Référé liberté pour faire interdire la chasse aux Comoriens
Les faits
Des tracts distribués le 17 mai 2016, présentés comme émanant du « Collectif du village de Kani-Kelly, » appellent les personnes qui hébergent des Comoriens ou leur permettent de s’installer sur un terrain leur appartenant à les chasser.
Un référé-liberté a été introduit par la Cimade, le Gisti et le Secours catholique avec une intervention volontaire de Médecins du Monde afin que ce « décasage » programmé n’ait pas lieu.
Le juge des référés a enjoint « au préfet de mobiliser les forces de police et de gendarmerie nécessaires pour éviter que cette manifestation se déroule et garantir la sécurité des personnes et des biens ».
« 7. Considérant que les « chasses aux clandestins » organisées par des collectifs de villageois constituent des actions manifestement illégales qui sont par nature contraires au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; que ces actions ont donné lieu à la commission d’infractions pénales et des violences faites aux personnes et aux biens constitutives de troubles graves à l’ordre public ; que la manifestation en cause devant ce dimanche 5 juin a pour but avoué d’organiser, comme dans les autres communes du département, des expulsions de personnes d’origine étrangère qui sont hébergées ou occupe un terrain dans cette commune ; qu’une telle manifestation, dont l’objet est manifestement contraire aux lois et règlements et n’est nullement « pacifique », ne saurait être considérée comme une manifestation de tradition ; que le collectif, qui n’a pas effectué la déclaration préalable pour l’organisation de cette manifestation, a appelé non seulement les habitants de Kani-Kéli, mais l’ensemble des mahorais à y participer ; que, dans ces conditions, eu égard au contexte particulièrement tendu et dégradé de la situation sociale à Mayotte, au vu des éléments et des nombreux témoignages fournis, et alors même que de précédentes « marches » n’auraient donné lieu à aucun débordement à Kani-Kéli, le risque que soient à nouveau portées de graves atteintes à l’intégrité et à la dignité des personnes visées par l’organisation de cette « marche » est suffisamment caractérisé et imminent ;
8. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des explications données à l’audience par le conseil de la commune, que le maire de Kani-Kéli, non seulement ne s’est pas opposé à la manifestation organisée par le collectif de ce village, et mais a au contraire reçu le collectif en se bornant à leur donner des conseils de prudence et à prévoir un encadrement par des agents de police municipale ; que la parole que les responsables du collectif aurait alors donné au maire d’agir pacifiquement, ne saurait à elle seule garantir que soit assurée la sécurité des personnes et des biens ; qu’en l’espèce, les mesures prises par le maire sont insuffisantes pour prévenir les graves atteintes à l’ordre public qui pourraient en résulter et éviter que de nouvelles infractions pénales soient commises portant atteinte à la sûreté, à l’intégrité physique et à dignité des personnes ; que le préfet de Mayotte, qui n’a pas défendu à l’instance, n’a pas d’avantage prévu de prendre les mesures nécessaires pour éviter de telles atteintes ; que, dans ces conditions, l’insuffisance des mesures prises pour remédier à la situation constitue en l’espèce une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que la manifestation devant avoir lieu ce dimanche 5 juin à 7 heures, il est encore temps de prendre les mesures nécessaires ; que la condition d’urgence pour prendre ces mesures est également satisfaite, alors même que les associations ont attendu le dernier moment pour saisir le juge des référés ; qu’il y a lieu, en conséquence, d’enjoindre au maire de la commune de Kani-Kéli d’interdire la manifestation organisée par le collectif, et au préfet de mobiliser les forces de police et de gendarmerie nécessaires pour éviter que cette manifestation se déroule et garantir la sécurité des personnes et des biens ;
[...] Il est enjoint au maire de la commune de Kani-Kéli et au préfet de Mayotte de prendre immédiatement les mesures mentionnées au point 8 de la présente ordonnance. »
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