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  Plein Droit 
  n° 20, février 1993 
  Europe : un espace de « soft-apartheid » 
   
Les semonces  
          du Parlement européen
         
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Les travaux du Parlement européen 
        sur les questions qui touchent à la liberté de circulation 
        des personnes dans la Communauté se résument aisément 
        à une dénonciation du déficit démocratique 
        qui entoure toutes les décisions prises et les travaux entrepris 
        en dehors du cadre des institutions communautaires. 
        Le Parlement constate que « de substantiels progrès 
          dans le sens de la libre circulation » ont été 
          accomplis avec la signature de l'accord de Schengen et de la Convention 
          d'application, de même qu'avec la Convention de Dublin sur l'asile 
          qui détermine l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile. 
          Mais il remarque que ces accords n'ont pas été signés 
          selon le processus de décision communautaire, ce qui aurait notamment 
          impliqué un contrôle parlementaire. 
         Le Parlement se félicite de l'« expérience » 
          que constitue la mise en uvre de l'accord de Schengen, du point 
          de vue de la réalisation d'objectifs non encore atteints dans 
          le cadre de la Communauté, mais il y voit également 
          un « dangereux précédent s'il devait s'avérer 
          qu'aucune marge n'est plus disponible à l'avenir pour la négociation 
          de réglementations différentes ». 
         Parallèlement, les groupes de travail en activité chargés 
          de négociations sur le plan intergouvernemental se sont multipliés 
          (TREVI I, TREVI II, TREVI III, Schengen, Groupe ad hoc immigration...). 
          Un groupe de coordinateurs a été institué afin 
          de faire le lien entre les différents travaux. Mais, constate 
          le Parlement, « les experts et les responsables politiques 
          nationaux perdent de plus en plus la maîtrise des travaux en question (...). 
          Il régne une certaine imprécision quant à la 
          mission de ces groupes, dont ni les parlements nationaux, ni le Parlement 
          européen ne peuvent contrôler les travaux ». 
         Le livre blanc de la Commission de 1985 sur l'achèvement du 
          marché intérieur contenait des propositions de directive 
          en matière de libre circulation relatives, notamment, aux ressortissants 
          de pays non communautaires ; il prévoyait que la Commission 
          devait présenter, en 1988 au plus tard, une proposition relative 
          à la coordination des règles applicables aux ressortissants 
          de pays non communautaires en matière d'entrée, de résidence 
          et d'accès à l'emploi. A cette même date, des mesures 
          devaient également être proposées au sujet du droit 
          d'asile et de la situation des réfugiés. Les décisions 
          devaient intervenir au plus tard en 1990. Il était par ailleurs 
          prévu une politique communautaire en matière de visas. 
          
          Une coopération  
          plus intergouvernementale  
          que communautaire
        Depuis, les documents que la Commission a publiés sont « de 
        moins en moins ambitieux ». Celle-ci privilégie désormais 
        la coopération intergouvernementale au détriment du cadre 
        communautaire. Le Parlement européen a dénoncé à 
        plusieurs reprises « le rôle actif que la Commission 
        joue dans les travaux intergouvernementaux des Etats membres concernant 
        la suppression des contrôles aux frontières », 
        ainsi que le caractère « très succinct » 
        des comptes rendus que la Commission lui fournit. 
        Quid du contrôle démocratique, lorsque le Parlement européen 
          ne peut plus exercer une influence réelle et que les parlements 
          nationaux n'ont pas la possibilité d'intervenir ? 
         Le Parlement relève un nombre important de lacunes et d'imperfections 
          dans la Convention de Schengen et dans celle de Dublin, énumérées 
          dans le rapport de M. Kurt Malangré du 3 juillet 1991. 
          Il invite la Commission à tenir compte de ces observations dans 
          les propositions qu'elle pourrait être amenée à 
          présenter en vue d'une réglementation qui reprendrait, 
          au niveau communautaire, les règles de Schengen [1] : 
          
         
          -  
            
éviter les contrôles arbitraires et opérés 
              « à la tête du client » 
              à l'initiative propre de la police « à 
              titre de soi-disant compensation pour l'élimination des frontières 
              intérieures » ; 
           
          -  
            
établir une définition plus précise des concepts 
              d'étranger, d'ordre public et de sécurité nationale ; 
           
          -  
            
éviter de mettre les ressortissants de pays tiers dans l'impossibilité 
              pratique de demander et d'obtenir un visa ; 
           
          -  
            
instaurer un droit pour le demandeur d'un visa, en cas de refus, 
              de se justifier, d'interjeter appel, « dans le contexte 
              d'une politique des étrangers et d'une politique d'admission 
              qui soient positives sur le plan humanitaire et du respect des droits 
              de l'homme, en tenant compte notamment des accords d'Helsinki, du 
              droit communautaire et de la politique communautaire, comme du respect 
              de la vie privée » ; 
           
          -  
            
mener une politique commune d'admission, en ce qui concerne le 
              séjour de longue durée ; 
           
          -  
            
remettre en question l'obligation de déclaration imposée 
              aux ressortissants non communautaires et ne pas limiter leur droit 
              à la libre circulation à un simple droit de déplacement ; 
           
          -  
            
les mesures prises contre les transporteurs de réfugiés, 
              qui se bornent à acheminer ces derniers, sont en contradiction 
              avec les accords de Chicago et de New-York ; ces transporteurs 
              ne peuvent exercer de fonctions publiques ; 
           
          -  
            
la coopération et l'entraide entre les services de police 
              nécessitent une description très spécifique 
              des missions confiées, un contrôle judiciaire et/ou 
              administratif extérieur adéquat des actions de prévention 
              et de l'échange des données informelles, ainsi qu'une 
              information appropriée des citoyens ; 
           
          -  
            
le contrôle judiciaire et/ou administratif des systèmes 
              d'information est « strictement nécessaire ». 
              Le sont également l'attribution d'un droit de regard direct 
              ou indirect aux citoyens, la limitation des données personnelles 
              qui peuvent être saisies, la réglementation d'une part 
              des données concrètes, dans le seul but d'éviter 
              un réel danger ou un crime spécifique, d'autre part 
              de l'utilisation et de la transmission des données et du 
              jugement des litiges entre Etats en matière de signalement ; 
           
          - en matière de réglementation du droit d'asile, une 
            harmonisation complète est la seule solution pour éviter 
            de répandre des pratiques qui vont à l'encontre des 
            droits de l'homme, et pour permettre la fixation de normes minimales, 
            afin que soit assuré un certain niveau de sécurité 
            juridique et de protection pour les demandeurs d'asile. Il faut s'en 
            tenir le plus strictement possible aux conventions de 1951 et de 1967. 
            Une harmonisation vers le bas ne se justifie pas, les intérêts 
            des demandeurs d'asile ne doivent pas être opposés à 
            des intérêts nationaux ou à des intérêts 
            collectifs. Les demandeurs d'asile doivent également avoir 
            accès à la justice et à la protection juridique. 
            Le Parlement est critique quant aux dispositions sur l'asile contenues 
            dans les conventions de Schengen et de Dublin, l'absence de progrès 
            sur le fond de la question du droit d'asile étant jugée 
            décevante. 
 
         
        Un rapport du 5 octobre 1992 sur l'entrée en vigueur de l'accord 
        de Schengen revient sur les imperfections de la Convention, qui, à 
        terme, doit être remplacée par une réglementation 
        communautaire. 
         
          Une source de discriminations
        Le Parlement craint que les modalités actuelles qui subordonnent 
        la libre circulation des personnes et la suppression des contrôles 
        aux frontières intérieures à la conclusion d'accords 
        intergouvernementaux, qui n'associent pas toujours les Douze, n'engendrent, 
        entre les différents pays de la Communauté, non seulement 
        des discriminations fondées sur la nationalité, mais 
        également des discriminations à l'égard des citoyens 
        de pays tiers. Il demande « instamment » une 
        harmonisation des politiques en matière de visa et de droit d'asile. 
        Il relève également la formulation en « termes 
        trop vagues » des dispositions relatives à la coopération 
        policière ; il craint que le fait d'en subordonner la mise 
        en uvre concrète à la conclusion d'accords bilatéraux, 
        ne contribue à l'insécurité juridique et à 
        la discrimination des personnes signalées, recherchées ou 
        arrêtées. Il demande que soit prévu un contrôle 
        judiciaire international, exercé par la Cour de justice des communautés 
        européennes (CJCE). 
        Les travaux entrepris au plan intergouvernemental ont abouti à 
          des résultats « qui peuvent éclipser les progrès 
          accomplis à l'échelle communautaire dans le domaine de 
          la liberté de circulation ». Le Parlement conclut à 
          l'absence de volonté politique suffisante des gouvernements pour 
          agir dans le cadre des traités et, par conséquent, à 
          l'absence de contrôle parlementaire sur des questions qui touchent 
          aux droits fondamentaux de la personne. 
         
         
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         Notes
         [1] M. Bangemann, 
          vice-président de la Commission indiquait, en février 
          1991, que la Commission s'emploierait, malgré les difficultés 
          rencontrées, à porter les règles de Schengen au 
          niveau communautaire si certains pays n'adhéraient par à 
          l'accord, et qu'elle comptait présenter une proposition sur les 
          règles de fond relatives à l'immigration et à l'octroi 
          du droit d'asile. 
          
           
           
           
            Dernière mise à jour : 
             6-02-2001  11:42.   
Cette page : https://www.gisti.org/
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