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LES TEXTES

Circulaire « Sarkozy »
du 19 décembre 2002

(version consolidée)

  • Circulaire du 19 décembre 2002 fixant les conditions d’application de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France

  • Circulaire du 10 janvier 2003, portant modification de la circulaire n° NOR/INT/D/02/00215/C du 19 décembre 2002 relative aux conditions d’application de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France

19 décembre 2002

Le Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure
et des Libertés Locales

à

Mesdames et Messieurs les Préfets (métropole et outre-mer)
Monsieur le Préfet de Police

NOR/INT/D/02/00215/C

Version modifiée par la circulaire
NOR/INT/D/03/00003/C du 10 janvier 2003

Objet : conditions d'application de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France

Depuis plusieurs mois, les préfectures sont confrontées au problème récurrent de l'arrivée ou du maintien irréguliers d'étrangers sur le territoire français et aux demandes corrélatives de régularisation fondées sur les dispositions de l'ordonnance 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée en dernier lieu par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998.

J'ai été saisi par diverses associations ou mouvements, comme les préfets l'ont été pour leur part au plan local, de demandes collectives ou individuelles de réexamen de dossiers d'étrangers en situation irrégulière. Au terme de premières rencontres et échanges entre l'administration et ces intervenants, il m'a été donné de constater, qu'au-delà du problème de fond de la politique d'immigration que le Gouvernement s'attache à clarifier par ailleurs, notamment avec la réforme du droit d'asile, se pose la double question d'une part, des conditions d'accueil, d'hébergement et d'accompagnement social des étrangers, d'autre part, des conditions d'application de la loi elle-même du 11 mai 1998.

Sur le premier point, je n'ignore pas la somme des efforts engagés par les préfectures en coordination avec les autres services de l'État (directions des affaires sociales, directions du travail, services publics de l'emploi, délégations aux droits des femmes et à l'égalité, en particulier) et ceux des collectivités locales, pour s'attacher à résoudre des situations individuelles souvent dramatiques.

Sur le second point, j'ai mesuré l'extrême implication de l'ensemble des personnels des préfectures concernés par le traitement des dossiers d'étrangers, leur parfait engagement dans la recherche des solutions respectueuses à la fois du droit et des intérêts propres des étrangers, et cela dans des conditions matérielles et psychologiques souvent très difficiles.

A tous ces personnels, je souhaite que vous disiez ma satisfaction et la confiance que je mets dans leur sens du service public, d'un service apporté à une population, pour le plus grand nombre fragilisée, soucieuse de trouver sur notre territoire écoute et considération.

Il n'en reste pas moins que la grande complexité du dispositif législatif actuel a, malgré la vigilance de chacun, généré un traitement parfois inégal des dossiers soumis aux préfectures. Les constats opérés par l'inspection générale de l'administration à qui j'ai demandé d'apporter sa contribution à la réflexion sur l'amélioration du traitement de ces dossiers, confirment la nécessité d'homogénéiser les pratiques administratives. Aussi convient-il, sans préjuger de ce qu'une future loi pourrait apporter comme modifications à l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour tenir compte, notamment, de la prochaine réforme sur le droit d'asile, les conditions de rétention et d'éloignement et sans attendre une refonte complète de la circulaire du 12 mai 1998 prise en application de la loi du 11 mai 1998 et des circulaires subséquentes, de mettre en oeuvre un premier ensemble de mesures d'ordre.

Je vous demande de bien vouloir en faire une stricte application afin que soit préservée dans l'ensemble des préfectures l'indispensable homogénéité d'analyse et de traitement des demandes de régularisation qui vous sont soumises par des étrangers en situation irrégulière.

I - Conditions de la délivrance
des titres de séjour

1.1. Réception des demandes

L'accueil en préfecture est bien souvent la première image que les étrangers qui souhaitent séjourner en France, gardent de notre pays.

Sans méconnaître les contraintes immobilières qui sont un handicap lourd dans bien des cas, tout doit être mis en oeuvre pour faciliter l'accès aux guichets et réduire les inconvénients des files d'attente, inconfortables, qui ne font pas la distinction entre les différents statuts de demandeurs.

En fonction des locaux, il est utile de créer des accueils distincts pour :

  • les primo-demandeurs ;
  • les demandeurs d'un renouvellement de titre de séjour ;
  • les étudiants ;
  • les demandeurs d'asile.

Les préfectures qui, a raison du nombre important d'étrangers qu'elles accueillent, sont tenues de fixer un rendez-vous pour le dépôt d'un dossier, s'attacheront à créer un accueil spécifique pour les prises de rendez-vous et remises des formulaires à renseigner afin que le premier entretien soit constructif et ne nécessite pas une deuxième rencontre.

Vous pourrez utilement vous reporter aux circulaires transmises sous le timbre de la DLPAJ et relatives à la procédure postale (8 janvier) et à la nomenclature des pièces justificatives (6 décembre 2000).

1.2. Ouverture ou réexamen des dossiers
de demande de titres de séjour

1.2.1. Dossiers nouveaux

Par respect des étrangers eux-mêmes autant que par nécessité de maîtriser l'information sur le nombre et la qualité des demandeurs de titre de séjour et de faire barrage aux demandes multiples présentées par un même étranger auprès de plusieurs préfectures, il convient d'identifier tous les primo-demandeurs, même succinctement, et de prendre acte de leur demande de dépôt de dossier.

Je vous rappelle qu'il importe en toute hypothèse d'enregistrer le plus tôt possible, dans l'application ADGREF, les données relatives à chaque demandeur.

1.2.2. Réexamen

Certains étrangers en situation irrégulière se présentent aux guichets des préfectures alors que, d'un premier examen, il ressort qu'ils ne remplissent pas les conditions légales pour bénéficier d'un titre de séjour.

De la même façon, certains déboutés du droit d'asile ou certains étrangers invités à quitter le territoire français ou sous arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, tentent une nouvelle démarche d'obtention d'un titre de séjour.

La position consistant à opposer une fin de non recevoir, sans examen du dossier et, le cas échéant, sans tenir compte d'éléments nouveaux, est à proscrire.

D'autres demandes peuvent vous être présentées de façon groupées par des associations ou collectifs. Dans le cadre du dialogue qu'il vous revient d'entretenir avec ceux-ci, vous aurez soin d'indiquer que les dossiers présentés ainsi ne bénéficient d'aucune priorité au regard des demandes déposées individuellement et qu'il revient en toute hypothèse aux intéressés d'effectuer personnellement les démarches utiles auprès de vos services.

Dans tous les cas, dès lors que vous avez accepté le principe du réexamen d'un dossier, il conviendra de ne pas mettre en oeuvre les éventuelles mesures d'éloignement pendantes jusqu'à la prise d'une décision confirmant le bien fondé de celles-ci. Cependant, cette instruction n'a pas lieu de s'appliquer lorsque l'insuffisance des informations qui vous sont communiquées (par exemple de simples noms sur une liste) empêche de procéder efficacement au réexamen, ou dans les cas où la demande est réitérée ou apparaît manifestement infondée.

Vous veillerez enfin à ce que l'attestation de dépôt de demande qui sera remise ne vaille en aucun cas engagement de délivrer un titre de séjour ou garantie de ne pas mettre en oeuvre une éventuelle mesure d'éloignement.

1.3. Les différents types de titres de séjour

1.3.1. Les titres de séjour à caractère provisoire

Le récépissé de demande de titre de séjour a vocation à :

  • attester qu'une demande de délivrance d'un premier titre de séjour ou de renouvellement de ce titre est en cours d'instruction après dépôt d'un dossier considéré comme complet ;

  • permettre à un étranger sous APRF mais bénéficiant d'une procédure de régularisation après réexamen de sa situation, de se maintenir régulièrement sur le territoire. Le récépissé vaut alors abrogation de l'arrêté de reconduite à la frontière.

Dans ces deux cas, le récépissé est valable pour une période qui ne peut être inférieure à un mois ; il peut être renouvelé (D n° 94-768 du 2 septembre 1994, art. 3) pour permettre de parfaire l'instruction du dossier. Il peut être retiré si le titre de séjour est finalement refusé.

Lorsque la situation qui vous est exposée vous apparaît digne d'intérêt, vous pourrez, en vertu de votre pouvoir d'appréciation, délivrer une autorisation provisoire de séjour, notamment à l'étranger malade dont l'état de santé ne justifie pas la délivrance d'une carte de séjour mais nécessite la poursuite momentanée d'un traitement ou encore à l'étranger dont l'arrêté de reconduite à la frontière a été annulé définitivement.

Cette autorisation provisoire de séjour, valable jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les cas en cause, peut être assortie, pour les seuls étrangers malades, d'une autorisation provisoire de travail si leur état de santé le leur permet.

1.3.2. De la durée des titres de séjour

L'ordonnance du 2 novembre 1945 distingue :

  • la carte de séjour temporaire, valable un an et renouvelable ;

  • la carte de résident de 10 ans, renouvelable de plein droit sauf s'il est constaté que son bénéficiaire vit en état de polygamie.

Les étrangers ayant fait l'objet d'une admission au séjour au titre de la circulaire du 24 juin 1997 ou des dispositions de la loi du 11 mai 1998 ont vocation à demander la transformation de la carte de séjour temporaire en une carte de résident.

Une attention particulière devra être portée aux conditions exigées pour opérer ce changement de statut :

  • soit, aux termes de l'article 14, à l'issue de 3 ans de séjour régulier et en tenant compte de moyens d'existence de l'intéressé ainsi que des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France. L'application de cette disposition ne suppose cependant pas pour les étrangers actifs de devoir justifier de trois années d'activité professionnelle et ce n'est que dans le cas où la demande de carte de résident est concomitante d'une demande de changement de statut, de visiteur en salarié par exemple, que la saisie de la DDTEFP est obligatoire. Les commerçants artisans et professions libérales qui justifient de ressources suffisantes en dépit de mauvais résultats d'exploitation sont éligibles à la carte de résident au sens de l'article 14 (CE 18 février 1998 KACEM). En revanche l'étranger qui n'exerce aucune activité et qui ne justifie pas de revenu ou de ressources ne peut se prévaloir de cette disposition (CE 19 novembre 1993 N'DIAYE) de même que le travailleur saisonnier qui ne séjourne pas de manière ininterrompue (CE 7 mai 1997 JADI).

  • soit, aux termes de l'article 15, dès lors que l'étranger se trouve dans l'une des situations énumérées du 1° au 12° de cet article (bénéficiaires de plein droit) ou dès lors qu'il a séjourné en France depuis 5 ans de façon ininterrompue et régulière sous couvert de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

La circulaire du 12 mai 1998 précise clairement (E – La carte de résident – 2 – La création de nouveaux cas de délivrance de plein droit de la carte de résident) qu'un étranger admis au séjour au titre de la vie privée et familiale ou de l'asile territorial peut obtenir une carte de résident au bout de 3 ans sous réserve de présenter certaines garanties en matière de moyens d'existence et d'intention de s'établir durablement en France.

1.4. Les renouvellements de titre de séjour

Le refus de délivrer ou de renouveler un titre de séjour en raison de la présentation tardive de la demande est source d'un contentieux abondant. En effet l'étranger qui ne respecte pas les délais posés par l'article 3 du décret du 30 juin 1946 se trouve en situation irrégulière et peut se voir refuser un titre pour ce motif. Une jurisprudence établie sanctionne les décisions des préfectures lorsque celles-ci  :

  • refusent d'examiner une demande de délivrance ou de renouvellement du titre de séjour d'un étranger qui appartient aux catégories pouvant obtenir un titre de séjour de plein droit au seul motif que les délais de recevabilité n'ont pas été respectés ;

  • refusent d'examiner une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour alors que l'étranger remplit toutes les autres conditions exigées pour obtenir le titre sollicité. Le seul motif de la tardiveté de la demande n'est alors pas suffisant pour justifier un refus (CE, 29 juillet 1994 GBOKEDE) ;

  • refusent de renouveler un titre de séjour alors que le demandeur justifie avoir commencé ses démarches avant le délai d'expiration de son titre de séjour mais que le retard dans la procédure de renouvellement est imputable à l'administration (CE 6 mars 2000 GADHAFI)

Pour éviter toute difficulté de cette nature, il convient, comme le pratiquent d'ailleurs déjà certaines préfectures, de prendre toute mesure utile pour :

  • accueillir les demandeurs de renouvellement de titre de séjour et leur donner, le cas échéant, un rendez-vous dans des délais respectueux des règles fixées pour un tel renouvellement ;

  • fournir à l'étranger à l'occasion de la remise de son premier titre de séjour toutes informations sur les conditions de renouvellement de celui-ci.

Il est cependant important de rappeler que lorsque un étranger introduit tardivement une demande de renouvellement, le préfet n'a pas l'obligation de surseoir à l'édiction d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière édicté sur la base de l'article 22-1-2° jusqu'à ce qu'il ait statué sur cette demande. (CE Mezhari 26 juin 2000 et 24 mars 1997 Jendoubi)

1.5. La consultation de la commission
du titre de séjour

En restaurant la commission du titre de séjour, le législateur a voulu renforcer les protections juridiques offertes aux étrangers résidant en France ou ayant vocation à y vivre de manière durable.

Cette commission peut être le lieu privilégié pour un étranger entrant dans le champ de compétence de la dite commission, de présenter les arguments utiles à sa défense qu'il n'aurait pas eu la possibilité de développer devant l'administration.

Elle est pour l'administration dont le rôle de rapporteur ne doit en aucun cas être minimisé, le moyen de faire valoir ses propres analyses et de prendre sa décision, en toute indépendance, éclairée par l'avis de la commission.

Sans méconnaître la charge que représente pour la préfecture la préparation du rapport et l'élaboration du procès-verbal de séance, il faut néanmoins veiller à la saisine de cette commission dans chacun des cas visés par la loi et explicités par la circulaire du 12 mai 1998 (C – La commission du titre de séjour – 2 – Champ de compétence).

Il en va ainsi, outre les situations non ambiguës de menace pour l'ordre public, de certaines situations relatives à des irrégularités des conditions d'entrée et/ou de séjour des étrangers concernés. D'une manière générale si la jurisprudence admet qu'il n'y a pas d'obligation de saisir la commission lorsque les conditions de fond pour l'obtention du titre sollicité ne sont pas remplies (CE 19/05/2000 Azzouni), il peut être utile de solliciter son avis dans des hypothèses telles que :

  • la présentation de documents frauduleux n'ayant pas eu pour effet de rendre irrecevable le dossier de demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, mais mettant en cause la bonne foi de l'étranger ;

  • la rupture de vie commune quand l'épouse d'un étranger détenteur d'un titre de séjour est répudiée par cet étranger ou que, victime de violences de sa part, elle choisit de s'en séparer.

Je vous remercie de bien vouloir me rendre compte des difficultés auxquelles vous vous heurteriez pour réunir la commission dans les conditions évoquées ci-dessus.

II - Des différentes catégories de bénéficiaires de la carte
de séjour temporaire

L'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit l'attribution de la carte de séjour temporaire à deux catégories d'étrangers, ceux qui ne peuvent pas en bénéficier de plein droit (visiteur, étudiant, scientifique, profession artistique et culturelle) et ceux qui au titre de la « vie privée et familiale » en bénéficient de plein droit.

2.1. Les bénéficiaires de la carte de séjour étudiant

Les étudiants (art. 12) doivent répondre à la double condition de suivre en France un enseignement et de justifier de moyens d'existence suffisants. Les conditions d'admission au séjour des étudiants ont été précisées dans la circulaire interministérielle du 26 mars 2002 qui abroge les instructions antérieures.

Les étudiants étrangers ne peuvent bénéficier de plein droit d'une carte de résident à l'issue de 10 années de séjour régulier qu'à la condition qu'ils n'aient pas séjourné pendant toute cette période sous cette seule qualité. Or le changement de statut d'un étudiant étranger peut résulter soit d'une demande tendant à l'exercice d'une activité professionnelle, soit du fait que l'étranger satisfait aux conditions pour obtenir de plein droit une carte vie privée et familiale.

  • Les conditions dans lesquelles doivent être instruites les demandes d'exercice d'une activité professionnelle par les étudiants étrangers ont été récemment précisées dans les circulaires interministérielles des 15 et 16 janvier 2002 publiées au bulletin officiel du ministère des affaires sociales ;

  • Par ailleurs le changement de statut peut être la conséquence d'un changement dans la vie privée et familiale de l'étudiant du fait par exemple de son mariage, ou de la contraction d'un pacte civil de solidarité. Dans l'arrêt GISTI du 29 juillet 2002, le Conseil État a censuré l'exclusion de principe des étudiants du champ d'application du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée.

Chaque situation devra faire l'objet, à la demande de l'étudiant concerné, d'un examen individualisé permettant, dans le strict respect des dispositions de la loi, de faire bénéficier l'intéressé d'un nouveau statut.

2.2. Les bénéficiaires de plein droit de la carte
de séjour temporaire « vie privée et familiale »

Les étrangers mentionnés aux articles 12 bis et 12 ter peuvent bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire sans avoir à démontrer qu'ils sont entrés régulièrement en France, à l'exception de ceux fixés au 1°, 4° et 5° du même article 12 bis.

Ce titre de séjour leur ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

Les dispositions des 3°, 7° et 11° de l'article 12 bis ont donné lieu à de nombreuses interrogations et interprétations divergentes qui ont ouvert la voie, pour certains étrangers demandeurs d'une admission au séjour, à des détournements de la loi consistant à évoquer successivement différents motifs.

Les précisions suivantes peuvent être apportées.

2.2.1. Les preuves apportées pour justifier la présence en France

Le principe de résidence habituelle en France depuis une période de 10 ans ou plus (15 ans ou plus pour les étudiants) n'est pas modifié.

Les preuves apportées par le demandeur d'un titre de séjour doivent emporter l'intime conviction du décideur de leur réalité et/ou de leur fiabilité. Elles s'entendent comme un faisceau d'indices permettant de conclure à la présence en France de l'étranger sur la durée considérée.

Le nombre, la nature des preuves sont déterminants :

  • la première preuve -celle de l'arrivée sur le territoire français- doit être apportée par un document irréfutable : visa, récépissé de demande de titre de séjour, récépissé de demande d'asile...

  • vous considérerez qu'une seule preuve par an est suffisante, sous réserve qu'il s'agisse d'une preuve certaine, pour justifier de la présence dans les années antérieures à 1998 ;

  • en revanche, pour les années postérieures, il conviendra de maintenir l'exigence de deux preuves, dont une au moins vous semblera présenter un caractère certain ;

  • au cours du séjour continu de 10 ans (ou 15 ans), de courtes interruptions (trois ou quatre mois), peu nombreuses peuvent expliquer l'impossibilité pour l'étranger de justifier de sa présence ; elles peuvent être acceptées sans remettre en cause la date initiale d'entrée sur le territoire ;

  • parmi les preuves citées dans la circulaire du 12 mai 1998 :
    • témoignages,
    • attestations écrites,
    • documents administratifs ou privés,

Toutes présentent un intérêt et n'ont pas à être écartées ; mais leur force n'est pas de même valeur et certaines préfectures ont été amenées à écarter des justificatifs (témoignages de voisinage, enveloppes timbrées) que d'autres préfectures acceptent.

Les preuves doivent être classées en fonction de leur degré de crédibilité :

  1. documents émanant d'une administration publique (préfecture, service social, établissement scolaire), correspondant à des preuves certaines ;

  2. documents remis par une institution privée (certificat médical, relevé bancaire présentant des mouvements) ayant une valeur probatoire réelle ;

  3. documents personnels (enveloppe avec adresse libellée au nom du demandeur du titre de séjour, attestation d'un proche) ayant une valeur probatoire limitée :

    • la preuve unique nécessaire pour justifier d'une année de présence doit correspondre à une preuve certaine. Les preuves complémentaires qui pourront être apportées -à valeur probatoire réelle ou limitée- viendront conforter l'intime conviction de l'administration ;

    • sur la période de 1992 à 1997, à titre dérogatoire, compte tenu des difficultés rencontrées par les étrangers pour réunir les preuves nécessaires, il est possible d'accepter une ou deux années sans preuve certaine mais avec des justificatifs à valeur probante moindre.

Les justificatifs présentés ont parfois un caractère frauduleux ; vous aurez soin, en tant que de besoin, de saisir le Parquet.

Il convient néanmoins de distinguer :

  • les documents permettant de rendre recevable la demande de titre de séjour (usurpation d'identité, mariage blanc...) ; dans ce cas, le dossier ne doit pas être accepté et la demande fait l'objet d'un refus motivé.

  • les documents venant en justificatifs complémentaires, à valeur probante non essentielle, sans incidence sur la décision de recevabilité ou non de la demande ; dans ce cas, le dossier est instruit, abstraction faite de la preuve frauduleuse.

Il est à noter que la juridiction administrative refuse de comptabiliser au titre du séjour habituel les années passées sous couvert d'une identité usurpée CE 4 février 2002 Tantiviphavin. En revanche cette même circonstance est inopérante pour qu'un étranger ne puisse plus se prévaloir de la protection due au titre du 3° de l'article 25 de l'ordonnance précitée en raison de sa présence en France depuis plus de 15 ans (CE 29 avril 2002 Phoutharath).

2.2.2. Le droit au respect de la vie privée et familiale.

La circulaire du 12 mai 1998 développe largement les conditions nécessaires à l'obtention d'une carte de séjour temporaire par les étrangers qui se prévalent directement de la protection de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle détaille notamment les 4 vérifications à faire :

  • vérification de l'existence d'une vie familiale de l'étranger en France ;

  • vérification de l'ancienneté de cette vie familiale ;

  • vérification de l'intensité des liens qui unissent le demandeur à sa famille établie en France ;

  • vérification de la stabilité de cette vie familiale.

La mise en oeuvre pratique de ces vérifications a montré la large part laissée à l'appréciation personnelle du décideur lorsqu'il s'agit d'évaluer la longueur du séjour en France, de vérifier l'existence d'une vie de couple, de mesurer l'impact d'enfants scolarisés ou non, d'analyser les difficultés pour poursuivre la vie familiale dans un pays tiers ou encore l'absence de lien familial dans le pays d'origine.

Les précisions suivantes peuvent être apportées aux prescriptions de la circulaire du 12 mai 1998 :

  • les attaches familiales dont peut se prévaloir le demandeur demeurent essentiellement les liens conjugaux et ou filiaux. Dans le cadre la relation de couple est à envisager tant au point de vue du mariage , du concubinage que du pacte civil de solidarité (cf. L. n°99.944 du 15 novembre 1999, art. 12 renvoyant au 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance de 45). Il est à noter que dans des cas exceptionnels la jurisprudence n'exclue pas les liens collatéraux de la protection due à la vie privée et familiale (à titre d'illustration CE 28 décembre 2001 SEMEDO, 28 décembre 2001 préfet de police c/ RAMBININTSOA et CE 18 janvier 2002 SBAA). De même de jeunes majeurs, isolés dans leur pays d'origine et ne pouvant plus bénéficier de la procédure de regroupement familial peuvent y prétendre lorsque l'ensemble de leur liens familiaux sont sur le sol national (CE 28 décembre 2001 ZAMOR, préfet de Haute Garonne c/ M'HAMID et préfet du Val de Marne c/ SOUKOUNA).

  • l'un au moins des deux membres du couple doit être en situation régulière ;

Une attention particulière sera portée aux situations des étrangers demandant à bénéficier des dispositions de cet article 12 bis 7° pour échapper aux règles du regroupement familial plus contraignant (cf. 2.2.4).

2.2.3. La situation des étrangers malades.

Plusieurs préfectures ont constaté des dérives graves pour l'obtention d'une carte de séjour temporaire au titre de l'article 12 bis 11° qui s'applique à l'étranger résidant habituellement en France et pour qui le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elles ont notamment relevé que des étrangers de plus en plus nombreux présentaient des demandes de titre de séjour au regard de ce dispositif après avoir épuisé toutes les autres voies de régularisation de l'article 12 bis.

Dans le même temps les certificats élaborés par les médecins traitants, les contrôles opérés par les médecins inspecteurs de la direction départementale des affaires sociales ou le médecin chef de la police à la préfecture de police de Paris sont devenus de plus en plus aléatoires face à la multiplication des cas signalés.

Il est nécessaire de préserver le caractère exceptionnel du droit au séjour prévu par les dispositions du 11° de l'article 12 bis. A cet effet, des instructions sont en préparation conjointement avec les ministères des affaires sociales et de la santé pour préciser la notion de « conséquences d'une exceptionnelle gravité » qui seule doit conduire à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, sous réserve que l'intéressé ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans le pays d'origine. Cette clarification s'accompagnera de la mise à disposition des médecins inspecteurs de santé publique et du médecin chef de la préfecture de police de Paris, d'informations sur les structures sanitaires et l'offre de soins dans les pays d'origine, permettant à ces derniers de donner un avis utile aux préfets, sur l'éligibilité des demandeurs aux dispositions de l'article 12 bis.

Sans attendre que soient arrêtées conjointement avec le ministre en charge de la Santé, des mesures de nature, d'une part à proposer un inventaire des maladies les plus significatives, d'autre part à recenser les pays dépourvus ou insuffisamment pourvus de structures sanitaires, vous vous attacherez, dans toute la mesure du possible, à faire mettre en oeuvre les moyens utiles de contrôle : saisine du Conseil de l'Ordre des médecins en cas de fraude supposée ; demande de contre-expertise auprès d'un médecin expert près les tribunaux ou d'un médecin de l'OMI.

Sans attendre ces instructions spécifiques qui seront prochainement diffusées, vous vous attacherez à distinguer soigneusement les cas où l'étranger doit être admis au séjour au titre de l'article 12 bis avec délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an, des cas où l'existence d'un besoin très temporaire de soins peut conduire à la délivrance discrétionnaire d'une autorisation provisoire de séjour comme il a été indiqué ci-dessus au 1-3-1.

Vous ne manquerez pas, en cas de fraude avérée, de saisir le Parquet.

Par ailleurs, vous avez pu noter – dans des cas certes limités – que certains médecins habilités à délivrer des certificats médicaux dans le cadre des procédures de délivrance de titres de séjour abusaient de cette faculté. En présence de tels abus, vous mettrez en oeuvre les moyens de contrôle à votre disposition en particulier la saisine du Conseil de l'Ordre des médecins, sans hésiter, en cas de fraude avérée, à en saisir le parquet.

2.2.4. Le détournement de procédures en matière de regroupement familial.

La procédure spécifique du regroupement familial a pour objectif de garantir une bonne intégration de la famille qui rejoint en France le conjoint en situation régulière disposant de revenus suffisants et d'un logement convenable.

Or, les préfectures sont très souvent confrontées à des demandes de regroupement familial sur place, la famille s'étant réunie sans attendre d'obtenir l'autorisation nécessaire (visa de long séjour).

Il est à noter que les étrangers se prévalant de leur vie familiale en France doivent toujours voir leur situation examinée au regard de la procédure du regroupement familial. En effet les dispositions contenues à l'article 12 bis 7 prévoient que ne sont pas éligibles à cet article les étrangers qui appartiennent à des catégories ouvrant droit au regroupement familial. Cette condition doit être interprétée comme exclusive du bénéfice de l'article 12 bis 7 lorsque les étrangers peuvent solliciter la procédure du regroupement familial mais également lorsqu'ils ne remplissent pas une des conditions de fond de cette procédure. A titre d'exemple un étranger qui ne remplirait pas la condition de ressources suffisantes requise à l'article 29 de l'ordonnance ne peut prétendre au bénéfice de l'article 12 bis 7 (CE 21 novembre 2001, préfet du Val d'Oise c/ HOQUE).

Pour autant les couples mariés ne s'étant pas soumis à la procédure de regroupement familial peuvent invoquer à leur bénéfice la protection de l'article 8 de la CEDH lorsque leur vie familiale a une antériorité sur le territoire qui est au moins égale à 5 années et que l'un des conjoints est en situation régulière (CE 28 décembre 2001 BACHA et 28 décembre 2001 FADIGA).

2.2.5. Le pouvoir discrétionnaire du préfet

Depuis l'avis rendu le 22 août 1996 par le Conseil État, nombreuses sont les associations humanitaires et les collectifs de sans-papiers à demander des régularisations à des fin humanitaires sur la base du pouvoir de libre appréciation du préfet. Les demandes se font d'autant plus fortes et véhémentes que toutes les possibilités offertes par l'article 12 bis ont été épuisées.

Or cette possibilité donnée au préfet doit avoir un caractère exceptionnel, donc rare et lié à des situations individuelles qui ne seraient pas prises en compte ou insuffisamment prises en compte par la loi.

Différentes situations méritent, au regard de ce pouvoir d'appréciation, un examen spécifique :

  • situation d'étrangers accompagnant des personnes malades ;

  • étrangers lourdement handicapés ;

  • femmes victimes de violences, mariages forcés, répudiations...

Je vous laisse le soin d'apprécier, en dehors même de ces hypothèses et en vertu de votre pouvoir d'appréciation, les situations dignes d'intérêt.

III – Mesures d'ordre pour améliorer
le traitement des dossiers
de titres de séjour

Le flux constant dans certains cas, mais dans d'autres cas en forte augmentation, du nombre des demandeurs de titres de séjour, combiné à la réelle complexité du traitement des dossiers, nécessite une adaptation des méthodes de travail des préfectures.

3.1. La fonction d'accueil

La fonction d'accueil est essentielle au sein du service des étrangers ; elle fait d'ailleurs partie de la réflexion qui vous a été demandée sur l'accueil en préfecture.

Vous n'aurez pas manqué à cette occasion de vous interroger sur l'adaptation des locaux pour mieux répondre à la spécificité de l'accueil de personnes étrangères, ne pratiquant parfois que mal ou pas du tout la langue française, déstabilisées à l'occasion de leur arrivée souvent dramatique dans un pays méconnu.

L'affectation aux guichets d'accueil de personnels en mesure de renseigner utilement les étrangers et d'examiner efficacement les pièces constitutives d'un dossier est le gage d'une première prise de contact réussie et de gain de temps.

La polyvalence des personnels est également un atout permettant de rompre avec l'effet de lassitude et aiguisant l'esprit de vigilance dans des fonctions différentes. Elle les prépare efficacement à la conduite des entretiens nécessaires avec les étrangers pour appréhender leurs situations dans leurs différents aspects.

Vous pourrez vous reporter aux indications contenues dans la charte de l'accueil dans les préfectures et dans le guide du maître d'ouvrage pour la rénovation des halls d'accueil (DPAFI).

Des outils performants d'information et de formation sur le droit des étrangers ont été mis à la disposition des préfectures et seront développés.

3.2. Le renforcement de l'interministérialité
et du travail partenarial

Le traitement des dossiers d'étrangers ne concerne pas le seul service des étrangers et la seule préfecture.

L'expérience montre, au quotidien, les inter-actions avec les autres services de État les plus concernés, DDASS, délégation aux droits des femmes et à l'égalité, direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, inspection académique...

Les collectivités locales, avec leurs services sociaux, ne sont pas écartées de la problématique des étrangers.

Vous veillerez à mettre en place, à raison des problèmes locaux, des cellules de travail interministérielles, élargies chaque fois que de besoin aux collectivités locales, qui pourront examiner ensemble les problèmes communs aux étrangers : scolarisation des enfants d'étrangers, autorisations de travail, conditions d'hébergement en centres d'accueil des demandeurs d'asile, situations particulières des femmes immigrées victimes de violences...

3.3. Les relations avec les associations humanitaires et les collectifs des sans-papier

Dans chaque département existent des associations humanitaires et/ou des collectifs de sans papiers qui prennent en charge les étrangers demandeurs de titres de séjour.

Il est de bonne gestion de créer avec ces organismes des liens réguliers et confiants qui permettent tant à l'administration qu'à ces interlocuteurs de mieux appréhender la situation des étrangers.

De tels échanges organisés avec les services de la préfecture doivent permettre de traiter des problèmes concrets.

Des rencontres régulières, également, mais plus espacées, avec le corps préfectoral, doivent permettre de fixer clairement les positions de principe pour l'application de la loi. Dans le cadre de cette relation, il n'y a place ni pour la co-gestion des dossiers, ni pour la co-décision, mais pour un dialogue constructif et efficace basé sur une bonne information de tous.


Tout en mesurant la charge supplémentaire que peuvent générer certaines instructions, je vous demande de veiller à la mise en oeuvre de cette circulaire et de me signaler toute difficulté que vous pourriez rencontrer.

Notre ambition commune, en portant notre réflexion sur les conditions du séjour des étrangers en France, est de permettre à notre pays de s'enrichir de présences nouvelles accueillies dans la dignité et le respect dès lors de la République.

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Dernière mise à jour : 16-01-2003 12:55 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/textes/2002/intd0200215c.html


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