Décisions du Conseil constitutionnel
sur des dispositifs dérogatoires concernant les droits des personnes étrangères.
Une conciliation entre des nécessités de l’ordre public et d’intérêt général et les principes constitutionnels d’égalité, de non-discrimination ou d’indivisibilité de la République ... toujours au bénéfice des « nécessités ».


Il s’agit des audiences devant la CNDA. Depuis 2011, lorsqu’une audience est prévue par des moyens audiovisuels, la personne concernée en métropole peut refuser d’être entendue par ce moyen ; elle doit alors être convoquée à une audience dans les locaux de la Cour. Mais si elle se trouve en outre-mer, elle n’a pas le choix.

92. « Considérant que, selon les reuérants, en réservant aux seules personnes se trouvant sur le territoire métropolitain la faculté d’exiger d’être entendues dans les locaux de la cour, ces dispositions sont contraires au principe d’égalité ainsi qu’au droit à une procédure juste et équitable » ;
93. « Considérant, en premier lieu, qu’en permettant que des audiences puissent se tenir au moyen d’une communication audiovisuelle, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics ; qu’il a prévu que la salle d’audience utilisée doit être spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice ; que l’audience doit se dérouler en direct en assurant la confidentialité de la transmission ; que l’intéressé a le droit d’obtenir la communication de l’intégralité de son dossier ; que, s’il est assisté d’un conseil, ce dernier est physiquement présent auprès de lui ; qu’un procès-verbal ou un enregistrement audiovisuel ou sonore des opérations est réalisé ; qu’il résulte de l’ensemble de ces mesures que les dispositions contestées garantissent de façon suffisante la tenue d’un procès juste et équitable » ;
94. « Considérant, en second lieu, que la Cour nationale du droit d’asile, qui est compétente pour l’ensemble du territoire de la République, a son siège sur le territoire métropolitain ; que, dans ces conditions, la différence instaurée entre les personnes se trouvant sur le territoire métropolitain et les autres ne méconnaît pas le principe d’égalité » ; [...]

Pérennisation de la procédure dérogatoire de recours contre des mesures de reconduite à la frontière et de l’absence de commission du titre de séjour.

110. « Considérant que le législateur a pu, pour prendre en compte la situation particulière et les difficultés durables du département de la Guyane et, dans le département de la Guadeloupe, de la commune de Saint-Martin, en matière de circulation internationale des personnes, y maintenir le régime dérogatoire institué par les articles 12 quater [1] et 40 [2] de l’ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, sans rompre l’équilibre que le respect de la Constitution impose d’assurer entre les nécessités de l’ordre public et la sauvegarde des droits et libertés constitutionnellement garantis ; que les intéressés conserveront un droit de recours juridictionnel contre les mesures de police administrative ; qu’ils auront notamment la faculté de saisir le juge des référés administratifs ; que le législateur n’a pas non plus porté atteinte au principe constitutionnel d’égalité compte tenu de cette situation particulière, laquelle est en relation directe avec l’objectif qu’il s’est fixé de renforcer la lutte contre l’immigration clandestine ; que les adaptations ainsi prévues ne sont pas contraires à l’article 73 de la Constitution » ;
Notes
[1] Ceseda, art. L. 312-3 sur l’absence de commission du titre de séjour
[2] Ceseda, art. L. 514-1 sur l’absence de recours suspensif contre une mesure d’éloignement

Contrôles d’identité dérogatoires en Guyane.

« Considérant enfin que le législateur a pu, pour prendre en compte la situation particulière du département de la Guyane en matière de circulation internationale des personnes, rendre applicables les deux premiers alinéas de l’article 8-2 à ce département, dans une zone comprise entre les frontières terrestres et une ligne tracée à vingt kilomètres en deçà, sans rompre l’équilibre que le respect de la Constitution impose d’assurer entre les nécessités de l’ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle ; qu’il n’a pas non plus, compte tenu de cette situation en relation directe avec l’objectif qu’il s’est fixé de renforcer la lutte contre l’immigration clandestine, porté atteinte au principe constitutionnel d’égalité » [...].

Procédure dérogatoire de recours contre des mesures de reconduite à la frontière et absence de commission du titre de séjour.

64. [..]. un article 40 qui prévoit, pendant cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi déférée, des modalités particulières relatives à certaines des dispositions de cette ordonnance dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon ; que, s’agissant de la reconduite à la frontière, il dispose, qu’à la demande de l’autorité consulaire, la mise à exécution d’une telle mesure ne peut intervenir qu’après un délai d’un jour franc suivant la notification de l’arrêté la concernant mais exclut la possibilité d’un recours préalable suspensif ; qu’il exclut également l’institution de la commission de séjour des étrangers prévue par l’article 18 bis de l’ordonnance ;
65. « Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine estiment que cet article méconnaît les droits de la défense et le droit de recours ; qu’en portant aux droits des habitants des collectivités concernées une atteinte discriminatoire, il constitue une violation du principe d’égalité devant la loi ; qu’en outre il méconnaît le principe constitutionnel de l’indivisibilité de la République et dépasse la portée des adaptations autorisées par l’article 73 de la Constitution » ;
66. Considérant que les dispositions contestées maintiennent l’existence des garanties juridictionnelles de droit commun applicables aux mesures de police administrative lesquelles comportent la faculté d’assortir les pourvois de conclusions à fin de sursis à exécution ; qu’en ne prévoyant pas la consultation d’une commission non juridictionnelle, elles se bornent à aménager des procédures administratives ; que les modalités particulières qu’elles prévoient pour une durée limitée peuvent être justifiées par l’état des flux migratoires dans certaines zones concernées et l’existence de contraintes administratives liées à l’éloignement ou à l’insularité des collectivités en cause ; que dès lors l’article 30 ne méconnaît aucune disposition de la Constitution non plus qu’aucun principe à valeur constitutionnelle ;

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Dernier ajout : samedi 24 janvier 2015, 16:38
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