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Luttes à décloisonner

Le Gisti

Article publié dans L'Humanité du 5 décembre 2002.

Pour qu'elles puissent servir d'outil politique européen, pour qu'on puisse identifier ce qu'elles recèlent de commun, les idées doivent se rencontrer.

Comme sans doute la plupart des organisations participantes, le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) est allé, en novembre, au Forum social européen (FSE) de Florence avec plusieurs objectifs : conforter et élargir son réseau de partenaires européens ; prendre connaissance de leurs idées et de leurs projets ; proposer ses propres idées, notamment l'Appel à la régularisation de tous les sans-papiers en Europe, au lancement duquel il a participé. Bref, voir comment, avec qui, sur quelles bases mener des batailles à l'échelle européenne pour faire évoluer la politique des migrations et influer ainsi sur les cadres de la construction actuelle de l'Union européenne.

Il était frappant, à Florence, de constater à quel point l'idée de liberté de circulation et d'installation des étrangers avait progressé en quelques années parmi les militants spécialistes des questions migratoires. Pourquoi la plupart des associations de défense des droits des étrangers sont-elles arrivées à ce constat ? Elles ont observé que la fermeture des frontières à toute immigration de main-d'ouvre (ce qui veut dire, en gros, aux ressortissants défavorisés de la planète), dogme de la politique migratoire en Europe depuis trente ans, permettait à l'économie libérale de disposer d'un volant de travailleurs sans droits, parfaitement corvéables. L'expérience a amplement montré que cette fermeture avait pour corollaire la présence d'une population grandissante de sans-papiers, livrée à toutes les flexibilités possibles et, de ce fait, propice à une déstabilisation des droits de l'ensemble du salariat. Cette exploitation parmi d'autres des ressources humaines internationales est particulièrement signifiante à un moment où nombre de gouvernements européens, poursuivant cette logique, admettent qu'il faudra, dans un avenir proche, accepter de nouveau une immigration de travail — cette fois qualifiée — et où ils réfléchissent aux moyens de sélectionner les migrants rentables.

Dans ce contexte, deux attitudes sont théoriquement possibles. La première consisterait à clore davantage encore les frontières de l'Europe. Les diverses tentatives de mise en place de politiques visant à l'« immigration zéro » ont toutes échoué. À moins de militariser la société européenne, cette option restera largement inopérante et il restera impossible d'empêcher ceux qui le souhaitent d'immigrer à tout prix en Europe. Il n'y a donc pas d'alternative à la deuxième solution, la liberté de circulation et d'installation. Elle permettrait aux migrants d'échapper à la clandestinité et à la surexploitation. Caricaturée comme irréaliste, angélique et servant les intérêts des libéraux, cette position est en réalité antilibérale, pragmatique et conforme au respect des droits humains. C'est ce constat fondé sur l'expérience qui fait qu'à Florence une grande partie des associations de solidarité avec les migrants ont plaidé pour la liberté de circulation.

Or, il n'est pas sûr que les spécialistes d'autres domaines ou les politiques présents au FSE 2002 le sachent et aient souvent l'opportunité de débattre des éléments de connaissance et de réflexion qui ont permis cette évolution des idées. À l'inverse, les spécialistes des migrations n'ont guère pu profiter, à Florence, des évolutions d'idées enregistrées dans les autres domaines — relations internationales, économie, politique sociale, travail, services publics, etc. De même, si les responsables politiques présents ont pu discuter de leur conception de la gauche, ils n'ont, pour la plupart, ni écouté ni entendu ce que les militants proposaient dans les ateliers, séminaires ou conférences spécialisés. On ne construira pas l'avenir de l'Europe à partir d'engagements cloisonnés.

Que 700 000 personnes au moins aient participé, le 9 novembre 2002 à Florence, à la manifestation contre le projet américain de guerre en Irak prouve, si besoin était, le succès du Forum social européen 2002. Le FSE qui vient de s'achever en Italie fut également étonnant par l'ampleur de la mobilisation de la jeunesse. Le thème de l'antilibéralisme a donc ainsi montré, à Florence, son actualité et son attractivité au sein d'une partie de la gauche de l'Union européenne. Le FSE de Florence a également montré à quel point les contre-pouvoirs avaient pris conscience que le nouveau cadre des luttes démocratiques était désormais européen. Mais il ne s'est guère conclu par la publication des propositions et des refus communs, à défaut d'un programme antilibéral au sens fort.

Il sera difficile de faire quantitativement mieux au FSE de Saint-Denis-Paris l'an prochain. Qu'importe, si cette manifestation permet l'élaboration de revendications et de lignes directrices claires susceptibles de fonder une alternative crédible à la « pensée unique ». Le mouvement altermondialiste ne peut en effet simplement compter sur des mobilisations protestataires de masse pour changer le cours d'une mondialisation libérale dont les effets négatifs ont largement été mis en évidence.

Pour devenir constructif, pour faire en sorte que le mouvement social européen se structure dans la recherche des points de confluences entre les différentes luttes, le prochain FSE de France doit s'efforcer de contribuer à l'organisation de discussion à partir de l'affichage d'un cadre thématique de travail, évidemment défini avec les divers comités nationaux d'organisation. Comme à Florence, chacun doit pouvoir arriver, à Paris-Saint-Denis, avec ses idées et les y exprimer. Mais, pour qu'elles puissent servir ensuite d'outil politique européen, il faudrait aussi que ces idées se rencontrent, qu'on puisse identifier ce qu'elles recèlent de commun et les intégrer à un calendrier de mobilisations destinées à influer sur l'agenda de l'Union européenne. Cet objectif implique que les analyses et les propositions des participants s'intègrent à une organisation d'ensemble conçue, d'une part, pour capitaliser les résultats éventuels du débat et, d'autre part, pour faciliter des réflexions croisées entre militants investis dans les différentes luttes. La réflexion menée autour d'une politique migratoire respectueuse des droits humains, alternative à l'utilitarisme et au libéralisme économique peut permettre d'y contribuer et montrer « qu'une autre Europe est possible ». En haut

Dernière mise à jour : 28-01-2003 17:31 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/presse/2002/gisti/lutte.html


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