus de l'administration, quelle qu'en soit la nature, voir le Guide des étrangers face à l'administration, GISTI/Syros 1997, 152 pages.

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Dernière mise à jour : 12-03-2002 14:05 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/publications/2000/indemnites/note.html


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