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Circulaire du 11 octobre 1999

Argumentaire contre la circulaire
du 11 octobre 1999

CONSEIL D'ÉTAT
SECTION DU CONTENTIEUX
REQUÊTE ET MÉMOIRE

POUR : LE GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN
DES TRAVAILLEURS IMMIGRÉS (GISTI)

Association régie par la loi du 1er juillet 1901
Dont le siège est 3, Villa Marcès, 75011 PARIS
Représentée par sa Présidente en exercice domiciliée
à cette fin audit siège

CONTRE : la circulaire non publiée du 11 octobre 1999 du Ministre de l'Intérieur portant sur l'éloignement des étrangers en situation irrégulière (NOR n° 099002075)

L'association exposante défère à la censure du Conseil d'État la circulaire susvisée en tous les chefs qui lui font grief.

À l'appui de sa requête, il entend faire valoir les faits et moyens suivants.


FAITS

I.- Le 11 octobre 1999, le Ministre de l'Intérieur a adressé aux Préfets et au Préfet de Police une circulaire relative à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

Le Ministre de l'Intérieur y mentionne que « l'activité en matière d'éloignement des étrangers se situe depuis plusieurs mois à un niveau anormalement bas [et que] la baisse porte aussi bien sur des décisions prises que sur leur exécution. Le taux d'exécution, quant à lui ne reste stable que si l'on ne tient pas compte des arrêtés de reconduite à la frontière par voie postale ».

Le Ministre de l'Intérieur explique un tel mouvement par l'incidence de la mise en œuvre, par les soins des services préfectoraux, de sa circulaire du 24 juin 1997 relative au réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en séjour irrégulier. Et d'ajouter : « Dans certains cas, le réexamen a très naturellement conduit à suspendre la prise ou l'exécution des mesures contre des étrangers dont vous étiez par ailleurs appelés à réexaminer la situation. En outre, vous avez été amenés à affecter prioritairement les effectifs des bureaux des étrangers au séjour, au détriment de l'éloignement. Enfin, le début de l'application des dispositions nouvelles de l'ordonnance du 2 novembre 1945 issues de la loi du 11 mai 1998 a pu prolonger l'incidence des deux phénomènes qui viennent d'être évoqués ».

Le Ministre fait ensuite observer que « les étrangers en situation irrégulière ont des possibilités réelles, aujourd'hui, de pouvoir se maintenir sur le territoire ». À cet égard, il affirme qu'« il y a donc un risque d'affaiblir la portée de la règle de la République [...] en même temps qu'une menace, par cette action d'insuffisante portée, de renforcer l'immigration irrégulière, vite informée des réalités pratiques du comportement des autorités de ce pays ».

C'est après avoir dressé de tels constats, que le Ministre de l'Intérieur a invité, dans le point 1 de sa circulaire, les Préfets ainsi que le Préfet de Police, à durcir le régime des interpellations :

« Tout en évitant le risque de contrôles systématiquement sélectifs, vous rappellerez aux services de police et de gendarmerie la nécessité d'effectuer des vérifications répétées dans les endroits qu'ils vous auront indiqués comme étant ceux où se concentrent les irréguliers. Ces vérifications seront fondées ou bien sur l'article 8 (2ème alinéa) de l'ordonnance de 1945, ou bien sur les dispositions des articles du code de procédure pénale relatifs au contrôle d'identité. À cet égard, vous devez motiver et mobiliser les services de police compétents pour procéder aux interpellations, qui sont actuellement en nombre insuffisant. Il a été fait montre d'une grande circonspection durant la régularisation. Il convient d'y mettre fin car elle n'est plus justifiée ».

C'est la disposition attaquée.

DISCUSSION

II.- Le GISTI est incontestablement recevable à déférer cette circulaire au Conseil d'État.

1.- D'une part, le GISTI ayant pour objet social d'assurer l'information et la défense des droits et intérêts des étrangers en France, il a un intérêt certain à agir en vue d'obtenir l'annulation de cette disposition de la circulaire attaquée qui porterait atteinte aux droits des étrangers tels qu'ils sont définis par les lois et règlements en vigueur, et par la jurisprudence du Conseil d'État, de la Cour de Cassation et du Conseil constitutionnel.

2.- D'autre part, une telle disposition ne se borne pas à rappeler les règles relatives aux contrôles d'identité, telles qu'elles résultent de l'article 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ou des articles du Code de procédure pénale.

Elle constitue un acte réglementaire d'un ministre en ce qu'elle énonce de véritables obligations à la charge des autorités préfectorales, et modifie le régime des interpellations.

A.- Tout d'abord, il ressort de la jurisprudence du Conseil d'État que les instructions ministérielles qui prescrivent impérativement une certaine attitude aux subordonnés sont de nature réglementaire (CE 12 novembre 1986, Winterstein, p. 38 : ordre du Ministre de la Justice d'opposer systématiquement un avis défavorable aux demandes de permission de sortie, de mise en semi-liberté ou de placement à l'extérieur présentées par des détenus classés comme « particulièrement signalés »).

En l'espèce, le point 1 de la circulaire du Ministre de l'Intérieur ne doit pas être considérée comme une simple recommandation, mais bien comme un ordre donné aux préfets, dans un contexte de diminution des interpellations des étrangers en situation irrégulière. Le ton est impératif : « vous rappellerez... la nécessité d'effectuer des vérification répétées », « Vous devez motiver et mobiliser les services de police compétents pour procéder aux interpellations... », « Il convient [de] mettre fin » à « la circonspection ».

D'ores et déjà, le caractère réglementaire du point 1 de la circulaire ne fait aucun doute.

B.- Ensuite, la disposition attaquée modifie l'état du droit quant aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent faire l'objet de contrôles d'identité.

La circulaire du Ministre de l'Intérieur fait référence à l'article 8 de l'ordonnance de 2 novembre 1945 ainsi qu'aux dispositions des articles du Code de procédure pénale relatifs au contrôle d'identité.

L'article 8 de l'ordonnance de 1945 dispose qu'« en dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces et documents sous le couvert desquels elles sont autoriser à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1 °) du Code de procédure pénale.

À la suite d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1, 78-2 et 78-2-1 du Code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l'alinéa précédent ».

L'article 78-1 du Code de procédure pénale prévoit que « toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle d'identité effectué dans les conditions et par les autorités de police visées aux articles suivants ».

L'article 78-2 alinéa 1 dispose que « les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire adjoints [...] peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle il existe un indice faisant présumer : qu'elle a commis... une infraction ».

L'article 78-2 alinéa 2 dispose que « sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat ».

L'article 78-2 alinéa 4 prévoit que « dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi ».

Selon l'article 78-2 alinéa 5, « dans une zone comprise entre les frontières terrestres ou le littoral du département de la Guyane et une ligne tracée à vingt kilomètres en deçà, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. ».

Enfin, il résulte de l'article 78-2-1 que « sur réquisitions du procureur de la République, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre ou la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints [...] sont habilités à entrer dans les lieux à usage professionnel, ainsi que dans leurs annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile, où sont en cours des activités de construction, de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou de commercialisation, en vue [...] de contrôler l'identité des personnes occupées, dans le seul but de vérifier qu'elles figurent sur le registre ou qu'elles ont fait l'objet de déclarations mentionnées à l'alinéa précédent ».

Aux termes de l'ensemble de ces dispositions, il ressort que les étrangers peuvent faire l'objet de contrôle d'identité, en vue de vérifier qu'ils sont bien en possession des documents attestant de la régularité de leur entrée et de leur séjour en France.

De telles vérifications sont cependant strictement encadrées.

Comme l'ont rappelé le Conseil Constitutionnel ainsi que la Cour de Cassation, la mise en œuvre de telles vérifications doit s'opérer en fonction d'éléments objectifs, déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé, qui sont de nature à faire paraître sa qualité d'étranger (décision 93-325 DC, des 12-13 août 1993, relative à la maîtrise de l'immigration ; Cass. Crim., 25 avril 1985, JCP 1985, II. 20465).

En invitant à multiplier les interpellations, « tout en évitant le risque de contrôles systématiquement sélectifs », la circulaire attaquée entend qu'a contrario, des contrôles peuvent être sélectifs, à la condition que cela soit ponctuel.

Partant, elle méconnaît le sens et la portée des prescriptions législatives précitées, et doit être regardée comme étant de nature réglementaire.

De même, le point 1 donne compétence aux préfets pour inciter les services de police et de gendarmerie à « effectuer des vérifications répétées dans des endroits » qu'ils leur auront indiqués « comme étant ceux où se concentrent les irréguliers ».

Ce faisant, le Ministre de l'Intérieur confère aux préfets des pouvoirs similaires à ceux que détiennent seuls les magistrats de l'ordre judiciaire, gardiens des libertés individuelles, pour faire contrôler, sur réquisitions écrites, l'identité de certaines personnes « aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'ils précisent », dans des lieux et pour une période déterminés (article 18-2 alinéa 2 du Code de procédure pénale) ou « dans le but de vérifier l'identité des personnes occupées dans les lieux à usage professionnel » (article 78-2-1 du Code de procédure pénale).

Bien plus, en prévoyant que des interpellations répétées doivent être effectuées « dans des endroits où se concentrent les irréguliers », la circulaire attaquée crée les conditions de vastes opérations de contrôle généralisé.

Ainsi donc, elle modifie les textes en vigueur qui supposent une définition précise de temps et de lieu, pour procéder à des contrôles d'identité.

Sur ce point encore, son caractère réglementaire ne fait aucun doute.

C. Enfin, cette circulaire n'ayant pas été publiée au Journal Officiel, malgré les conséquences qu'elle est susceptible d'avoir sur la situation des étrangers, elle peut être déférée au Conseil d'État sans condition de délai.

III.- Le point 1 de la circulaire attaquée devra être annulé en ce qu'il est entaché d'un vice d'incompétence.

1.- Tout d'abord, il est de jurisprudence constante que les ministres ne détiennent pas de pouvoir réglementaire.

Comme le rappelle le Professeur Chapus, « le Conseil d'État a toujours exprimé son refus de reconnaître le principe de détention du pouvoir réglementaire par les ministres (CE Sect., 6 octobre 1961, Soc. Duchêne, p. 548 ; Sect., 7 juillet 1978, Jonquères d'Oriola, p. 300 ; Ass., 10 juillet 1996, Urssaf de la Haute-Garonne, p. 275). Et il a maintenu ce refus, alors même qu'il était sollicité par ses commissaires du gouvernement de modifier sa jurisprudence (CE Sect., 23 mai 1969, Soc. Distillerie du Brabant, p. 264) » (Droit administratif général, Tome 1, 12ème édition, p. 626-627).

En l'espèce, le Ministre de l'Intérieur ne tient d'aucun texte le pouvoir d'édicter des règles en matière de contrôle d'identité à l'égard des étrangers.

Dès lors, en élargissant, comme il l'a fait, les possibilités d'interpellations des étrangers, le Ministre de l'Intérieur a entaché d'incompétence le point 1 de sa circulaire du 11 octobre 1999.

De ce premier chef, l'annulation s'impose.

2.- Ensuite, le point 1 de la circulaire attaquée devra également être annulé en ce qu'il a crée des règles de droit qui ressortissent de la compétence du législateur.

L'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que « la loi fixe les règles concernant : [...] les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».

Comme le précise le Professeur Jacques Robert, « cela signifie que la compétence législative est prévue pour la fixation des règles intéressant les garanties jugées fondamentales » (Libertés publiques et droits de l'Homme, 4ème édition, p. 94).

Au nombre des libertés publiques dont les garanties fondamentales relèvent de la loi figure, notamment, la liberté d'aller et venir.

Parce qu'il constitue une limite à la liberté d'aller et venir, le régime des contrôles d'identité relève de la compétence du législateur.

À ce titre, il n'est pas inutile de rappeler que l'ensemble des dispositions relatives aux contrôles d'identité ont été fixées par voie législative.

En décidant de modifier ainsi les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent faire l'objet de contrôles d'identité, de façon « répétée » et « en tout endroit » où se concentreraient « les irréguliers », le Ministre de l'Intérieur a bien édicté de nouvelles règles qui, par leur nature et leur portée, relèvent normalement de la compétence du législateur.

Ce faisant, il a entaché la circulaire d'un vice d'incompétence.

En conséquence, l'annulation s'impose de plus fort (CE Sect., 9 mai 1994, SARL Vie France, SARL M.C.B. Bureautique Faxland, n° 115.232 ; n° 115.233).

IV. — Le point 1 de la circulaire du Ministre de l'Intérieur devra être censuré pour être intervenu en violation d'un certain nombre de droits fondamentaux.

1.- En premier lieu, le principe d'égalité devant la loi est proclamé par des dispositions à valeur constitutionnelle (article 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958), ainsi que par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (« la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue [...], l'origine nationale... »), et le Conseil d'État en a fait un principe général du droit (CE Ass., 7 février 1958, Syndicat des propriétaires de forêts de chênes-lièges d'Algérie, p. 74).

Ce principe a été transposé au régime des contrôles d'identité.

Dans une décision en date du 13 août 1993, le Conseil Constitutionnel a considéré que si « le législateur est en mesure d'exiger des étrangers la détention, le port et la production des documents attestant la régularité de leur entrée et de leur séjour en France », « la mise en œuvre des vérifications ainsi confiées par la loi à des autorités de Police judiciaire doit s'opérer en se fondant exclusivement sur des critères objectifs et en excluant, dans le strict respect des principes et règles de valeur constitutionnelle, toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes ; qu'il appartient (...) aux juridictions compétentes de censurer et de réprimer, le cas échéant, les illégalités qui seraient commises... » (Décision 93-325 DC, voir commentaires dans Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Louis Favoreu et Loïc Philip, 10ème édition, p. 846 et s.).

Pareillement, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a jugé que « pour que des agents de police judiciaire aient la faculté de requérir la présentation des documents sous le couvert desquels les étrangers sont autorisés à séjourner en France, il faut que des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé soient de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger » (Crim., 25 avril 1985, Bogdan et Vukovic, D. 1985, 329 ; JCP 1985, II. 20465).

Ainsi donc, la considération de la seule personne physique, de la couleur de sa peau, du caractère de ses traits, de l'aspect de ses cheveux, ou encore de ses vêtements et autres accessoires qu'elle porte, est strictement interdite.

Le contrôle d'identité doit ainsi se fonder exclusivement sur des critères objectifs, permettant de déterminer sans discrimination, l'extranéité.

C'est ainsi qu'il a été jugé qu'un contrôle d'identité d'une personne de nationalité étrangère est justifié, tant au regard de l'article 78-2 du Code de procédure pénale que de l'article 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, si cette personne est connue pour avoir commis des infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France (Crim. 17 mai 1995, Bull. Crim. n° 177 ; Crim., 16 juillet 1996, Bull. Crim. n° 298).

En l'espèce, et comme cela a été exposé précédemment, lorsque la circulaire attaquée invite les autorités préfectorales à rappeler « aux services de police et de gendarmerie la nécessité d'effectuer des vérifications répétées », « tout en évitant le risque de contrôles systématiquement sélectifs », elle entend qu'a contrario, des contrôles peuvent être sélectifs, à la condition que cela soit ponctuel.

Une telle disposition viole indéniablement le principe d'égalité devant la loi.

Comme le soulignait l'Avocat Général DONTENWILLE, dans ses conclusions sur l'arrêt précité, du 25 avril 1985, de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, « toute discrimination tenant à l'apparence physique seule, à la façon d'être, à l'aspect, serait insupportable et discriminatoire... Outre les barrières qu'impose à ce sujet l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme, c'est avant tout un problème d'éthique sur lequel on ne peut transiger ».

Dans ces conditions, l'annulation du point 1 de la circulaire querellée ne peut faire de doute.

2.- En second lieu, la circulaire attaquée encourt la censure en ce qu'elle prévoit que les autorités préfectorales peuvent inviter les services de police et de gendarmerie à « effectuer des vérifications répétées en tous endroits » « où se concentrent les irréguliers ».

Par sa rédaction même, une telle disposition conduit à organiser de vastes opérations de contrôles généralisées des étrangers, sans aucune précision de temps et de lieu, et sans déterminer les éléments objectifs à partir desquels les vérifications d'identité peuvent être pratiquées.

Or, il a été jugé que « la pratique de contrôles généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la liberté individuelle » (décision du Conseil constitutionnel n° 93-323 DC du 5 août 1993).

À ce titre, il est indéniable que la circulaire porte une atteinte grave à la liberté d'aller et venir, principe fondamental reconnu par les lois de la République (décision du Conseil constitutionnel n° 75 DC du 12 janvier 1977).

Dans un courrier en date du 11 janvier 2000, adressé à différentes associations de protection des droits des étrangers, le Ministre de l'Intérieur a cru pouvoir « préciser » qu'il faut entendre par endroits où doivent être opérés les contrôles « certains lieux publics tels que des gares ou des trains ».

Rien ne permet cependant de croire que les vérifications se cantonneront dans de tels endroits.

La rédaction, pour le moins assez vague, du point 1 de la circulaire laisse à penser que les services de police et de gendarmerie pourraient effectuer, sans aucune restriction, des interpellations dans des lieux où travaillent des étrangers, des lieux où se déroulent des réunions d'association d'étrangers, voire aux domiciles mêmes des étrangers, portant ainsi atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, à la liberté de réunion, à la liberté d'association ainsi qu'à la liberté du domicile.

En conséquence, l'annulation du point 1 de la circulaire semble inévitable.


PAR CES MOTIFS, et tous autres à produire, déduire ou suppléer, même d'office, l'association exposante conclut à ce qu'il PLAISE AU CONSEIL D'ÉTAT :

  • ANNULER le point 1 de la circulaire du 11 octobre 1999 du Ministre de l'Intérieur, relative à l'éloignement du territoire des étrangers en situation irrégulière.

PRODUCTION

  • Circulaire attaquée.

S.C.P. WAQUET-FARGE-HAZAN
Avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation

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Dernière mise à jour : 29-01-2002 22:32 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/argumentaires/2002/eloignement/recours.html


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