Article extrait du Plein droit n° 59-60, mars 2004
« Acharnements législatifs »

L’harmonisation communautaire : objectif ou alibi ?

Pendant les travaux préparatoires à la réforme de la loi du 10 décembre 2003 sur l’asile, il a souvent été fait référence aux normes communautaires en cours d’élaboration. C’est ainsi que des notions comme celles de « pays sûrs » ou de « protection subsidiaire », sont directement tirées des textes qui, à court terme, définiront la future politique européenne d’asile. Lors de la discussion sur la loi relative au séjour et à l’éloignement du 28 novembre 2003, ces références ont été moins explicites. Elles n’ont fait leur apparition que lorsque le gouvernement a estimé que l’invocation de l’« Europe » lui était utile. Ainsi, après avoir imposé, dans la négociation avec ses partenaires, certaines dispositions auxquelles il tient, il est revenu devant les parlementaires français plaider leur adoption au nom des contraintes de la communautarisation. Les exemples abondent. Dans la directive relative au statut du ressortissant de pays tiers résident de longue durée, le critère d’intégration, introduit à la demande de la délégation française est désormais une condition requise par la loi française pour la délivrance d’une carte de résident. De même, en transposant, dans l’ordonnance de 1945, la directive relative au contrôle des frontières qui prévoit de réprimer les transporteurs acheminant des étrangers sans titre, la France inscrit dans sa loi une disposition européenne dont elle est elle-même à l’origine. Ce jeu de miroirs, qui permet au gouvernement français de présenter au Parlement, habillées du vernis « européen », des dispositions dont il est l’initiateur, est récurrent dans la loi Sarkozy. Il fonctionne parfois dans l’autre sens, lorsque la France, pour faire pression sur les autres États membres de l’UE, argue de ses pratiques nationales pour les faire inscrire dans la loi européenne. C’est le cas avec la possibilité, ouverte par la loi du 26 novembre 2003, de systématiser la mémorisation des photographies et des empreintes digitales de tous les étrangers qui sollicitent un titre de séjour ou un visa, votée au moment où les Français militent activement, au sein du Conseil de l’Union, pour l’adoption d’un règlement communautaire visant à introduire des éléments d’identification biométriques dans les documents de séjour et de voyage des étrangers. L’un des objectifs de l’harmonisation des politiques d’immigration décidée par le traité d’Amsterdam, en 1997, était de dépassionner la matière en l’extrayant du débat national. A constater l’instrumentalisation dont elle fait l’objet par certains États membres, il n’est pas certain que le but soit atteint. Les trois articles qui suivent illustrent cette interrogation.



Article extrait du n°59-60

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Dernier ajout : jeudi 17 avril 2014, 14:58
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