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Utilisation du référé administratif :
décision Hyacinthe

Recours du Gisti
à la préfecture

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Le 30 décembre 2000.

Rose-Michèle HYACINTHE
née le 1er mai 1972 à Aquin (Haïti)
de nationalité haïtienne
[Adresse]

Monsieur le Préfet
Préfecture
124, rue Carnot
93007 Bobigny

Lettre recommandée avec accusé de réception.
[compte tenu de l'urgence,
je vous faxe aussi ce courrier et les pièces]

Objet : votre refus de demande d'admission au séjour en vue de demander le statut de réfugiée, ainsi que votre violation de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés, de la loi modifiée du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile et de la loi du 12 avril 2000 (art. 19) relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
+ demande d'une autorisation provisoire de séjour ou d'une convocation urgente.

Monsieur le Préfet

Conformément à la réglementation en vigueur, j'ai tenté deux fois de présenter à vos services une demande d'admission au séjour dans la perspective de demander le statut de réfugiée à l'OFPRA.

J'ai, une première fois, fait la queue, à partir de 4 heures du matin, dans la nuit du 25 au 26 décembre 2000, devant la préfecture en compagnie de Dillon Maignan, le père de ma petite fille née il y a 16 jours, et de dizaines d'autres demandeurs d'asile. A l'ouverture des services, on n'a admis que 14 personnes. Nous étions vingtièmes dans la file. On nous a interdit d'entrer. On ne m'a donné aucune convocation. Je n'ai donc pas pu engager la procédure pour laquelle j'étais venue.

Jean-Pierre Alaux, du Gisti, vous a faxé, dans l'après-midi du 26 décembre, une note descriptive de ce qui s'était passé le jour-même.

Je suis revenue à 2 heures du matin dans la nuit du 29 décembre 2000, toujours avec ma petite fille et le père de celle-ci. Cette fois, j'étais la première de la file d'attente. L'ouverture de vos services s'est effectuée à 9 heures 06 au lieu de 8 heures 30, comme indiqué sur plusieurs panneaux de la préfecture.

Les policiers et quelques fonctionnaires en civil ont alors décidé de ne recevoir que 8 personnes sur la quarantaine présentes. Ils ont procédé, à l'extérieur des locaux, à une pré-examen des documents dont nous étions porteurs. Ils ont éliminé tous ceux qui ne possédaient pas de passeport, ce qui est mon cas. Je produis ci-joints deux témoignages sur l'honneur de personnes qui ont assisté à la scène (Olivier Tallès et Jean-Pierre Alaux).

J'ai donc, une deuxième fois, quitté la préfecture de Bobigny sans avoir pu déposer ma demande d'admission au séjour et sans obtenir de convocation pour un examen ultérieur de cette demande.

Je n'insisterai pas sur le caractère inhumain des conditions d'attente imposées aux étrangers par l'organisation de vos services. Des centaines d'étrangers passent des nuits entières en plein air, debout, sans la moindre protection contre la pluie et le froid sur l'esplanade qui entoure la préfecture.

J'insisterai, en revanche sur l'illégalité de cette procédure et sur la gravité de ses conséquences.

Illégalité de la procédure
de votre préfecture

Le respect de la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951 implique que l'administration du pays accueillant enregistre l'état civil du demandeur d'asile sur une simple base déclaratoire. Il ne peut être exigé ni de documents d'identité ni de titre de voyage.

Tirant les conséquences de ce principe, l'article 10 de la loi modifiée du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile explique que « l'admission [au séjour] ne peut être refusée au seul motif que l'étranger est démuni des documents et des visas mentionnés à l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ».

Par ailleurs, l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations affirme que « toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception ».

En m'empêchant d'avoir accès à un guichet, à un fonctionnaire et, de la sorte, en m'empêchant de formuler ma demande, vos services m'interdisent de demander le statut de réfugiée.

En m'imposant la production d'un passeport, ces mêmes services violent la Convention de Genève et la loi du 25 juillet 1952.

Par ailleurs, en m'empêchant de déposer ma demande, vos services créent les conditions propices à une non-délivrance de récépissé. D'ailleurs, je ne suis pas repartie de la préfecture avec une convocation nominative qui aurait constitué, à défaut d'un examen sur le champ de ma requête, une preuve de ma démarche. Votre préfecture viole ainsi l'article 19 de la loi du 12 avril 2000.

Gravité des conséquences immédiates
de la procédure de votre préfecture
pour ma sécurité

Les illégalités de la procédure qui m'a été imposée par votre préfecture ont des conséquences graves et immédiates pour ma sécurité.

J'ai fui Haïti parce que j'y ai été menacée en raison du fait que je vivais là-bas en concubinage avec le père de mon enfant, née en France le 3 décembre 2000, le jour de mon arrivée. Mon concubin, Dillon Maignan, était, en effet, conseiller municipal dans la commune d'Aquin. Avec une grande partie de la formation politique qui soutenait initialement le président de la République élu, il s'est désolidarisé de cette majorité. A partir de ce désaccord politique, les menaces se sont multipliées jusqu'à ce qu'elles nous imposent l'exil pour sauver nos vies. J'expliquerai les raisons détaillées de cette fuite à l'OFPRA dès que votre préfecture me permettra enfin de le saisir.

Ces circonstances font que je crains tout retour en Haïti. Or, le comportement de votre préfecture me maintient dans une situation d'irrégularité qui m'expose à des conséquences dramatiques en cas de contrôle d'identité. Il est clair que, dans cette hypothèse, on va considérer que je suis clandestine et donc en infraction au regard de la réglementation sur l'entrée et le séjour en France. Et je ne peux produire aucune pièce établissant que j'ai tenté de me conformer à la réglementation.

Si, à la suite d'un tel contrôle d'identité, vos services sont interrogés pour savoir si j'ai effectué une démarche, ils répondront nécessairement par la négative, puisque nul n'a jamais rien enregistré de mes deux tentatives d'accès à la préfecture.

Je suis ainsi manifestement exposée à la prise à mon encontre, par vous-même, d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF), dont vous n'imaginez pas les conséquences tragiques — peut-être même mortelles — s'il venait à être exécuté.

Sur quelles bases le juge du tribunal administratif appelé à statuer sur la légalité de cet APRF (art. 22 bis de l'ordonnance de 2 novembre 1945) pourra-t-il être convaincu de ma bonne foi et des risques que j'encours en Haïti ? Devant le tribunal administratif, votre représentant lui-même soutiendra immanquablement que tout ce que j'affirme est faux : que je ne suis jamais venue à la préfecture de Bobigny, puisqu'il n'y en existe pas de traces ; que l'invocation par moi de risques en Haïti est dilatoire, simplement destinée à m'opposer à la mesure d'éloignement qui me frappe.

Bref, il y a toutes les chances que l'APRF soit validé et que je sois éloignée en Haïti.

Voilà à quoi m'expose l'illégalité de la procédure utilisée par votre préfecture, laquelle viole de la sorte l'art. 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Ce risque est permanent. Il constitue pour moi une menace continue.


Je vous demande de faire cesser ces illégalités, et de faire en sorte que votre préfecture n'oppose plus un refus à ma demande. L'impossibilité dans laquelle vous me placez de formuler ma requête correspond, en effet, à un refus sans examen.

Vous lirez ci-joint plusieurs témoignages qui établissent mes deux tentatives de me conformer à la loi. Pour ce faire, j'ai dû marcher par deux fois de nuit d'Aubervilliers à Bobigny, ce qui est très long et très dangereux pour diverses raisons parmi lesquelles figurent les probabilités de contrôles d'identité. Je ne m'y risquerai plus sans être porteuse d'une convocation qui, d'une part, attestera de ma situation juridique et, d'autre part, supprimera les risques.

Je vous demande de m'envoyer d'urgence ou une autorisation provisoire de séjour ou une convocation nominative à mon domicile pour un rendez-vous dont votre administration fixera la date. Je m'y conformerai.

Nous vous prions, Monsieur le Préfet, de recevoir l'expression de nos salutations distinguées,

Rose-Michèle Hyacinthe
Jean-Pierre Alaux (pour le Gisti)

Pièces jointes :

  • Copie du fax que le Gisti vous a adressé le 26 décembre 2000, immédiatement après ma première vaine venue devant votre préfecture.

  • Copie du témoignage d'Olivier Tallès sur ma deuxième vaine venue du 29 décembre 2000 (avec copie de sa carte d'identité).

  • Copie du témoignage de Jean-Pierre Alaux, du Gisti, sur cette même tentative du 29 décembre (avec copie de la page d'identité de son passeport)

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Dernière mise à jour : 17-01-2001 11:51.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/actions/2001/hyacinthe/recours.html


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