Financement des associations
Lettre ouverte à François Fillon
À propos de la question de M. Thierry Mariani sur le financement du Gisti et de la réponse du Ministère de l’immigration

Paris, le 12 juin 2008
Monsieur François Fillon
Premier ministre
Hôtel de Matignon
57, rue de Varenne
75700 Paris

Monsieur le Premier Ministre

Le 18 septembre 2007, le député de votre majorité, M. Thierry Mariani a demandé « à Madame la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales de bien vouloir lui communiquer, et ce pour les cinq dernières années, le montant des financements d’État versés au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) » (JO du 18 septembre 2007, page 5625).

S’il est parfaitement légitime qu’un parlementaire s’intéresse au financement public des associations, nous nous interrogeons sur la raison pour laquelle la curiosité d’un député, aussi familier que M. Mariani des questions relatives à l’immigration, se soit spécialement focalisée sur le Gisti et qu’un parlementaire aussi avisé que lui, n’ait pas pris préalablement connaissance des bilans du Gisti qui sont accessibles (téléchargeables gratuitement sur son site depuis 1997), pour avoir réponse à son questionnement.

Notre étonnement à cette attention très particulière de M. Thierry Mariani tient notamment au fait qu’il n’a, semble-t-il, aucun doute sur les compétences du Gisti puisqu’il a, à plusieurs reprises depuis de nombreuses années, en qualité de rapporteur de la commission des lois, souhaité auditionner ses représentants au moment où l’Assemblée nationale allait examiner des projets de loi, prenant acte de son sérieux et donc de sa bonne utilisation des fonds publics.

Tout aussi étonnante est la réponse du Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire du 6 mai dernier (JO du 06/05/2008 page : 3842) qui affirme que « Comme pour d’autres organismes bénéficiant du même type de conventions, le ministère va prochainement diligenter des contrôles sur l’emploi des fonds publics ainsi versés en application des règles en la matière. Le résultat de ce contrôle permettra notamment d’établir les conditions d’une reconduction éventuelle du soutien financier de l’État. » Comme si un tel contrôle n’avait jamais été réalisé. Or le Gisti, de même que d’autres associations agissant dans le champ de l’immigration, reçoit une subvention de la Direction de la population et des migrations depuis de très nombreuses années ; cette subvention est versée sur la base d’une convention qui prévoit les actions que l’association s’engage à mener (publications, conseil, formation…). La reconduction des subventions d’une année sur l’autre est bien entendu subordonnée au contrôle de l’exécution des engagements pris.

Il est surtout curieux que la réponse ministérielle ne fasse pas état du rapport récent de la Cour des Comptes sur la gestion de ses finances par le Gisti à la suite d’une inspection au deuxième trimestre 2007. Ce rapport, souligne, d’une part, que « la Cour a obtenu de la manière la plus satisfaisante les informations qu’elle a sollicitées de l’association » et, d’autre part, que le Gisti « fait preuve (...) de la plus grande transparence dans la présentation de ses comptes, puisqu’[il] met chaque année en ligne sur son site son bilan d’activité qui comprend notamment un rapport financier, lequel permet d’accéder au compte de résultat et au bilan de l’association, ainsi qu’au détail des subventions qu’elle reçoit ».

Par ailleurs, le Gisti a également bénéficié de fonds européens à travers l’Agence « Europe – Education – Formation » à l’occasion de la réalisation d’un projet dans le cadre du programme de mobilité « Leonardo Da Vinci ». A la fin de cet projet, l’association a été l’objet d’un audit qui a rendu, par lettre datée du 11 juillet 2007, les conclusions suivantes : « Les rapprochements entre les pièces qui nous ont été présentées et les mouvements de débit au compte de votre association ont pu être faits facilement. Les mouvements et les soldes correspondaient bien aux opérations du contrat (...) dans votre organisme pour l’année considérée ». Enfin, l’audit remarque « la nouvelle implication de votre organisme dans les projets européens et voulons saluer ici le professionnalisme du porteur de ce premier projet Leonardo ».

Vous comprendrez que nous éprouvions une certaine perplexité sur cette particulière attention qui ne peut s’expliquer par des doutes ni sur la compétence ni sur la gestion du Gisti.

Nous nous demandons, en conséquence, si l’on n’a pas voulu attirer l’attention sur le fait que le gouvernement accorde des financements à une association qui exprime souvent son désaccord avec sa politique et exprimer le désir que le Gisti ne bénéficie plus de financements publics.

Si tel était le cas, nous serions fondés à nous alarmer de pareilles attitudes, car si, pour bénéficier de subventions de l’Etat, il fallait nécessairement que les associations expriment des idées favorables à la politique défendue par le gouvernement, les citoyens auraient des raisons de s’inquiéter du sort des libertés et du pluralisme qui sont de l’essence même d’une société démocratique.

C’est pourquoi, nous avons décidé de vous demander ouvertement de préciser les critères qui, selon vous, doivent présider au financement public des associations.

Vous remerciant à l’avance de l’attention que vous voudrez bien porter à cette question capitale pour la démocratie, je vous prie, Monsieur le Premier Ministre, de recevoir l’assurance de ma considération distinguée.

Stéphane Maugendre,
président

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Dernier ajout : jeudi 3 juillet 2008, 12:33
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