États généraux des Migrations
La première assemblée plénière des États Généraux des Migrations s’est tenue les 26-27 mai à Montreuil. Les centaines de participant.e.s ont adopté une déclaration inédite, fruit de la consultation de dizaines de milliers de citoyens, afin de proposer « un socle commun pour une politique migratoire respectueuse des droits fondamentaux et de la dignité des personnes ».
Plus de 500 personnes, représentant les quelques 106 assemblées locales présentes dans 76 départements, ont assisté deux jours durant à la première session nationale des États Généraux des Migrations qui se tenait dans la grande salle des fêtes de la mairie de Montreuil.
Cette rencontre est l’aboutissement d’un processus de concertation citoyenne ayant réuni environ 10 000 personnes, citoyen.ne.s français.e.s et exilé.e.s, lancé en novembre 2017 par 450 associations et collectifs citoyens de solidarité avec les personnes étrangères, lassés de ne pas être entendus par les pouvoirs publics dans la définition de la politique migratoire. Huit mois durant, ces assemblées locales ont travaillé afin de rédiger des cahiers de doléances visant à lister les situations inacceptables, ainsi qu’à collecter des propositions pour un accueil digne des personnes étrangères.
Ces propositions ont servi de base à une déclaration historique, le « Manifeste des Assemblées locales des États Généraux des Migrations pour une politique migratoire respectueuse des droits fondamentaux et de la dignité des personnes », débattue et adoptée durant cette première assemblée plénière. Ce manifeste comporte une quarantaine de propositions concrètes, véritable socle politique pour répondre à la « crise des politiques migratoires ». Dans son préambule, le manifeste rappelle « la situation humanitaire déplorable dans laquelle sont laissées nombre de personnes étrangères sur le territoire français ou à ses frontières » et les nombreuses condamnations de la France pour ses « entorses au droit international et aux conventions internationales ratifiées ». Le manifeste proclame notamment « un respect du droit d’asile effectif, qui ne soit plus prétexte à une logique de tri » et « une égalité des droits entre Français· e·s et étranger·ère·s présent·e·s sur le territoire ». Le règlement Dublin, la rétention des étrangers, et les expulsions sont aussi dénoncés.
Cette assemblée plénière marque la première grande réussite des États Généraux des Migrations, processus qui ne cesse de s’élargir et regroupe aujourd’hui plus de 1 600 organisations locales et nationales. Les participant.e.s ont décidé de poursuivre ce processus collectif pour résister aux discours xénophobes qui gangrènent la politique française et alimentent le racisme. Mais également pour aller plus loin dans la construction d’une politique migratoire alternative et créer un mouvement d’opinion. Toutes ces associations et collectifs sont aussi mobilisés pour dénoncer le projet de loi Asile et Immigration qui sera prochainement débattu au Sénat, loi qui constitue l’antithèse répressive et dégradante du Manifeste des États Généraux des Migrations.
Nous, citoyen·ne·s français·e·s et étranger·ère·s résidant en France, associations, collectifs et syndicats engagés à l’échelon local, national et international pour la défense des droits des personnes étrangères au sein des États Généraux des Migrations,
1-1 Création de dispositifs publics de premier accueil, à dimension humaine, répartis sur l’ensemble du territoire, où pourraient se rendre librement les personnes étrangères à leur arrivée sur le territoire ;
Principes de ces dispositifs :
1-2 Accueil inconditionnel ;
1-3 Prise en charge adaptée des personnes les plus vulnérables ;
1-4 Hébergement, obligation de mise à l’abri immédiate et prise en charge des moyens de subsistance ;
1-5 Information sur les possibilités offertes sur le territoire, sur les droits, sur les démarches à entreprendre, en tenant compte des projets de chacun·e.
2-1 Nécessité de rendre effectif le droit des personnes menacées de persécution à une protection internationale, passant en particulier par :
2-2 L’arrêt des renvois des personnes vers le pays d’entrée dans l’Union Européenne ;
2-3 La suppression des procédures accélérées ;
2-4 L’abandon de la notion de pays d’origine sûrs ;
2-5 L’élargissement des critères ouvrant droit au statut de réfugié pour prendre en compte les causes très variées d’exil forcé ;
2-6 Le rejet de toute mesure qui prive les réfugié·e·s potentiel·le·s d’un examen équitable de leur demande et de possibilités effectives de contester un refus de l’Ofpra.
2-7 Le droit d’asile ne doit jamais être utilisé comme prétexte pour organiser une logique de tri, qui fait la distinction entre les personnes étrangères qui auraient « vocation à » venir s’installer en France et les autres, qualifiées de « migrants économiques » et considérées comme indésirables.
3-1 Respect effectif des droits fondamentaux, des textes internationaux ratifiés par la France via les mesures suivantes :
3-2 Respect du droit des mineur·e·s isolé·e·s aux dispositifs de la protection de l’enfance, sur la base de la présomption de minorité ; prise en compte de l’attention primordiale qui doit être accordée à l’intérêt supérieur de l’enfant, seul ou accompagné, dans toutes les décisions le concernant ;
3-3 Suppression des tests osseux pratiqués dans de la cadre de l’évaluation de la minorité pour déterminer si un.e jeune relève de la protection de l’enfance ;
3-4 Fin des contrôles au faciès ;
3-5 Fin de toutes les formes d’enfermement et d’assignation à résidence pour entrée ou séjour irréguliers ;
3-6 Droit à la régularisation pour les personnes résidant en France ;
3-7 Autorisation de travail pour toutes les personnes titulaires d’un titre autorisant au séjour (carte de séjour, attestation de demandeur d’asile, récépissé), et accordée dès la signature d’un contrat de travail et/ou le constat d’une relation de travail ;
3-8 Annulation des conditions spécifiques aux personnes de nationalité étrangère pour l’exercice d’un emploi ou la création d’une activité économique ;
3-9 Accès à la formation (apprentissage de la langue, scolarisation des enfants, études, formation professionnelle) ;
3-10 Élargissement de la reconnaissance de diplômes équivalents ;
3-11 Suppression des conditions limitant le droit au regroupement familial ;
3-12 Levée des barrières pour un accès, effectif et inconditionnel aux soins de santé (somatique et mentale) adossé sur le droit commun ;
3-13 Respect du principe d’égalité devant les services publics à tous les niveaux. Accès inconditionnel à un service d’interprétariat ;
4-1 Suppression effective du « délit de solidarité » et de toute mesure d’intimidation à l’encontre des personnes qui aident des étranger·ère·s de façon inconditionnelle et sans but lucratif ;
4-2 Reconnaissance et valorisation des initiatives solidaires comme des actions d’intérêt général ;
4-3 Reconnaissance et valorisation par les pouvoirs publics des manifestations de solidarité émanant de citoyen·ne·s ou de collectivités.
Dans un souci de cohérence avec ce qui précède, il importe de réviser les règles d’accès au territoire français, fondées elles aussi sur une logique de tri, et de promouvoir ce changement au sein des instances européennes.
5-1 Abandon du règlement Dublin, droit des personnes étrangères au libre choix de leur pays de destination ;
5-2 Liberté d’entrée, de circulation et d’installation dans l’espace européen pour les personnes étrangères à l’Union européenne ;
5-3 Fin des mesures d’exception dans les espaces frontaliers de la métropole ainsi que dans les Collectivités et Territoires d’Outre-mer ;
5-4 Arrêt des politiques d’externalisation, de l’approche dite « hotspots » et de la multiplication de centres de tri sur les routes des migrant·e·s ;
5-5 Fin des expulsions, des bannissements, notamment par le biais d’IRTF (Interdiction de Retour sur le Territoire Français).
6-1 Fin de la logique de discrimination et de suspicion généralisée envers les personnes étrangères, qui conduit à des drames, des violences, des souffrances, des humiliations et du harcèlement ;
6-2 Transfert des budgets engagés dans l’actuelle politique sécuritaire et répressive aux différents dispositifs d’accueil et d’accompagnement ;
6-3 Changement de gouvernance : la politique migratoire ne doit plus être confiée au seul ministère de l’Intérieur. Privilégier une approche interministérielle fondée sur le droit commun ;
6-4 Formation des personnels administratifs, fonctionnaires et travailleurs sociaux à la compréhension des questions migratoires, à l’interculturalité et à la logique de bienveillance ;
6-5 Fin de l’impunité des élu·e·s et représentant·e·s de l’État en cas de violations des droits imprescriptibles des personnes étrangères : systématisation des enquêtes des organisations de la société civile et pouvant être ordonnées par les tribunaux afin que soient sanctionnées les personnes responsables de ces manquements à leur mission, et protection des agents qui dénoncent ces violations ;
6-6 Mise en place de cadres de concertation et de coopération entre la société civile et les autorités (sans que cela conduise à pallier les carences de l’État) ;
6-7 Évaluation transparente et menée par des autorités indépendantes des politiques migratoires, avec un mécanisme qui engage les pouvoirs publics à tenir compte des recommandations.
Lien vers le texte du Manifeste : https://eg-migrations.org/Manifeste-des-Assemblees-Locales-reunies-pour-la-1ere-session-pleniere-des
[1] Réuni.e.s pour une première session plénière, 500 participant.e.s ont adopté ce premier texte, 8 mois après le lancement du processus des États Généraux des Migrations (106 assemblées locales, sur 76 départements, dont 3 ultra-marins).
Envoi par le Groupe d'information et de soutien des immigré·es www.gisti.org |
Sur le Web : www.gisti.org/article5916 |
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