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Étrangers en Guyane

Guyane étrangère à son entourage

Gisti


Le Gisti s’intéresse depuis bien longtemps, et notamment en Guyane, au thème de l’« Outre-mer, autre droit ».

La mission que nous avons pu effectuer du 19 novembre au 1er décembre 2006 dans le cadre d’une formation au droit des étrangers destinée à des travailleurs sociaux s’appuie évidemment sur les analyses antérieures [1].

Ce rapport les reprend partiellement en les actualisant et en présentant certaines évolutions récentes.

Jean-Pierre Alaux, Marie Duflo et Jean-François Martini - Gisti
29 décembre 2006

Janvier 2007, Gisti, 20 pages


I. Les exceptions au droit des étrangers

Voyager de la Guyane vers l’hexagone

Contrôles et éloignements arbitraires

  • Contrôles frontaliers
  • Destruction ou neutralisation de véhicules
  • Eloignement expéditif des pêcheurs étrangers en eaux guyanaises
  • Vers un financement du réacheminement par l’employeur ?

Reconduite à la frontière sans recours suspensif

La mise en oeuvre : violence de la lutte contre les flux migratoires

II. Titres de séjour et droit d’asile

Titres de séjour en Guyane

  • Plus de migrants sans doute… mais moins de cartes de séjour
  • Traitements à géométrie variable

Les surprises du droit d’asile en Guyane

  • Les exclus
  • Le passage dans les arcanes de la préfecture
  • La parcimonie des accords de l’OFPRA
  • Un guichet asile fermé pour cinq semaines !

III. Le droit républicain français et les singularités de la Guyane

Obstacles à l’accès au droit

Droit républicain dans une société cloisonnée

  • Le littoral, les fleuves et le far west de l’intérieur du pays
  • Le cloisonnement communautaire

La scolarisation

  • Les enfants non scolarisés
  • Les écoles inaccessibles

IV. Le contentieux des étrangers

V. Un splendide isolement régional

Libre circulation en Amérique latine à l’exception de la Guyane

Une diplomatie régionale centrée sur l’immigration clandestine

Une autre diplomatie est-elle possible ?


Introduction

La Guyane paie au prix fort une histoire difficile à assumer : une colonisation marquée par quelques aventures improvisées vers un Eldorado illusoire, par l’esclavage et par le bagne [2]. Lorsque, en 1946, la Guyane est devenue département français, elle comptait moins de 29 000 habitants, une dizaine de milliers de moins que dix ans avant. Les bagnards avaient cessé d’arriver en 1938 et les bagnes étaient fermés depuis 1944. L’immigration était indispensable à la survie de la Guyane ; vingt ans plus tard, la main-d’oeuvre latino-américaine le fut encore plus pour la construction de la base spatiale de Kourou.

Ainsi, la Guyane est-elle une mosaïque exceptionnelle. Les populations dont les ancêtres étaient présents depuis des siècles ou des années avant 1946 : Amérindiens, Bushinengués (« nègres marrons » venus du Surinam), Créoles, Chinois (qui règnent sur le petit commerce et une part de la restauration), Syro-libanais, … Des immigrés nombreux, haïtiens, latino-américains (surinamiens, guyaniens, brésiliens, péruviens et colombiens), des asiatiques (chinois, hmongs du nord du Laos arrivés dans les années 70 et maîtres de la culture maraîchère basée sur les communes de Cacao et Javouhey). Des Français de l’hexagone [3] parfois établis en Guyane, le plus souvent détachés pour une période de quelques années.

On évalue maintenant la population à 200 000 habitants ; 50% de la population a moins de 25 ans. La population de la Guyane reste très faible à l’échelle de sa superficie (égale à celle du Portugal), mais c’est une croissance rapide et une modification profonde de la société propices à la xénophobie. Alors que la croissance démographique s’est ralentie au cours des dernières années, l’immigration en Guyane est devenue l’un des symboles nationaux des « flux migratoires » présumés menaçants. Après les plaies de l’histoire, la Guyane serait-elle condamnée à de nouvelles plaies dont l’immigration serait porteuse : drogues, délinquance, sida [4], dengue [5]… ?

Le Plan vert de 1977, qui a échoué, a-t-il enterré avec lui toute perspective de peuplement et de développement agricole des terres guyanaises ? Comme tous les territoires ultramarins, la Guyane vit sous perfusion issue de la métropole : le rapport des exportations aux importations en Guyane en 2004 était de 13,5% [6]. Il est difficile de percevoir actuellement un projet économique et social qui prendrait en compte une immigration incontournable. Un développement de relations positives avec les Etats voisins peut-il progressivement substituer la réaction défensive d’une société fragile face à ses peurs ?

Malgré ses difficultés économiques et sociales, vaille que vaille, la société civile guyanaise se structure selon les lois de la république française. Par rapport à nos premiers contacts avec la Guyane, nous avons été heureux de constater l’élargissement d’un tissu de travailleurs sociaux, d’avocats ou de membres d’associations qui prennent en compte les droits des migrants. La violence institutionnelle constatée à cette époque est mieux endiguée. Mais la violence des rafles et des reconduites rapides d’étrangers, attisée par un discours étatique focalisé sur la lutte contre l’immigration clandestine, règne. Et, après Mayotte, la Guyane est en tête des « performances » des territoires français en matière de reconduite à la frontière.

« Outre-mer, autre droit » titrait la revue Plein droit de septembre 1999. La Constitution autorise en effet des exceptions guyanaises importantes notamment au droit des étrangers [7]. Et, dans ce domaine, les multiples petites « dérogations guyanaises » fleurissent encore ; nous ne mentionnerons que celles sur lesquelles nous avons eu un faisceau de témoignages concordants à défaut de preuves.

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[1« Immigration dans les DOM : un statut colonial », Plein droit n° 8, Gisti, août 1989 ; « Guyane : le travail clandestin se porte bien », Plein droit n° 13, Gisti, mars 1991 ; Jean-Pierre Alaux et Patrick Tillie, « les charmes discrets de l’Etat minimal », Plein droit n° 31, Gisti, mars 1996 ; Rapport de mission interassociatif, En Guyane et à Saint-Martin, Des étrangers sans droits dans une France bananière, mars 1996 ; « Outre-mer, autre droit », numéro spécial de Plein droit, Gisti, septembre 1999

[2Serge Sam Mam Lam Fouck, Histoire générale de la Guyane, Ibis rouge édition, 1996

[3L’expression « la France de l’hexagone » n’est pas utilisée en Guyane ; on se réfère plutôt à la « la métropole » ainsi que, tout simplement, à « la France ». Nous avons choisi de privilégier le terme d’ « hexagone » dépourvu de connotations politiques.

[4La Guyane est le département français le plus touché par le sida. Données précises sur ce point et sur la santé publique dans : Direction de la santé et du développement sociale et préfecture de Guyane. Plan régional de le santé publique 2006-2008 – Guyane, projet soumis à l’avis de la conférence régionale de santé, 4ème trimestre 2005
 Pour une étude très complète concernant l’est de la Guyane : Frédéric Bourdier, Migration et sida en Amazonie française et brésilienne, Ibis rouge éditions, mai 2004.

[5Inspection générale des affaires sociales, rapport n° RM2006-130P, l’épidémie de dengue survenue en 2006 en Guyane, septembre 2006.

[6Les données antérieures viennent de La France et ses outre-mer, la documentation française, mars 2006. Voir aussi : www.iedom.fr

[7Article 73 de la constitution de 1958. - Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.


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Dernier ajout : mardi 27 mars 2007, 18:45
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