action collective
Le préfet de Mayotte coupé dans son ELAN : avant de raser un quartier, encore faut-il prévoir de reloger les habitant⋅es
Décembre 2021 : le préfet de Mayotte s’apprêtait à mettre à exécution le 12e arrêté portant évacuation et démolition d’un quartier pris en application de l’article 197 de la loi ELAN – un dispositif dérogatoire qui permet, à Mayotte et en Guyane, de faciliter l’expulsion des occupants de terrain sans droit ni titre.
Les habitant⋅es, soutenu⋅es dans cette démarche par la Ligue des droits de l’homme, le Gisti, la Fasti, la Cimade et Médecins du Monde [1], ont contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Mayotte.
Le 23 décembre 2021, le juge des référés de ce tribunal a ordonné la suspension de la mesure, estimant qu’un doute sérieux pesait sur sa légalité dès lors qu’en méconnaissance des dispositions législatives, elle ne comportait aucune véritable proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence adaptée à chaque occupant⋅e.
C’est la première fois qu’un arrêté de ce type est contesté devant un juge et censuré, alors que les onze mesures précédentes étaient manifestement entachées de la même illégalité sans que les habitant⋅es des 1 503 logements détruits depuis la mise en œuvre de la loi Elan aient pu faire valoir leur droit à se voir proposer une solution de relogement adapté.
Car depuis le mois d’octobre 2020, la préfecture de Mayotte s’entête à multiplier les arrêtés d’évacuation et de démolition sans que des solutions pérennes de relogement soient proposées.
Propositions qui doivent être « adaptées », c’est-à-dire permettre aux habitant⋅es de maintenir la scolarité des enfants, le suivi médical, le suivi social et l’intégration professionnelle engagés.
Le plus souvent, les familles délogées n’ont d’autre choix que d’aller déboiser un autre bout de forêt pour s’y installer, encore plus loin, d’autres forment la cible parfaite pour des marchands de sommeil qui demande un loyer conséquent pour un logement encore plus insalubre que leur précédent.
Est-il encore nécessaire de prouver que les conditions de vie ont un impact sur la santé ? Nous savons que les expulsions ne font que l’aggraver, en rompant les parcours de vie, les parcours de soins et avec des atteintes sur la santé mentale des personnes.
La Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement (DIHAL) elle-même le dit : « Insuffisamment anticipées et mal préparées, les évacuations aboutissent systématiquement à la reconstitution d’autres bidonvilles tout en freinant les effets des actions conduites localement sur ces sites. »
Nos associations exigent le retrait sans délai de tous les arrêtés non encore exécutés concernant différentes communes de Mayotte et qui sont entachés des mêmes illégalités.
Elles demandent aussi l’application de la circulaire du 26 août 2012 et de l’instruction du gouvernement du 25 janvier 2018 relatives à la résorption des campements illicites et des bidonvilles qui transposent des principes protecteurs contenus dans le code de l’action sociale et des familles et qui visent à la « réduction durable du nombre de bidonvilles dans les 5 ans à venir. »
Plutôt que de financer des démantèlements, le préfet de Mayotte ferait mieux de consacrer les crédits de l’État à une résorption de l’habitat insalubre (lequel ne peut pas être durable).
Organisations signataires :
- Fasti
- Gisti
- LDH
- Médecins du Monde
[1] Sur la base d’une lecture à l’évidence erronée de leurs objets statutaires respectifs et d’une conception singulièrement étriquée de l’intérêt pour agir des associations, le juge a considéré qu’à l’exception de la LDH, leur action n’était pas recevable.
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