Requête et assignation en référé d’heure à heure

Requête à fin d’assigner d’heure à heure :

l’avocat soussigné sollicite de Monsieur le Président du Tribunal l’autorisation de délivrer d’heure à heure, en raison de l’urgence, l’assignation en référé ci-après transcrite.

Paris, le 28 juin 19**

ORDONNANCE :

Nous Président,

autorisons à assigner pour le 28 juin 19** à ...... h devant nous siégeant

Assignation en référé d’heure à heure

Devant le Tribunal de Grande Instance de Paris

L’an ..... et le .....

A la demande de :

Monsieur X né le ** 1980 à ** (Mozambique) de nationalité mozambicaine, sans emploi, se trouvant actuellement retenu contre son gré à bord du navire **, au port de **,

Ayant pour avocats :

Maitre X, avocat au Barreau de **, demeurant **, téléphone **, télécopie ** vestiaire **,

lequel se constitue et occupera sur la présente assignation et ses suites,

Il vous est donné assignation à comparaître pour le ...... à ...... à l’audience et par devant Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris tenant l’audience des référés au Palais de Justice de Paris, 4 boul. du Palais, 75004, Paris.

Vous devrez comparaître à cette audience ou vous y faire représenter par un avocat inscrit au Barreau. A défaut, vous vous exposeriez à ce qu’une ordonnance soit rendue à votre encontre sur les seuls éléments fournis par votre adversaire.

Destinataire de la présente assignation

Monsieur le Ministre de l’intérieur, Place Beauvau, 75800 Paris

Objet de la demande

Il est demandé au juge des référés, statuant d’heure à heure en raison de l’urgence, de mettre fin à la séquestration arbitraire de M. X, actuellement retenu contre son gré à bord du ** au port de **, sous l’autorité de Monsieur le Ministre de l’Intérieur. Le **, arrivé à ** le 23 juin, doit quitter la France dans la soirée du 28 juin ou la matinée du 29 juin.

En l’état la police de l’air et des frontières refuse de laisser débarquer le demandeur en dépit de la demande d’asile qu’il a formulée, et donc en violation flagrante de la réglementation applicable, qui aurait dû entraîner son placement en zone d’attente depuis le 23 juin, sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

Le demandeur a fui son pays d’origine, le **, après la mort de ses deux parents. Il est parti en **, puis a rejoint le port de ** où il a embarqué clandestinement à bord du navire immatriculé à Nassau et battant pavillon des Bahamas.

Avant l’arrivée du navire à **, son commandant de bord a prévenu les autorités françaises d’immigration de ce port (police de l’air et des frontières) de la présence à bord d’un passager clandestin déclarant vouloir demander l’asile.

En application de l’article 12 du décret du 27 mai 1982, la décision d’admission ou de non-admission en France, au titre de l’asile, d’un étranger sollicitant l’entrée en France ne peut être prise que par le ministre de l’intérieur, après avis du ministre des Affaires étrangères.

Or en dépit du préavis donné à la police de l’air et des frontières, annonçant l’arrivée de l’intéressé ainsi que sa demande d’asile, un inspecteur de la police et des frontières de ** s’est présenté à bord du navire le jour même de son arrivée au port de Brest, 23 juin, pour y notifier au commandant de bord que le demandeur faisait l’objet d’un refus d’entrée en France et devait rester consigné à bord du navire.

Puis le lendemain le même policier est retourner notifier au commandant de bord une décision de refus d’asile motivée par la circonstance que l’intéressé serait irrecevable à la formuler, se trouvant « aux Bahamas », en raison de la nationalité du navire.

Depuis son arrivée en France le demandeur est ainsi retenu sans aucun fondement juridique, ni intervention judiciaire, par la police de l’air et des frontières sous l’autorité du ministre de l’intérieur.

Cette séquestration totalement irrégulière constitue une voie de fait que le juge des référés devra faire cesser.

1) Absence de fondement juridique de la détention

La détention n’a fait l’objet d’aucune décision judiciaire, ni même d’une décision administrative écrite.

Selon l’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée (dans sa rédaction actuelle issue de la loi du 6 juillet 1992), un étranger sollicitant l’asile en France peut se voir retenu dans des conditions strictement réglementées, à condition que sa demande d’asile soit manifestement infondée.

Ce texte est applicable aux demandes d’asile présentées par des étrangers arrivant par voie terrestre ou maritime.

Les conditions auxquelles est soumise la rétention sont les suivantes :

  • rétention dans une « zone d’attente » instaurée par arrêté préfectoral ;
  • décision de rétention prise par l’autorité administrative pour une durée de 48 heures, renouvelable une seule fois ;
  • au bout de quatre jours, la prolongation de la rétention ne peut être autorisée que par le Président du Tribunal de grande instance, ou son délégué, saisi par l’administration d’une demande de prolongation de la rétention.

En l’espèce, alors que plus de 4 jours se sont écoulés depuis son arrivée en France, l’intéressé n’est pas retenu en « zone d’attente » mais à bord du navire sur lequel il voyageait.

Il semble que cette détention n’ait pas été décidée dans les conditions que permet l’article 35 quater et en particulier aucune décision formelle de détention n’a été notifiée à l’intéressé.

Plus grave encore, car il s’agit d’une garantie constitutionnelle, l’intervention au bout de quatre jours du juge judiciaire n’a pas été requise pour vérifier la régularité de la situation et autoriser la prolongation de la rétention à bord du navire.

A tous égards la situation analysée a été placée par l’autorité administrative en dehors des règles légales qui s’imposent à elle.

Cette séquestration viole les dispositions des articles 5 et 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ainsi que celles de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et libertés fondamentales, en vertu desquelles toute personne privée de liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un Tribunal afin qu’il statue, à bref délai, sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

La loi française met en oeuvre cette règle européenne en instaurant un contrôle du juge dès l’expiration des premières 96 heures de détention. Or le demandeur n’a pas bénéficié de ce contrôle.

2) Intervention du juge des référés

La séquestration arbitraire du demandeur constitue une voie de fait :

  • elle porte atteinte à une liberté fondamentale, celle d’aller et venir ;
  • elle est insusceptible de se rattacher à l’exercice d’une prérogative de l’administration.

La persistance de cette voie de fait et le trouble manifestement illicite qui en résulte fondent la compétence du juge des référés, qui devra ordonner la remise en liberté immédiate du demandeur.

Par ces motifs

CONSTATER que la séquestration arbitraire de M. X viole les articles 5 et 35 quater de l’ordonnance de 1945 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France, ainsi que l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme,

CONSTATER qu’elle constitue donc une voie de fait et un trouble manifestement illicite fondant la compétence du juge des référés,

en conséquence,

ORDONNER la remise en liberté immédiate de M. X

CONDAMNER le ministre de l’intérieur à payer au demandeur la somme de 10 000 F sur le fondement de l’article 700 du NCPC, et aux entiers dépens.

DIRE que l’ordonnance à intervenir sera exécutoire sur minute.

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Dernier ajout : jeudi 11 janvier 2007, 18:30
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