Recours contre le décret modifiant les conditions de légalisation des actes d’état civil établis par une autorité étrangère

Le Gisti et le SAF ont déposé devant le Conseil d’État le 31 décembre 2020, parallèlement à un autre recours déposé par l’Adde et InfoMie, une requête en annulation accompagnée d’un référé-suspension contre le décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère.

Jusqu’alors, la légalisation de l’acte public étranger concerné pouvait être accomplie, soit devant l’autorité consulaire française du pays d’origine, soit devant l’autorité consulaire étrangère en France. Ceci ressortait non pas directement des textes mais de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle deux autorités sont concurremment compétentes pour procéder à la légalisation des actes publics étrangers destinés à être produits en France, à savoir l’autorité consulaire française du pays d’émission de l’acte public en cause et l’autorité consulaire étrangère en France. Cette double compétence découle en effet de la coutume internationale, visée dans les arrêts rendus en la matière par la Cour de cassation.

C’est cette double compétence qui est remise en cause par le décret contesté : il en ressort que les autorités consulaires françaises sont compétentes pour légaliser les actes publics établis par les autorités de l’État de résidence tandis que les autorités consulaires étrangères en France ne sont compétentes pour procéder à une telle légalisation que par exception dans deux hypothèses.

Il est notamment fait grief au décret attaqué :

  • d’avoir été pris par une autorité incompétente, dès lors que la nationalité et l’état des personnes relèvent du domaine de la loi, selon l’article 34 de la constitution ;
  • de méconnaître la coutume internationale dont est issue la règle de la double compétence ;
  • de contredire un autre principe de droit international qui est celui de l’égalité souveraine des États.

Par une ordonnance du 12 février 2021 le juge des référés du Conseil d’État a rejeté la demande de suspension, estimant qu’aucun des moyens soulevés dans la requête n’était propre, à ce stade de l’instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.

Parallèlement une demande d’abrogation avait été adressée le 2 avril 2021 au Premier ministre. Un nouveau recours pour excès de pouvoir a donc été déposé contre le refus implicite d’abrogation.

En complément, une demande de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été déposée le 6 septembre 2021. Elle vise à contester la constitutionnalité de l’article 16 de la loi du 23 mars 2019 sur le fondement de laquelle a été pris le décret attaqué et à faire reconnaître par le Conseil constitutionnel l’existence d’un principe constitutionnel du « droit à la preuve ». Celui-ci, en effet, participe à l’équilibre des droits des parties à la procédure : il apparaît donc comme un élément constitutif des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

Par une décision du 3 décembre 2021, le Conseil d’État a accepté de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, estimant que « le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux ».

Des observations ont donc été déposées devant le Conseil constitutionnel qui a déclaré inconstitutionnelle la disposition législative contestée, tout en reportant au 31 décembre 2022 les effets de cette invalidation qui n’a donc pas d’effet rétroactif.

Le Conseil d’État, dans sa décision du 7 avril 2022, s’est fondé sur les mêmes motifs que le Conseil constitutionnel pour juger illégal le décret du 10 novembre 2020 pris pour l’application de la loi 23 mars 2019 : l’absence de voie de recours contre une décision de refus de légalisation d’un acte de l’état civil porte une atteinte excessive au droit à un recours juridictionnel effectif et au droit à un procès équitable garantis par l’article 6 de la convention européenne ds droits de l’homme.

Le Conseil d’État, comme le Conseil constitutionnel, a toutefois reporté au 31 décembre 2022 l’effet de sa décision d’annulation.

Requête en annulation
Requête référé-suspension
CE, Ordonnance du 12 février 2021
Requête contre le refus d’abroger le décret
Mémoire QPC-droit à la preuve
Mémoire en réplique QPC
CE 3 décembre 2021, transmission QPC
CE 7 avril 2022

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Dernier ajout : jeudi 7 avril 2022, 21:26
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