action collective

Une manœuvre déjouée

Le Conseil d’Etat suspend la circulaire du ministre de l’intérieur qui voulait ruser avec la loi.

Par une ordonnance du 15 février 2007, le Conseil d’État, saisi en référé par le Gisti, l’ADDE et la LDH, a prononcé la suspension de la circulaire du ministère de l’Intérieur qui proposait aux préfets une interprétation manifestement illégale des nouvelles dispositions législatives sur l’éloignement.

En effet, la loi Sarkozy sur l’immigration du 24 juillet 2006 a prévu un nouveau dispositif, plus expéditif, pour éloigner les étrangers : lorsqu’ils se voient refuser un titre de séjour, la préfecture peut en même temps leur signifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF) là où auparavant on les « invitait » simplement à quitter le territoire, cette « invitation » étant dépourvue d’effet juridique. L’ancienne procédure, l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) subsiste, mais elle est réservée aux cas où l’irrégularité de la situation d’un étranger est découverte en dehors de toute demande de titre de séjour.

Le nouveau dispositif est entré en vigueur le 29 décembre 2006, date de la publication au Journal officiel du décret le mettant en œuvre. Et donc, depuis cette date, il n’est plus possible de prendre des arrêtés de reconduite à la frontière à l’encontre des étrangers faisant l’objet d’un refus de séjour.

Mais la loi n’a prévu aucun mécanisme transitoire, de sorte que les étrangers qui se sont vu opposer un refus de séjour avant le 29 décembre – sans OQTF, puisque celle-ci ne pouvait pas être prononcée – ne peuvent pas non plus faire l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière.

Le ministère, se rendant compte de cette « faille » dans le dispositif d’éloignement des étrangers, qui risquait de compromettre la réalisation des objectifs chiffrés fixés par le ministre de l’Intérieur en matière de reconduite à la frontière, a cru pouvoir la combler par une manœuvre assez grossière : cette manoeuvre consistait à prétendre que les étrangers qui ont fait l’objet d’un refus de séjour avec « invitation à quitter le territoire » avant le 29 décembre et qui n’ont pas déféré à cette invitation, autrement dit sont restés sur le territoire français, « ont objectivement [sic] rejoint, du fait de leur maintien en France, la situation d’irrégularité de séjour [qui permet de prendre un arrêté de reconduite à la frontière]. »

C’est cette manœuvre qui vient d’être déjouée par le Conseil d’État.

Cette affaire confirme que, pour réaliser la politique du chiffre en matière de reconduite des étrangers, le ministre de l’Intérieur est prêt à tout, y compris à s’affranchir des dispositions non équivoques de la loi qu’il a lui même fait adopter par le Parlement en juillet 2006.

Paris, le 16 février 2007

ADDE (Avocats pour la Défense du Droit des Etrangers)
GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés)
LDH (Ligue des droits de l’homme)

Ordonnance du Conseil d’Etat en date du 15 février 2007

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Dernier ajout : mardi 27 février 2007, 14:41
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