En refusant des visas à une famille syrienne, le ministère de l’intérieur a violé le droit constitutionnel à l’asile

Ajout de juillet 2015 : La décision évoquée dans ce communiqué a été annulée le 9 juillet 2015 par le Conseil d’État.

Extrait du communiqué du Conseil d’État :
« Saisi en appel par le ministre de l’intérieur, le juge des référés du Conseil d’État annule une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes qui avait enjoint à l’administration sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative de réexaminer les demandes de visa présentées par trois ressortissants syriens résidant au Liban en vue de venir déposer en France une demande d’asile. L’ordonnance du 9 juillet 2015 rappelle que si le droit constitutionnel d’asile a pour corollaire le droit de solliciter en France la qualité de réfugié, les garanties attachées à ce droit fondamental n’emportent aucun droit à la délivrance d’un visa en vue de déposer une demande d’asile en France. Elle précise en outre que les orientations générales définies par l’administration pour l’instruction des demandes de visas présentées par des ressortissants syriens au titre de l’asile ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte grave et manifestement illégale au droit constitutionnel d’asile.  »


Le tribunal administratif de Nantes a donné raison, le 16 septembre 2014 à une famille syrienne à laquelle la France avait refusé de délivrer des visas de court séjour [1]. Le Gisti était intervenant volontaire à ses côtés.

Mme K, mère de trois enfants, dont deux mineurs, vit à Alep, deuxième ville de Syrie, martyrisée depuis des mois par des combats meurtriers et destructeurs entre toutes les forces en conflit (armée du régime, armée libre, islamistes). L’aviation d’Assad bombarde régulièrement la cité à coups de barils incendiaires.

Outre cette situation générale, connue de tous, a fortiori du ministère de l’intérieur, cette famille faisait état des raisons particulières qu’elle avait de rechercher à tout prix une protection.

Le Gisti a aidé cette famille à déposer une demande de visas de court séjour, à l’appui de laquelle la démonstration était faite des risques encourus par ses membres pour leur vie et leur sécurité.

Les visas sollicités ont été néanmoins refusés sans explication avec pour conséquence d’empêcher cette famille de déposer une demande d’asile, puisqu’il n’est possible de le faire que depuis le territoire français.

Devant le tribunal administratif de Nantes, le ministère de l’intérieur a soutenu que son refus était juridiquement fondé. Il a même avancé que la famille aurait pu se mettre à l’abri au Liban, alors qu’il sait parfaitement qu’un million d’exilés syriens ont trouvé refuge dans ce petit pays de 4 millions d’habitants, dont le territoire est 55 fois plus petit que l’Hexagone. Qu’à cela ne tienne : c’est un pays... ami de la France. Le ministère sait parfaitement aussi, car c’est de notoriété publique, que nombre de Syriennes n’ont d’autre solution que la prostitution pour y survivre, tandis qu’une sévère malnutrition frappe la plupart des enfants réfugiés.

C’est la raison pour laquelle le tribunal a considéré que le ministère de l’intérieur avait violé le droit constitutionnel d’asile. Il a ordonné la délivrance des visas dans un délai de cinq jours.

Le ministère osera-t-il se dérober à cette injonction en faisant appel ?

22 septembre 2014
TA de Nantes, 16 septembre 2014, n° 1407765
CE, 9 juillet 2015, n°391392

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Dernier ajout : jeudi 17 septembre 2015, 17:50
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