|    
          
         
        
  Plein Droit 
  n° 20, février 1993 
  Europe : un espace de « soft-apartheid » 
   
        Grèce :  
          la peur des clandestins
         
Retour 
  au sommaire 
La Grèce, qui n'appartient pas au groupe initial 
        des négociateurs de la Convention de Schengen, est devenue membre 
        à part entière du dispositif conventionnel par la voie de 
        son adhésion, le 6 novembre 1992. Alors que la Grèce 
        compte une population étrangère officielle encore peu importante, 
        l'augmentation du nombre de clandestins contribue à faire évoluer 
        tant l'opinion publique que la réglementation interne. La rigueur 
        semble progressivement prendre le pas sur la qualité de terre d'accueil 
        que la Grèce a toujours eue jusqu'à présent. Selon 
        les estimations du secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères, 
        il y aurait actuellement entre 350 000 et 500 000 « réfugiés 
        économiques » clandestins en majorité Albanais, 
        Bulgares et Polonais. 
        La Constitution grecque confie aux pouvoirs législatif et exécutif 
          le soin de ratifier les traités internationaux. C'est ainsi que 
          le gouvernement soumet à l'approbation du Parlement les textes 
          internationaux alors que le chef de l'Etat, en l'occurrence le président 
          de la République, les ratifie. 
         Il n'existe naturellement aucune possibilité d'amendement, le 
          projet de loi ne pouvant être approuvé ou rejeté 
          que dans la totalité de ses dispositions (cf. alinéa 1 
          de l'article 112 du règlement du Parlement de 1987). 
         En règle générale, le Parlement vote à 
          la majorité des députés présents. Néanmoins, 
          pour les traités qui revêtent une importance nationale 
          toute particulière, la majorité des 3/5 se trouve requise 
          (tel a été le cas pour le traité d'adhésion 
          de la Grèce à la CEE). 
         La ratification est suivie d'une publication de la loi au journal officiel 
          avec mention de la date de son entrée en vigueur. 
         En vertu de l'article 28 de la Constitution hellénique 
          de 1975-1986, les règles de droit international généralement 
          admises ainsi que les Conventions internationales intègrent le 
          droit interne et priment sur toute loi contraire dès leur entrée 
          en vigueur. 
         Il convient enfin de préciser que l'application de l'ensemble 
          des dispositions de droit international concernant les étrangers 
          est toujours subordonnée à une condition de réciprocité. 
         En matière d'accueil et de circulation des réfugiés, 
          force est de reconnaître les réserves formulées 
          par la Grèce sur la Convention de Genève de 1951 : 
          sur l'article 17 relatif à l'exercice des professions salariées 
          (la Grèce en effet n'accorde qu'exceptionnellement des permis 
          de travail aux réfugiés ; les 6 000 personnes 
          qui peuvent aujourd'hui se prévaloir, en Grèce, du statut 
          de réfugié politique n'ont pas accès au marché 
          de l'emploi) et sur l'article 26 relatif à la libre circulation 
          des réfugiés (ces derniers font l'objet d'une surveillance 
          spéciale quant à leurs déplacements, les pouvoirs 
          publics s'arrogeant le droit de contrôler leurs déplacements 
          pour des raisons d'ordre public et de sécurité nationale). 
         Aucun calendrier n'a encore été fixé pour la ratification 
          de la Convention de Schengen. 
          Une nouvelle loi sur l'immigration
        Une des conséquences pratiques de la signature de l'Accord a été 
        le vote, récemment, d'une loi intitulée « Entrée-sortie, 
        séjour, travail, expulsion d'étrangers, procédure 
        de reconnaissance de réfugiés étrangers et autres 
        dispositions » (votée le 22 novembre 1991, publiée 
        au JO le 4 décembre 1991, et entrée en vigueur 
        le 4 juin 1992). 
        Il est difficile de mesurer les effets pratiques des innovations législatives 
          qu'elle apporte. Elles concernent notamment l'accès à 
          l'emploi tant des étrangers « ordinaires » 
          que des réfugiés (l'article 24 spécifique 
          aux réfugiés statutaires confie au pouvoir exécutif 
          le soin de définir les conditions et la procédure à 
          suivre pour la délivrance des permis de travail). 
         L'article 10 introduit la responsabilité des transporteurs 
          qui ont embarqué des étrangers non admis à entrer 
          en Grèce. Ils se voient contraints de rapatrier ou de refouler 
          ces étrangers dans le pays de provenance. A défaut, ils 
          sont punissables d'une amende allant de 100 000 à 1 000 000 
          drachmes. 
         L'article 33 prévoit de son côté des sanctions 
          pénales et administratives (amende et emprisonnement) à 
          l'encontre des capitaines et des commandants de « tout bord » 
          (navires, aéronefs ou autres moyens de transport) pour les mêmes 
          raisons. Ils encourent des sanctions identiques s'ils acceptent de transporter 
          des personnes qui ne sont pas munies des documents de voyage requis 
          ou qui n'ont pas fait l'objet d'un contrôle de police. 
         Pour ce qui est des zones internationales, l'article 8 intitulé 
          « transit » parle de zones de transit en général 
          sans spécifier s'il s'agit de « zones internationales » 
          au sens où un certain nombre de pays membres l'entendent. En 
          fait, de telles zones n'existent pas. 
         Enfin, la loi prévoit aussi une disposition pour réprimer 
          le travail clandestin : les employeurs qui ont recours à 
          une main d'uvre dépourvue de permis de travail peuvent 
          être pénalement poursuivis. 
         Les décrets présidentiels et les décisions ministérielles 
          intégrant le dispositif conventionnel n'ont pas encore été 
          pris. Nul ne sait quand cela aura lieu exactement. Va-t-on ou non attendre 
          la ratification parlementaire ? 
         L'organisation « Greek Council for refugees » s'est 
          occupée très sérieusement des conséquences 
          de la libre circulation en présentant plusieurs propositions 
          aux ministères compétents. Elles traitent principalement 
          des modalités concrètes de contrôles frontaliers 
          (déroulement et contenu des interrogatoires aux « portes-frontière »), 
          de la formation du personnel responsable des centres d'accueil et des 
          procédures de recours. Les mesures envisagées sont spécifiques 
          aux réfugiés tels qu'ils sont définis par la Convention 
          de Genève et le Protocole de New-York. 
         La Grèce semble « prête » à 
          entrer dans un système de libre circulation et de suppression 
          des frontières de type schengenien. 
         A côté des innovations apportées par la loi du 
          22 novembre 1992, il convient de rappeler que la Grèce exige 
          des visas pour un grand nombre de pays, exception faite notamment des 
          pays d'Europe occidentale et des Etats-Unis. Les Etats soumis à 
          cette formalité ne sont pas uniquement des « pays à 
          risque » en terme de flux migratoires. 
          Obligation de carte d'identité
        Par ailleurs, afin de faciliter les contrôles et la « circulation », 
        tous les ressortissants grecs sont obligés de détenir une 
        carte d'identité. 
        Le gouvernement vient d'annoncer la création d'une nouvelle 
          carte d'identité nationale qui a vocation à servir de 
          passeport dans les pays de la Communauté. Ces documents, qui 
          constitueront en même temps des certificats de naissance et qui 
          doivent être conformes aux normes européennes, devaient 
          être mis en circulation début 1993. 
         Toutefois, avant d'appartenir au concert des Etats parties à 
          la Convention de Schengen, des problèmes graves de maîtrise 
          des frontières doivent être résolus. C'est ainsi 
          que sont enregistrées de très nombreuses entrées 
          illégales (entre 1 000 et 1 500 Albanais sont refoulés 
          chaque jour) à la frontière gréco-albanaise.  
        Irene Feraldis 
          Greek Council for Refugees 
          Athènes 
         
Retour 
  au sommaire 
   
          
           
            Dernière mise à jour : 
             6-02-2001  11:45.   
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/plein-droit/20/grece.html 
  
 
 |