Lettre ouverte à M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAM

Le 31 janvier 2000

Nous souhaitons vous alerter sur les importantes restrictions du droit qui se développent dans les caisses de sécurité sociale, contre les étrangers, à l'occasion de la mise en place de la CMU :

• Refus d'application du droit,

• exclusion de la CMU d'étrangers pourtant en situation « régulière » et « stable »,

• invention des guichets pour « sans-papiers » au mépris des guichets « uniques » promis par les pouvoirs publics.

Refus d'application du droit

• refus d'affiliation sans délai au régime de base CMU : « revenez plus tard pour ouvrir vos droits, il manque un document »

• refus d'admission immédiate à la complémentaire CMU dans les cas où la situation l'exige, retardant l'ouverture des droits à une couverture complète, entraînant une exclusion des soins portant un préjudice parfois sévère à la santé des patients ;

• restrictions illégales de la durée d'ouverture des droits à quelques mois tant à la CMU de base qu'à la complémentaire.

• refus d'honorer les prescriptions médicales par de nombreux professionnels de santé « de ville » en cas d'attestations provisoires d'ouverture de droit.

Exclusion de la CMU d'étrangers en situation pourtant « régulière » et « stable »

En définissant arbitrairement une liste de titres de séjour sans aucun fondement réglementaire, la CPAM de Paris (est-ce la seule ?) fait une interprétation abusivement restrictive de la loi.

Invention des guichets pour « sans-papiers » et refus de guichet « unique »

• A Paris, ces personnes « doivent s'adresser » aux permanences sécurité sociale des hôpitaux ;

• En Seine-Saint-Denis, les irréguliers sont regroupés dans un guichet « spécifique » à Bobigny,

• Dans l'Essonne, le Val de Marne, le Val-d'Oise les irréguliers doivent retourner... dans les CCAS !

Nos associations ont dénoncé jusqu'au bout la loi sur la couverture maladie prétendument universelle.

En excluant des personnes résidentes en France et démunies de la sécurité sociale pour les renvoyer sur un reliquat d'aide médicale aux prestations restreintes, elle présentait, disions-nous, la menace d'une discrimination envers les étrangers en situation précaire et d'une dangereuse stigmatisation des sans-papiers.

Il n'aura pas fallu un mois pour que cette menace soit mise à exécution par les caisses de sécurité sociale :

Bien sûr les différentes CPAM argumenteront sur le caractère transitoire de ces dispositions.

En fait, le « transitoire », signe de l'incapacité des pouvoirs publics à anticiper les difficultés, se traduit une fois encore par une réorganisation en urgence sur le dos des étrangers les plus précaires.

C'est pourquoi nous souhaiterions savoir si les dispositions restrictives et stigmatisantes à l'encontre des étrangers en situation précaire sont dues à l'initiative des caisses primaires concernées ou si elles proviennent de consignes écrites de la CNAM.

Nous souhaiterions également savoir quelles mesures vous envisagez de prendre pour corriger ces dérives inacceptables.

Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'expression de nos salutations distinguées.

Danièle LOCHAK Présidente du GISTI

Gabrielle BUISSON-TOUBOUL Présidente du COMEDE

Copie : ministère de l'Emploi et de la Solidarité
CPAM du 75, 91, 93, 94, 95
Directeur de la CNAM
DRASS Ile de France