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GED – « Une forme méconnue de discrimination :
les emplois fermés aux étrangers
 »

Introduction

Lors de sa communication en conseil des ministres le 21 octobre 1998 relative à la politique d'intégration, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, annonçait qu'il « sera procédé à une analyse exhaustive des différentes professions dont l'exercice est interdit, en droit, aux étrangers. Cela ne concerne pas la fonction publique, qui relève d'une autre logique, comme l'a relevé le haut conseil à l'intégration, mais en revanche se pose le statut de plusieurs professions privées ou de certaines entreprises publiques. À l'issue de cette analyse, le gouvernement envisagera la suppression des discriminations qui n'ont plus aucune signification ». Afin de débuter cette analyse, la direction de la population et des migrations (ministère de l'emploi et de la solidarité) a commandé un rapport au cabinet Bernard Brunhes Consultants, remis en novembre 1999, et intitulé« Les emplois du secteur privé fermés aux étrangers ». Ce rapport a recensé l'ensemble des professions dont l'accès est limité pour les étrangers par une condition de nationalité et/ou de diplôme ainsi que les motifs de ces restrictions. Au total, le rapport relève une cinquantaine de professions qui font l'objet de restrictions explicites liées à la nationalité plus une trentaine qui requièrent la condition de possession d'un diplôme français. Les premières concernent plus de 615 000 emplois et les secondes, au moins 625 000.

Mais les emplois fermés aux étrangers se dénombrent avant tout dans le secteur public. Les emplois de titulaires dans les trois fonctions publiques (d'État, hospitalière et territoriale) sont interdits aux étrangers non communautaires, soit près de 5,2 millions. De plus, les entreprises sous statut gérant des services publics (La Poste, EDF-GDF, Air France) et les établissements publics industriels et commerciaux, qui comptent plus d'un million ne peuvent recruter des agents statutaires que de nationalité française ou des ressortissants d'un État membre de la communauté européenne. Cela ne leur interdit pas d'embaucher des étrangers pour effectuer des tâches identiques à celles d'agents statutaires, mais en tant que contractuels ou auxiliaires.

Au total, près de 7 millions d'emplois sont interdits partiellement ou totalement aux étrangers, soit environ 30 % de l'ensemble des emplois.

Pourtant, la non-discrimination entre travailleurs en raison de la nationalité, de la race, du sexe ou de l'appartenance syndicale est un principe à valeur constitutionnelle. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme de 1950 oblige chaque État membre à reconnaître les droits et libertés qu'elle consacre à tout individu, étranger ou national, européen ou non. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en 1966 sous l'égide de l'ONU et en vigueur en France depuis 1981, prévoit des dispositions analogues. Le préambule de la Constitution de 1946 affirme clairement le principe de non-discrimination en raison de l'origine : « chacun a le droit d'obtenir un emploi » et « nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines ». Dès lors, il est légitime de s'interroger sur les fondements de ces restrictions législatives et réglementaires.

Adoptées au coup par coup, souvent dans des périodes de crise économique et sous les pressions des milieux professionnels concernés, ces interdictions ont généralement traduit une volonté de protéger l'activité économique des nationaux contre la concurrence étrangère. Elles se sont empilées au fil des ans sans qu'une remise à plat permette de dégager le principe qui les justifie. Or précisément, si certaines de ces restrictions semblent d'emblée désuètes, la remise en question des dispositions en vigueur invite à s'interroger sur les principes qui doivent prévaloir à la mise en place d'une législation cohérente en la matière.

Par définition, la situation des étrangers [1] est différente de celle des nationaux. Si l'application d'un régime spécifique aux étrangers est légitime, on ne peut justifier au regard du principe d'égalité auquel la France est attachée l'ensemble des discriminations qui subsistent aujourd'hui encore.

L'objectif est de déterminer les principes selon lesquels peut être légitimée l'existence d'emplois fermés. Dès lors que des étrangers ont été autorisés à résider en France et à y travailler [2], selon quels principes peut-on, au regard de notre Constitution et des conventions internationales, légitimer l'existence d'emplois fermés ? L'enjeu réside dans la délimitation d'un périmètre parmi les professions permettant d'assurer l'égalité de traitement entre Français et étrangers, tout en réservant aux nationaux l'exercice des missions de souveraineté et de puissance publique.


Notes

[1] La définition juridique d'étranger est issue de l'article 1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Un étranger est tout individu qui n'a pas la nationalité française, soit qu'il ait une nationalité étrangère, soit qu'il soit apatride.

[2] L'article L.341-4 du Code du travail prévoit que les étrangers ne peuvent exercer de profession salariée sans être en possession d'une autorisation de travail. Cette dernière est délivrée et renouvelée discrétionnairement par l'administration en fonction de la situation de l'emploi. Cette notion de situation de l'emploi, qui est opposable à un étranger qui demande une autorisation de travail, est définie à l'article R.341-4 du Code du travail qui dispose que le préfet prend notamment en considération, comme élément d'appréciation, « la situation de l'emploi présente et à venir dans la profession demandée par le travailleur étranger et dans la zone géographique ». L'article précise en outre que « la situation de l'emploi n'est pas opposable à certaines catégories de travailleurs, en fonction soit des liens entretenus avec la France par leur pays d'origine, soit des services qu'ils ont eux-mêmes rendu à la France, soit de l'ancienneté de leur séjour en France ».

Cette note se situe dans le cadre plus général du système actuellement en vigueur en matière d'accès à l'emploi pour les étrangers.

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Dernière mise à jour : 25-07-2001 10:45.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/presse/2000/ged/intro.html


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