Article extrait du Plein droit n° 3, avril 1988
« Quels discours sur l’immigration ? »

Des magistrats et des avocats de la région lyonnaise interpellent les candidats aux élections présidentielles

Dix-huit mois après la promulgation de la loi du 9 septembre 1986 modifiant le statut des étrangers en France, rien ne permet de penser que son application ait permis, comme le promettaient ses promoteurs, d’améliorer la sécurité publique.

– Il est clair, en revanche, que l’application de cette loi, notamment en matière d’expulsion du territoire, ne s’est pas faite sans de graves entorses aux principes du droit français garanties essentielles des libertés publiques.

– Présentée comme une simple « mesure de police » l’expulsion d’un étranger, né ou éduqué en France, est en fait comme un véritable bannissement, une rupture totale avec la famille et l’entourage.
Il est très souvent impossible à l’expulsé de rester loin des siens.
Comme le démontre une réalité de plus en plus fréquente, il ne peut revenir que comme un hors-la-loi, toute voie de réinsertion lui étant fermée.

– Cette loi bafoue les valeurs familiales les plus sacrées puisque des pères ont été poursuivis pour avoir accueilli leurs enfants, des époux pour avoir voulu vivre ensemble !

– Cela est d’autant plus grave que le fondement des expulsions est la notion extrêmement vague de « menace de trouble à l’ordre public ».
Cette notion extrêmement vague laisse toute latitude à l’arbitraire de l’exécutif. C’est ainsi qu’a été expulsé fin 1987 l’auteur d’un fait unique commis en 1979 ; après s’être constitué prisonnier et avoir purgé sa peine, il s’était totalement réinséré ; le voilà exposé à une nouvelle marginalisation.

– Certes l’expulsion d’un étranger est d’abord soumise à l’avis d’une Commission composée de magistrats, mais toute efficacité a été retirée à ce contrôle préalable puisque la loi de 1986 a affranchi l’exécutif de l’obligation de s’incliner devant un avis de la Commission défavorable à l’expulsion.

– Faute de pouvoir clairement définir la trop vague notion de « menace » il n’est pas non plus possible d’attendre des juridictions administratives un contrôle a posteriori de cet arbitraire.

– Au prétexte fallacieux que l’expulsion ne serait pas une sanction mais seulement une mesure de police, elle a été appliquée à des jeunes gens éduqués en France pour des faits qui ne pouvaient l’entraîner au moment où ils ont été commis.

Attachés par vocation aux Droits de l’Homme et aux Libertés publiques, Soucieux de préserver la société française des manifestations de désespoir de personnes le plus souvent très jeunes et démunies.

Les Avocats et Magistrats soussignés s’adressent aux candidats aux élections présidentielles pour leur demander l’abrogation de la loi du 9 septembre 1986 et le retour à une législation permettant le contrôle du respect des droits de tous.

Tous les magistrats, avocats et auxiliaires de justice intéressés par cette déclaration sont invités à y adhérer.



Article extrait du n°3

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Dernier ajout : mercredi 2 avril 2014, 17:22
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