Recours contre des délibérations du conseil général de la Manche

En février 2015, la LdH et le Gisti ont intenté un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Caen contre le règlement départemental de l’aide sociale à l’enfance du département de la Manche approuvé par une délibération du conseil général en décembre 2014. Il remplaçait en effet le « contrat jeune majeur » prévu par le Code de l’action sociale et familiale (qui permet aux jeunes majeurs âgés de 18 à 21 ans, sans ressources ni soutien familial, d’être pris en charge à titre temporaire par l’ASE, sans condition de nationalité) par un dispositif extra-légal dit « Jeunesse-Insertion-Manche », réservé aux personnes de nationalité française ou citoyens de l’UE.

Ayant pris conscience de l’illégalité manifeste de ce règlement en raison de son caractère ouvertement discriminatoire, le Conseil général a, par une nouvelle délibération en date du 11 mai 2015, décidé de supprimer la condition de nationalité. Le Gisti et la LdH ont néanmoins maintenu leur requête car le dispositif reste extra-légal et ne permet donc pas aux intéressés d’intenter un recours sur le fondement du CASF en cas de refus.

Le Gisti et la LdH ont par ailleurs, en juillet 2015, intenté un nouveau recours visant à l’annulation de la seconde délibération du Conseil général de la Manche, accompagné d’un référé-suspension. En remplaçant la condition de nationalité par une condition de prise en charge antérieure d’au moins 3 années par les services de l’ASE pour pouvoir bénéficier du dispositif, le département exclut en pratique la quasi totalité des mineurs isolés étrangers du dispositif, car ils sont très rarement pris en charge avant l’âge de 15 ans.

Le référé a été rejeté par une ordonnance du 17 juillet 2015 pour défaut d’urgence : il n’est pas apparu au tribunal que le règlement portait une atteinte grave et immédiate aux intérêts des jeunes majeurs qui seraient concernés, justifiant la suspension de la disposition litigieuse.

Par un jugement rendu le 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête. Il a estimé que les « contrats jeunes majeurs », quoique prévus par le code de l’action sociale et des familles, étant une prestation facultative, le département avait pu, au nom de sa libre administration, la supprimer et la remplacer par un dispositif extra-légal. Il a par ailleurs jugé que le dispositif mis en place ne compromettait pas le principe d’égalité en réservant l’aide aux jeunes majeurs pris en charge avant 15 ans au motif que « la gravité des conséquences d’une fin de prise en charge n’est pas dépourvue de lien avec la durée et l’intensité de celle-ci ».

Les associations requérantes ont fait appel de ce dernier jugement devant la Cour administrative d’appel de Nantes qui a rendu sa décision le 6 octobre 2017. Elle a annulé le jugement du tribunal administratif ainsi que la délibération litigieuse en tant qu’elle prévoyait que seuls peuvent bénéficier des services de l’aide sociale à l’enfance les jeunes majeurs qui ont bénéficié de cette prise en charge en qualité de mineur pendant une durée de trois ans consécutifs. La Cour a considéré en effet qu’en conditionnant la prise en charge à un critère étranger à l’objet de l’article L.222-5 du CASF*, le département avait méconnu le principe d’égalité des jeunes majeurs en difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants.

* Art. L. 222-5 : « Peuvent être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants. »
TA Caen - rejet référé suspension
TA Caen - rejet de la requête en annulation
Appel devant la CAA Nantes
Mémoire en réplique
CAA Nantes, 6 octobre 2017

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Dernier ajout : lundi 9 juillet 2018, 16:08
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