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Plein Droit n° 15-16, novembre 1991
« Immigrés : le grand chantier de la “dés-intégration” »

Reconduites à la frontière
et tribunaux administratifs

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Les données qui suivent ne représentent pas une étude exhaustive de la question, mais plutôt le résultat d'un « sondage » à partir de deux exemples a priori très contrastés : le tribunal administratif de Paris et celui d'Amiens.

Voir aussi l'encadré « Sans commentaire... ! »

Les statistiques du tribunal administratif de Paris pour l'année 1990 se présentent de la façon suivante :

220 jugements rendus entre le 7 février 1990, date de la première audience, et la fin décembre, dont :

  • 17 non lieu à statuer, l'administration ayant rapporté l'arrêté de reconduite,
  • 1 sursis à statuer, le préfet ayant déclaré à l'audience que, compte tenu du caractère humanitaire de la situation de l'intéressée, il avait saisi le ministre de l'Intérieur,
  • 1 renvoi devant la formation de jugement, les éléments fournis par le requérant n'ayant pu faire l'objet d'un débat contradictoire,
  • 2 désistements,
  • 199 jugements au fond, dont
    • 175 décisions de rejet (79 %)
    • 24 annulations (11 %)
Les décisions d'annulation ont été motivées de la façon suivante :
  • l'intéressé justifiait d'une résidence régulière en France de plus de 10 ans (5 mars 1990, C.) ;
  • le délai de trois mois à compter de l'entrée en France, à l'expiration duquel l'étranger doit être titulaire d'un premier titre de séjour, n'était pas expiré à la date de l'arrêté de reconduite (2 mars 1990, A.) ;
  • le rejet de la demande de titre de séjour était illégal : en refusant la délivrance d'un titre à l'intéressée, régulièrement inscrite à l'Université de Paris X, parce qu'il estimait que les cours de première année de capacité en droit ne pouvaient conférer le statut d'étudiant, le préfet a commis une erreur de droit (21 février 1990, Mlle M.) ;
  • l'intéressé était titulaire d'un passeport revêtu d'un visa ;
  • le refus de renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étudiant était illégal car insuffisamment motivé (23 mai 1990, L.) ;
  • le refus de délivrance d'un premier titre de séjour à un étudiant remplissant les conditions exigées était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation (9 février 1990, E.) ;
  • le refus de séjour n'ayant pas été notifié dans des conditions régulières, le préfet ne pouvait prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l'égard de l'intéressé (15 octobre 1990, M. N.) ;
  • l'intéressé avait demandé l'admission au statut de réfugié ;
  • le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle du requérant (application de la jurisprudence Imanbaccus) (20 mars 1990, K. ; 23 mars 1990, Mme M. ; 9 août 1990, Mme H. K.) ;
  • l'intéressé n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations, comme l'exige l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 (13 espèces).

Un certain nombre de points méritent d'être plus particulièrement relevés.

  1. Le juge accepte sans hésitation d'examiner par voie d'exception la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, l'illégalité d'un tel refus entraînant nécessairement et logiquement l'illégalité de la mesure de reconduite elle-même.

    Dans le cadre de ce contrôle par voie d'exception, le tribunal administratif de Paris a eu ainsi l'occasion de rappeler que les personnes inscrites en première année de capacité en droit avaient droit à obtenir une carte temporaire à titre étudiant. Un tel rappel est particulièrement bienvenu, au regard des flottements — pour ne pas dire plus — qu'on a constatés à cet égard dans beaucoup de préfectures.

    Le tribunal administratif estime également que la mention « réalité des études non démontrée », sans autre explication, ne constitue pas une motivation suffisante d'un refus de renouvellement d'une carte temporaire en qualité d'étudiant.

  2. Le tribunal administratif a admis — dans une espèce au moins — que la tardiveté du dépôt de la requête, intervenu au bout de vingt-six heures au lieu de vingt-quatre, n'était pas un motif d'irrecevabilité dès lors que l'avocat de l'intéressé, qui s'était présenté avant l'expiration de ce délai au tribunal de grande instance pour assister son client devant le juge délégué, n'avait été autorisé à y pénétrer qu'après l'expiration du délai (15 octobre 1990, M. N.).

  3. A trois reprises le juge a annulé l'arrêté de reconduite pour erreur manifeste d'appréciation. Dans la première espèce, la requérante, de nationalité yougoslave, faisait notamment valoir que toute sa famille était installée en France : sa mère avait obtenu en 1988 le statut de réfugié, son père vivait en France depuis vingt ans, la tante chez qui elle résidait et qui subvenait à ses besoins était titulaire d'une carte de résident... Elle était de plus mère d'un enfant âgé de quatorze mois et enceinte de plus de quatre mois, le père de ce second enfant qui avait fait une reconnaissance anticipée de paternité et manifestait l'intention d'épouser la mère, étant lui même titulaire d'une carte de résident (23 mars 1990, Mme M.).

    Dans une seconde espèce, l'intéressée, entrée en France le 6 février 1990 pour y subir des examens et un traitement médical pendant six mois, n'avait sollicité la délivrance d'un certificat de résidence provisoire correspondant à la durée de son traitement que le 17 mai, soit onze jours après l'expiration du délai de trois mois (9 août 1990, Mme H. K.).

  4. Le tribunal administratif de Paris a eu également l'occasion de faire application de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983. Il a estimé par exemple que le fait, pour l'officier de police judiciaire, d'avoir informé l'intéressé qu'il allait faire l'objet d'une mesure de reconduite et qu'il avait la possibilité de présenter des observations n'était pas suffisant, dès lors qu'il ne lui avait pas précisé que ces observations devaient être écrites (6 décembre 1990, K.). En revanche, le tribunal admistratif a admis que l'audition par un inspecteur de police suffisait dès lors que les observations de l'intéressé avaient été consignées par écrit (20 octobre 1990, O.).

    Mais cette jurisprudence est désormais caduque puisque dans un arrêt D., rendu le 19 avril dernier, le Conseil d'Etat a décidé que le dispositif mis en place par le législateur par la loi du 10 janvier 1990 — c'est-à- dire le recours suspensif contre les mesures de reconduite à la frontière — dispensait désormais l'administration des formalités prévues par le décret de 1983.

  5. Enfin, dans une décision plus récente, le tribunal administratif de Paris avait jugé que la notification par voie postale, qui ne comportait pas les mentions exigées en vue d'une exacte information de l'intéressé sur ses droits, ne pouvait être considérée comme une notification régulière de l'arrêté de reconduite, de sorte que la requête, quoique présentée hors délais, devait dans ces conditions être considérée comme recevable (6 février 1991, S.). Mais sur ce point aussi le Conseil d'Etat a adopté une attitude beaucoup plus restrictive, estimant que la notification par voie postale faisait normalement courir les délais du recours.


En 1990, le tribunal administratif d'Amiens a rendu vingt-six jugements, dont quatre ont abouti à l'annulation de la mesure de reconduite à la frontière. On relève que dans dix-sept affaires, l'intéressé était assisté d'un avocat, tandis que dans deux affaires, ni l'intéressé ni l'avocat n'étaient présent.

Sur les quatre décisions d'annulation, l'une a été motivée par le fait que l'intéressé résidait en France depuis plus de dix ans en situation régulière à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière ; les trois autres ont été motivées par l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences que la décision pouvait avoir sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.

  • Dans la première espèce, l'intéressée, de nationalité marocaine, était entrée en France en novembre 1989 pour rejoindre son mari, avec lequel elle était mariée depuis 1960, et qui était lui-même titulaire d'une carte de résident. Ils avaient repris la vie maritale après une longue séparation, et elle s'occupait des quatre jeunes enfants que son mari avait eus en France d'une autre femme, de nationalité française, avec laquelle il avait vécu dix ans en concubinage, et dont il avait obtenu la garde par décision de justice (30 novembre 1990, Mme E.).

  • Dans une seconde espèce, l'intéressée, de nationalité algérienne, âgée de vingt ans, était entrée en France en mai 1990 sous couvert d'un visa touristique. Mais elle invoquait que sa mère, qui vivait en France avec une partie de sa famille, était titulaire d'un certificat de résidence, et qu'elle-même était sur le point de contracter mariage avec une personne de nationalité française. L'arrêté de reconduite lui ayant été notifié deux jours avant la célébration du mariage (ce qui n'était sans doute pas un hasard), le juge a estimé que le préfet avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la reconduite (20 octobre 1990, Mlle C.).

  • Dans la troisième espèce, l'intéressé, entré en France en mars 1985, s'était vu refuser le statut de réfugié et s'était néanmoins maintenu en France en situation irrégulière depuis août 1986. Mais il était père de deux enfants nés neuf mois auparavant, qu'il avait reconnus et qui avaient la nationalité française ; et à défaut de subvenir financièrement à leurs besoins, il apportait à la mère un soutien matériel et moral, de sorte que la reconduite aurait été de nature à occasionner pour la mère une situation relevant de l'exceptionnelle gravité (16 octobre 1990, B. V. A.). (Le Conseil d'Etat a annulé ce jugement en appel, estimant que le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation familiale de l'intéressé).

En revanche, le tribunal administratif d'Amiens a interprété littéralement les termes de l'article 25 de l'ordonnance de 1945 qui protège de l'expulsion et de la reconduite à la frontière le parent d'un enfant français qui, soit exerce sur lui l'autorité parentale, soit subvient effectivement à ses besoins, et estimé que l'intéressé ne pouvait se prévaloir de cette disposition. Dans une affaire similaire, il a estimé légale la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre du père naturel d'un enfant français, au motif que l'intéressé, sans travail et sans ressources, ne subvenait pas effectivement à ses besoins (10 mars 1990, D.).

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Dernière mise à jour : 3-01-2002 10:58 .
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