|    
         
          
        
  Plein Droit 
  n° 20, février 1993 
  Europe : un espace de « soft-apartheid » 
   
CEE-Pays de l'Est : de prudents accords d'association 
        
         
Retour 
  au sommaire 
La Communauté européenne 
        a récemment concrétisé sa coopération avec 
        les pays de l'Est en signant trois accords dits « d'association » 
        avec la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Ces accords, 
        destinés avant tout à éviter que des flux importants 
        de main d'uvre n'arrivent sur le marché du travail européen, 
        mettent l'accent sur la coopération économique, financière 
        ou même culturelle, mais ne prennent aucun engagement quant 
        à la circulation des personnes. 
        Dans le rapport des ministres de l'immigration au Conseil européen 
          de Maastricht sur la politique d'immigration et d'asile [1], 
          les représentants des différents Etats membres laissent 
          la porte ouverte à de nouvelles entrées de travailleurs 
          sans que l'on sache vraiment à quelles conditions, dans quel 
          cadre territorial ou extra-territorial se prendront les décisions, 
          ni même si les Etats ont véritablement l'intention d'afficher 
          une telle politique. 
         Il est évident que la démocratisation récente 
          des pays de l'Est a nourri et continue de nourrir une nouvelle immigration 
          dont on connait mal les réalités. Les chiffres fournis 
          par la Direction de la population et des migrations paraissent insuffisants 
          pour parfaire l'analyse qualitative et quantitative. 
         La Communauté, après avoir conclu un certain nombre d'accords 
          avec des pays traditionnels d'émigration comme la Yougoslavie 
          ou la Turquie [2], a engagé 
          des négociations avec des Etats appartenant à l'ex-Europe 
          socialiste en vue de prévenir des flux substantiels de main 
          d'uvre et de poser les premiers jalons d'une collaboration économique 
          et douanière, par la voie de traités dits d'association. 
         C'est ainsi que la Communauté a signé, le 16 décembre 
          1991, trois accords d'association avec respectivement, la Pologne, la 
          Hongrie et la Tchécoslovaquie. Ils comportent des dispositions 
          identiques, seul l'accord conclu avec les instances polonaises présentant 
          une particularité dans le domaine de la protection sociale. 
         Des négociations sont en cours en vue d'aboutir à la 
          conclusion de deux nouveaux accords devant lier la Communauté 
          et la Roumanie d'une part, la Communauté et la Bulgarie d'autre 
          part. 
         Concernant l'entrée en vigueur des accords, il est nécessaire 
          de préciser qu'un protocole provisoire [3] 
          a été signé pour rendre applicables immédiatement, 
          c'est-à-dire à compter du 1er mars 1992, toutes les 
          dispositions expressément prévues et entrant dans le champ 
          d'application du Traité de Rome et du Traité Ceca. Ces 
          « dispositions expressément prévues » 
          correspondent essentiellement aux aspects commerciaux du dispositif. 
          Celles relatives à la circulation des travailleurs sont soumises 
          à la procédure de ratification. 
         Une période de six mois est à prévoir avant la 
          consultation des parlements de chaque Etat membre. Le parlement européen 
          devra être préalablement consulté et donner son 
          avis. 
          
           Une longue période 
           
          de transition
        Quel est l'objet de la Convention signée entre la Pologne et la 
        Communauté ? 
        Les parties commencent par prendre acte du passage de l'Etat polonais 
          à une économie de marché. Les buts poursuivis par 
          les partenaires sont l'instauration et l'adaptation d'un dialogue politique, 
          la promotion de l'expansion et des relations économiques en toute 
          harmonie, la mise en place d'une assistance technique et financière, 
          la préparation de l'intégration de la Pologne dans la 
          Communauté (à charge, pour la Pologne, de s'en donner 
          les moyens...), enfin le développement de la coopération 
          dans les domaines culturels. 
         Il ressort de cet accord, comme par ailleurs des deux autres, qu'en 
          aucun cas la libre circulation des travailleurs en tant qu'individus 
          n'est envisagée. 
         Au stade des principes généraux (article 6) appelés 
          à gouverner le dispositif conventionnnel, est fixée une 
          période de transition de dix ans, elle-même divisée 
          en deux phases de cinq ans. La première a vocation à courir 
          dès l'entrée en vigueur de l'accord. Le Conseil d'association, 
          organisme d'ordre politique, est chargé de l'application de l'accord, 
          et de son évolution en fonction des besoins, des insuffisances 
          constatées ou de toute nouvelle conjoncture. Dans les douze mois 
          qui précèdent l'achèvement de la première 
          période, il doit décider du passage à la seconde 
          phase et aménager la transition dans le meilleur respect des 
          obligations contractuelles. 
         Même si le consentement des parties est mis en avant, force est 
          de constater une relative prudence des co-contractants. Les informations 
          qui circulent dans les couloirs du ministère des Affaires sociales, 
          partie prenante aux négociations, confortent une telle appréciation. 
         Le titre 4 de l'accord est consacré au mouvement des travailleurs, 
          à l'établissement et aux prestations de service.  
          En exergue du dispositif consacré au mouvement des travailleurs, 
          figurent l'interdiction de toute discrimination aux dépens des 
          ressortissants polonais régulièrement installés 
          et le droit au regroupement familial (exception faite des travailleurs 
          saisonniers, et avec des réserves pour ceux qui auront été 
          admis à titre temporaire...). 
         L'article 37 parle de sécurité sociale et de réciprocité : 
          il s'agit d'assurer la meilleure coordination possible des périodes 
          d'assurance pour les résidents et leurs familles installés 
          en toute régularité (cumul et transfert des périodes 
          d'assurance-vieillesse, rentes accidents du travail, ...). Sont exclues 
          de cet aménagement les prestations non contributives. Le Conseil 
          d'association doit adopter les dispositions nécessaires pour 
          parvenir à l'objectif ainsi fixé. 
          
         Une relative discrétion
        Quant à l'accès au marché de l'emploi pour les ressortissents 
        polonais (article 41), force est de constater une relative discrétion 
        du dispositif conventionnel. Les parties se contentent de renvoyer cette 
        question aux Etats habilités à accorder certaines « facilités » 
        (il ne semble pas inutile de rappeler que la France a supprimé 
        la « non opposabilité de la situation de l'emploi » 
        dont bénéficiaient les ressortissants polonais, au moment 
        même où elle les dispensait de produire un visa pour entrer 
        sur le territoire national). 
        Une disposition spécifique à l'accord CEE-Pologne figure 
          sous le même article : elle vise à admettre au travail 
          les Polonais déjà titulaires d'un titre de séjour 
          (les éventuels demandeurs d'asile sont-ils concernés ?). 
          Ne sont pas compris ceux qui ont été admis comme touristes 
          ou comme visiteurs. 
         Le chapitre II relatif à l'établissement a suscité 
          de nombreuses discussions. L'objectif est de favoriser l'installation 
          des travailleurs indépendants. Les parties font preuve ici de 
          plus de vigueur et d'enthousiasme que pour le mouvement des travailleurs. 
          Certains secteurs d'activités sont toutefois exclus du dispositif. 
         Il convient de s'arrêter quelques instants sur l'article 52 
          qui concerne les entreprises ayant vocation à s'installer dans 
          les Etats membres en faisant venir leur propre main d'uvre 
          (les entreprises d'Etat sont visées en priorité pour des 
          raisons évidentes), en dehors du système des prestations 
          de service. La France a eu quelques réactions frileuses, craignant 
          que la disposition ne permette de contourner le mouvement limité 
          des travailleurs. Même si l'état de l'économie polonaise 
          et son fonctionnement rendent difficilement compréhensibles les 
          craintes françaises quant à d'éventuelles délocalisations 
          d'entreprises polonaises, les discussions révèlent quand 
          même la peur d'une nouvelle immigration massive et incontrôlée. 
         En tout état de cause, les titres de séjour et de travail 
          accordés, dans cette hypothèse, aux travailleurs transférés 
          doivent seulement couvrir la période d'emploi par l'entreprise 
          concernée. 
         Le personnel cadre et de haut niveau appelé à bénéficier 
          des dispositions conventionnelles, doit satisfaire à plusieurs 
          conditions. L'accord énumère les catégories de 
          personnes visées potentiellement par un transfert  en 
          l'occurrence, il faut être titulaire de compétences techniques  
          et exige que les salariés aient été employés 
          par l'entreprise en question un an au moins avant le détachement. 
         
        Au regard du contenu de cet accord CEE-Pologne, comme de ceux conclus 
          avec la Hongrie et la Tchécoslovaquie, règne la prudence 
          dans le domaine de la circulation des personnes. La coopération 
          se présente avant tout comme un approfondissement des relations 
          de nature économique, douanière et financière. 
         
         
Retour 
  au sommaire 
 
 Notes 
        [1] Rapport présenté 
          le 3 décembre 1991 en vue de l'élaboration du Traité 
          d'Union. Voir analyse p. 20. 
        [2] Voir article consacré 
          aux accords conclus entre la Communauté et les pays tiers,« CEE-Pays tiers : 
égalité de traitement entre les travailleurs ». 
        [3] Décision du 
          Conseil du 25 février 1992. 
         
           
          
           
            Dernière mise à jour : 
             6-02-2001  11:44.   
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/plein-droit/20/pays-est.html 
            
  
 
 |