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Circulaire « Lang-Chevènement » du 12 mai 2000

Argumentaire contre la circulaire
du 12 mai 2000

Argumentaire juridique en vue d'un recours contentieux en CE contre la circulaire des ministres de l'éducation nationale et de l'intérieur NOR INT 00000111C DES/DLPAJ du 12 mai 2000 relative à l'amélioration des conditions d'accueil des étudiants étrangers par la mise en place de conventions (...)

Ce texte est un document de travail ; il peut
ne pas correspondre exactement à la version
soumise au Conseil d'État.

Avant-propos

Depuis une dizaine d'années, dans un but de rationalisation des relations entre les préfectures et les établissements d'enseignement supérieur, sont passées des conventions entre ces services afin de permettre aux étudiants étrangers de déposer leur demande de titre de séjour auprès d'un service situé au sein de l'université et ainsi de diminuer le nombre de déplacements de l'étranger en préfecture. Grâce à ce mécanisme, si le dossier ne pose pas de difficulté, les contacts entre l'étudiant étranger et la préfecture se résument à un seul déplacement pour retirer la carte de séjour.

Cette procédure dite du « dépôt groupé » repose sur une base contractuelle entre le préfet et le président de l'établissement d'enseignement supérieur. Elle conduit, selon le rapport Weil, « à mandater un organisme agréé qui rassemble le dossier et le transmet ensuite au service compétent de la préfecture ».

Initié par la préfecture de police de Paris (et plus particulièrement le centre de réception des étudiants étrangers de la rue Miollis à Paris), ce mécanisme bénéficie actuellement à 32 établissements universitaires de Paris et de la Petite-Couronne ainsi que d'une initiative dans le Maine-et-Loire et dans les Hauts-de-Seine. En 1996, la préfecture de police de Paris a ainsi traité près de 13 000 demandes de titre de séjour, soit la moitié des titres délivrés par cette préfecture (source rapport Weil).

En 1997, la mission d'étude des législations de la nationalité et de l'immigration, dite mission Weil, a recommandé dans son rapport au premier ministre de généraliser cette procédure en l'étendant « à toutes les préfectures où le nombre de demandeurs le justifie, ce qui évitera les déplacements inutiles des usagers et désengorgera les services des étrangers » (p. 92). Depuis, plusieurs rapports (notamment le rapport parlementaire Claeys) et instructions ministérielles ont rappelé cette recommandation et préconisé une mise en œuvre rapide de cette généralisation.

C'est justement l'objet de la circulaire des ministres de l'éducation nationale et de l'intérieur du 12 mai 2000. Elle est le fruit du travail d'un groupe interministériel constitué « afin de mettre à (...) disposition [des établissements d'enseignement supérieur] les moyens permettant de généraliser un tel système, en (...) proposant des modèles de convention-type ».

Ce système de dépôt groupé au sein de l'établissement d'enseignement supérieur présente d'indiscutables avantages pour l'étudiant étranger (gain de temps dans le traitement du dossier, diminution des procédures vexatoires puisqu'il y a un seul contact avec la préfecture et l'accueil au sein de l'université est fait par un personnel plus spécialisé [faisant moins amalgame étudiant étranger/ travailleur étranger]). Ce système présente néanmoins des risques inhérents notamment celui de favoriser la « collaboration » entre préfectures et universités dans la traques aux prétendus « faux » étudiants et aux étudiants sans-papiers (contacts réguliers, échanges d'info, etc.), qui peut même aboutir à une sorte de mise sous tutelle des services universitaires par les services préfectoraux.

C'est semble-t-il la voie retenue par la circulaire contestée puisqu'elle prévoit soit que des personnels de la préfecture seraient « accueillis » au sein de l'université pour assurer la réception des dossiers, soit — solution encore plus pernicieuse — que les personnels de l'université recevront une formation assurée par la préfecture.

L'objectif de cette circulaire est en définitive de « piéger » les étudiants sans-papiers puisqu'en l'absence de titre de séjour, l'université devra refuser d'inscrire l'étranger. Le parti pris par cette circulaire est donc clairement d'évacuer le problème sans-papiers des Universités.

[NB : Cette circulaire intervient dans un contexte particulier où deux universités (Paris X — Nanterre et Saint-Denis) ont été confrontés à des mouvements d'étudiants inscrits à l'université mais sans documents de séjour].

Cette évolution inquiète le Gisti non seulement parce qu'elle provoquera un nouveau lieu d'exclusion des sans-papiers mais aussi parce qu'elle suppose une perte d'autonomie de l'Université, à laquelle de nombreux membres du Gisti sont attachés. De plus, sur plusieurs points, cette circulaire paraît illégale dans la mesure où aucun texte ne prévoit le contrôle du titre de séjour avant l'inscription.

La position de principe du Gisti sur la question des conventions n'a jamais, semble-t-il était clairement définie. Mais on peut supposer que le Gisti s'y oppose par principe et préconise l'amélioration globale des conditions d'accueil de tous les étrangers dans les préfectures ou, éventuellement, la mise en place au sein des préfectures de services spécialisés dans l'accueil des étudiants étrangers (également préconisé dans le rapport Weil d'ailleurs).

Discussion

Les critiques à l'encontre de ce texte et de la procédure mise en œuvre sont de quatre ordres :

  1. cette procédure ne constitue-t-elle pas une remise en cause du principe d'autonomie des universités ?

  2. une préfecture peut-elle légalement contracter en matière de police administrative avec un établissement universitaire ?

  3. le fait que la circulaire prévoit la remise d'une simple attestation de dépôt sans valeur lorsque le dossier est complet n'est-il pas contraire à la procédure prévue par le décret de 1946 ?

  4. le contrôle du titre de séjour pour procéder à l'inscription de l'étranger semble constituer une formalité impossible à réaliser. De même, l'information par la préfecture de la situation irrégulière de l'étranger, a-t-elle un fondement légal ?

I — Sur l'atteinte au principe d'autonomie
des établissements d'enseignement supérieur

L'autonomie des établissements d'enseignement supérieur, issue d'une longue tradition des franchises universitaires, est un principe consacré par la loi. L'article 20 de la loi « Savary » du 26 janvier 1984 dispose en effet que « les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel sont des établissements nationaux d'enseignement supérieur et de recherche jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière ».

Bien que les ministres concernés précisent dans la circulaire incriminée que « cette coopération formalisée (...) s'inscrit dans un cadre de confiance réciproque respectueux de l'autonomie de chacune des parties » (p. 2, 4ème paragraphe, tiret 2), il est à craindre que le fait que « les agents assurant cette fonction de réception des dossiers peuvent être soit des fonctionnaires de préfecture accueillis dans l'établissement, soit des personnels de l'université qui auront préalablement reçu une formation assurée par les services des étrangers des préfectures » (même paragraphe, tiret 4) porte atteinte à cette autonomie administrative. En effet, la présence régulière voire permanente au sein de l'université d'agents préfectoraux ou, à l'inverse, la fréquentation régulière des préfectures par des personnels de l'université afin d'assurer leur formation et, plus généralement, le suivi régulier des dossiers entre services, ainsi que les échanges permanents d'information qui supposent cette collaboration ne peuvent que sensibiliser les personnels universitaires aux préoccupations et priorités préfectorales. À terme, on peut craindre qu'ils soient détournés de la stricte finalité universitaire de leur mission. À terme, il s'agit là incontestablement d'une remise en cause de l'autonomie administrative de l'université.

Par ailleurs, l'avant-dernier paragraphe de la circulaire où les ministres signataires tirent comme conséquence du refus de carte de séjour opposé par la préfecture l'impossibilité pour l'établissement universitaire de procéder à l'inscription de l'étudiant remet également en cause cette autonomie administrative. En effet, la décision de l'université est présentée comme étant strictement liée à celle de la préfecture, sa conséquence automatique.

II — Contractualisation

Lorsqu'ils réceptionnent, traitent, délivrent ou refusent les demandes de titre de séjour, les services préfectoraux accomplissent une mission de police administrative qui leur est spécialement conférée par la loi (ordonnance de 1945 et décret de 1946).

Cette mission — comme toutes les missions de police administrative — ne saurait être « par sa nature » délégué, ni faire l'objet d'une contractualisation. Il s'agit d'un principe constamment appliqué par la juridiction administrative (CE 1932 Ville de Castelnaudary, p. 595 ; CE 1997 Commune d'Ostricourt, DA 198, n° 44) : la police administrative est une mission régalienne, qui appartient par sa nature à l'autorité publique.

Par ailleurs, à l'inverse des autorités détentrices d'un pouvoir de police générale qui exercent une mission générale de maintien de l'ordre public même sans texte, les autorités détentrices d'un pouvoir de police spéciale — comme celle des étrangers — ne sont compétentes qu'en vertu de textes (normalement une loi) qui définissent précisément les pouvoirs qui leurs sont dévolues. En l'espèce, les textes ont confié l'exercice de la police spéciale des étrangers aux seules autorités préfectorales et non aux universités.

Ainsi, même si les établissements universitaires sont des personnes morales de droit public, ils ne peuvent se voir confier une mission de police des étrangers. Certes les présidents d'université disposent d'un pouvoir de police spéciale mais il ne s'applique qu'en vue du maintien de l'ordre public au sein de l'établissement dont ils ont la charge (article 27 de la loi du 26 janvier 1984).

On objectera que dans le cadre de la procédure mise en place les services universitaires ne font que réceptionner les dossiers et en accuser réception. La préfecture demeure « la seule responsable de l'instruction du dossier et de la décision d'octroi de la carte ».

Il n'en reste pas moins que l'objet même de cette contractualisation est d'organiser une délégation de certaines prérogatives préfectorales aux agents chargés de la réception du dossier. La circulaire précise en effet que « les personnels affectés à cette fonction d'accueil doivent s'assurer que le dossier présenté par l'étudiant est complet. En effet, celui-ci ne peut être accepté qu'à cette seule condition. Une attestation de dépôt de dossier est alors obligatoirement remise à l'étudiant étranger. Elle a pour seule fonction de permettre au demandeur de faire la preuve qu'il a effectué les démarches utiles dans les délais réglementaires et ne vaut en aucun cas titre de séjour ou preuve de séjour régulier ».

En décidant de l'octroi ou du non octroi de cette attestation, l'agent d'accueil exerce un rôle normalement dévolue aux agents préfectoraux par la loi. En effet, dans le cadre d'une demande de titre de séjour étudiant, la vérification de l'état du dossier est déterminante dans la suite qu'il sera donné à la demande. Normalement, si le dossier est complet c'est que l'étranger remplit les conditions légales d'obtention du titre de séjour (qui sont une liste de documents à fournir : article 7 et 8 du décret de 46) et, par conséquent, il doit obtenir ce titre (sauf non réalité des études).

Les agents qui réceptionnent le dossier sont donc bien investis d'une mission régalienne dans la mesure où en l'absence de cette attestation de dépôt l'étudiant étranger ne pourra prouver qu'il s'est soumis aux démarches prévues par l'ordonnance de 1945 et le décret de 1946.

III — Violation directe d'articles
du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946

1°) L'article 3 du décret de 1946 prévoit expressément que « Tout étranger, âgé de plus dix-huit ans, est tenu de se présenter à Paris, à la préfecture de police et dans les autres départements à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de carte de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de carte de séjour soient déposées au commissariat de police, ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant ». Les termes de ce décret sont sans équivoques : le pouvoir réglementaire a entendu définir strictement les lieux dans lesquels les étrangers doivent déposer leur demande de titre de séjour. Il n'est pas prévu de situation dérogatoire pour les étudiants et les établissements universitaires ne font pas parties des lieux énumérés dans le décret.

L'organisation d'une procédure de dépôt de la demande de titre de séjour au sein des établissements universitaires qui est l'objet essentiel de cette circulaire est donc en violation directe avec cet article réglementaire.

2°) De la même façon, l'article 4 du même décret prévoit qu'« il est délivré à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de carte de séjour un récépissé valant autorisation de séjour, pour la durée qu'il précise (...) de l'instruction de la demande ».

La réglementation ne fait pas état d'une « attestation de dépôt de dossier » qui a pour « fonction de permettre au demandeur de faire la preuve qu'il a effectué les démarches utiles dans les délais réglementaires et ne vaut en aucun cas titre de séjour ou de preuve de séjour régulier ».

Bien au contraire, de jurisprudence constante, les services chargés de la réception de demandes de titres de séjour doivent — dès lors que le dossier remis par l'étranger est complet — remettre le récépissé à l'étranger.

Pourtant, il est expressément prévu dans cette circulaire qu'il n'est remis à l'étudiant étranger lorsque son dossier est complet que cette seule attestation de dépôt.

La circulaire prévoit, cependant, qu'après transmission du dossier à la préfecture, celle-ci « adresse une convocation à l'intéressé dans les plus brefs délais et au plus dans les trois semaines suivant le dépôt du dossier en université ». Pourtant, le respect de cet article réglementaire voudrait qu'à ce moment là de la procédure (début de l'instruction) soit remis à l'étudiant étranger un récépissé et non cette simple convocation. Une convocation a en effet pour vocation de fixer un rendez-vous à un étranger afin qu'il puisse constituer son dossier alors que le récépissé permet à l'étranger de prouver que son dossier est complet et qu'il a été « admis à souscrire » une demande de carte de séjour. Il couvre par ailleurs son séjour et lui permet d'accéder à certains droits.

Pourtant, selon la procédure prévue dans cette circulaire, c'est seulement une fois l'instruction du dossier achevée (c'est-à-dire en pratique de quelques semaines à quelques mois après) que l'étranger sera convoqué soit pour se voir remettre son titre de séjour, soit un refus de séjour. Dans aucune hypothèse il n'est prévu de remettre le récépissé prévu par la réglementation.

IV — Contrôle du titre de séjour
et inscription

Dans son avant-dernier paragraphe, les ministres demandent à leurs services qu'« en cas de refus de la carte de séjour, la préfecture (...) en informe l'établissement ou le pôle d'inscription qui, en vertu des textes réglementaires, ne peut procéder à l'inscription de l'étudiant ».

Or, il n'existe aucun texte réglementaire subordonnant l'inscription d'un étranger à la présentation d'un titre de séjour ou, même, à la régularité de son séjour. Les textes prévoient précisément l'inverse. L'article 12 de l'ordonnance de 1945 est explicite sur ce point , il dispose que « la carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études (...) porte la mention « étudiant » ». L'article 7-7 du décret de 1946 ajoute que l'étranger qui demande cette carte de séjour « doit présenter (...) un certificat d'immatriculation, d'inscription ou de préinscription dans un établissement public ou privé d'enseignement (...) ».

Il est donc bien prévu que l'inscription conditionne l'obtention du titre de séjour et non l'inverse. Et on voit mal comment il pourrait en être autrement sans heurter la logique la plus élémentaire et conduire à des situations sans issue. La procédure définie dans ce passage de la circulaire litigieuse constitue une formalité impossible à réaliser. Elle est donc illégale.

D'ailleurs, le ministre de l'éducation nationale en demandant aux établissements universitaires de ne pas inscrire un étudiant à qui la préfecture a refusé le séjour, autrement dit en soumettant l'inscription des étudiants étrangers à la présentation d'un titre de séjour, contredit ses propres instructions.

En effet, dans une circulaire DESUP 9/n° 1018 du 21 décembre 1992, le directeur des enseignement supérieur Daniel Bloch rappelait, sur délégation de ce même ministre, à ses services, « à la demande du ministre de l'intérieur et de la sécurité publique, que lors des inscriptions administratives et pédagogiques, les ressortissants étrangers ne sont pas obligés de produire une carte de séjour ». Il ajoutait que « la délivrance de la carte de séjour portant la mention « étudiant » concrétise l'autorisation donnée par le préfet à un ressortissant étranger de séjourner sur le territoire en qualité d'étudiant. Cette admission au séjour est accordée lorsque l'étranger a présenté les justificatifs requis par la réglementation et notamment l'inscription ou la préinscription dans un établissement d'enseignement ou de formation professionnelle ».

Le Conseil d'État a d'ailleurs déjà considéré dans l'arrêt Lusilavana du 24 janvier 1996 (au Lebon), à propos de l'inscription d'un jeune majeur dans un établissement d'enseignement secondaire, que les dispositions de l'ordonnance de 1945 « impliquent nécessairement qu'un étranger puisse être admis, au moins à titre provisoire, dans un établissement d'enseignement avant d'avoir obtenu un premier titre de séjour ».

Le passage litigieux est également en contradiction avec le modèle de convention proposée en Annexe III de cette circulaire puisque dans son article 3 est précisé que « le Pôle universitaire (...) s'engage à n'accepter que des dossiers complets au sens des dispositions réglementaires en vigueur et notamment : la justification de (...) [l']inscription universitaire ».

On objectera que les étrangers dont il est question dans cette circulaire viennent de se voir opposer un refus de séjour et donc seront en situation irrégulière un mois après la notification de ce refus. Mais comment les services préfectoraux pourraient-ils se prononcer sur la demande d'un étudiant qui n'est pas encore inscrit par l'université alors que cette inscription constitue précisément une des conditions pour que cette demande puisse être étudiée ? La procédure mise en place est donc manifestement impossible à respecter.

Note complémentaire : il est à craindre que pour défendre la légalité de cette procédure le ministère de l'intérieur recourt à un raisonnement similaire à celui utilisé par le commissaire du gouvernement Schwartz sur l'affaire Lusilavana.

Le problème qui se posait était de savoir si un étranger en situation irrégulière pouvait être écarté de l'accès au SP de l'enseignement sur le fondement des textes existants.

Si l'on se réfère à la décision du CC 93.325 du 13 août 1993 sur la loi Pasqua, seul le législateur peut décider d'exclure les irréguliers du bénéfice de certains services publics. En dehors de cette hypothèse, ils bénéficient du principe d'égalité d'accès aux SP comme tous les autres étrangers.

L'apport de cette décision du juge constitutionnel est rappelée dans les conclusions du commissaire du gouvernement Schwartz : « Si un étranger résidant régulièrement en France en règle générale dans une situation identique à celle d'un français, ce qui interdit ainsi toute discrimination pour l'accès au service public, il n'en n'est pas de même pour l'étranger en situation irrégulière.

Mais le requérant relève a bon escient que c'est le législateur qui intervient systématiquement pour écarter de l'accès au service public les étrangers en situation irrégulière en évoquant à titre d'exemple l'article 3 de la loi (...) du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ainsi que la loi du 24 août 1994 [sic 1993] relative aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers ».

Appliquée à notre cas d'espèce, il n'existe a priori aucune loi empêchant les étrangers en situation irrégulière d'accéder aux établissements d'enseignement supérieur.

Pourtant, développant un raisonnement pour le moins paradoxal et contestable, M. Schwartz propose au Conseil d'État un texte législatif qui subordonnerait l'accès des étrangers au SP de l'enseignement à la régularité de leur séjour : l'ordonnance du 2 novembre 1945 !

Il rejette pour appliquer son raisonnement le principe d'indépendance des législations : « Le requérant ne peut invoquer le principe d'indépendance des législations puisque c'est cette ordonnance que[i] conditionne notamment l'entrée et le séjour des étudiants étrangers en France ».

Et poursuit : « Les articles 10 et 12 de l'ordonnance exigent de l'étranger venu en France d'être titulaire d'une carte de séjour temporaire dont la délivrance est subordonnée à une condition de ressources et l'effectivité des études. Un étudiant étranger, pour séjourner en France, doit posséder une telle carte de séjour. Le décret du 30 juin 1946 modifié vient faire application de ces dispositions en exigeant en son article 8-4° de l'étranger majeur au regard de la loi française la justification de moyens suffisants d'existence et un certificat d'immatriculation, d'inscription ou de préinscription dans un établissement d'enseignement supérieur. Ainsi, contrairement au requérant, nous pensons que l'ordonnance du 2 novembre 1945 et son décret d'application subordonnent la participation de l'étranger majeur au service public de l'éducation à la régularité de sa présence en France ».

L'argumentation du commissaire du gouvernement est contestable pour deux raisons :

  • l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ne conditionne pas la délivrance du titre de séjour à l'inscription. Au contraire, elle prévoit qu'est délivré un titre à celui qui présente notamment cette inscription.

  • il n'est pas évident que le principe d'indépendance des législations ne puisse s'appliquer dans ce domaine. En effet, l'université n'a pas à se substituer aux autorités administratives et judiciaires pour vérifier, à l'occasion de l'inscription à l'université, le respect de n'importe quelle législation sans rapport avec l'enseignement supérieur. A-t-on déjà vu une université réclamer aux étudiants français un extrait de casier judiciaire pour vérifier qu'ils ne sont pas l'objet d'une interdiction judiciaire de séjour dans le lieu où se trouve l'établissement, ou d'une condamnation par contumace qui devrait les conduire à se trouver en prison plutôt qu'à la faculté ? L'université devra-t-elle exiger demain un certificat de la DASS garantissant que les étudiants français ne sont pas sous le coup d'une mesure sanitaire de quarantaine leur interdisant de quitter leur domicile pour séjourner sur le campus ?

On relèvera également que ce raisonnement est dangereux car il permettrait d'exclure, sans l'intervention préalable du législateur, les étrangers en situation irrégulière de tous les SP puisque l'ordonnance de 1945 prévoit que tout étranger séjournant en France doit être en possession d'un titre de séjour !

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Dernière mise à jour : 29-01-2002 22:19 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/argumentaires/2001/etudiants/recours.html


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