[Logo]
[Bienvenue] [Le Gisti ?] [Adresses] [Bienvenue] [Plan du site] [Recherche] [Aide]
[Idées] [Formations] [Pratique] [Le droit] [Publications]
     

ARGUMENTAIRE

Analyse de l'arrêt du Conseil d'État n° 282275, 282982, 283157 du 12 juin 2006
Présentation succinte

17/07/2006 — Au moment même où un immense mouvement de solidarité parvient à empêcher le renvoi massif d'enfants de sans-papiers, le Conseil d'Etat donne quitus au ministère de l’Intérieur pour qu’il puisse retenir en centres de rétention administrative des familles, même si elles comprennent des enfants en bas âge ou des nourrissons.

La haute juridiction administrative avait en effet été saisie par le Gisti, la Cimade, Amnesty international et la LDH à propos d'un décret du 30 mai 2005 (n° 2005-617) relatif à la rétention administrative.

Les associations entendaient dénoncer la légalisation par ce décret d’une pratique préfectorale consistant à placer des familles entières en centres de rétention lors du renvoi d'un sans-papier. Une des dispositions de ce texte prévoit en effet que « les centres de rétention administrative susceptibles d'accueillir des familles disposent, en outre, de chambres spécialement équipées, et notamment de matériels de puériculture adaptés ».

Elles faisaient valoir l’illégalité d’une telle mesure, au regard du Code des étrangers qui offre une protection absolue aux mineurs contre les mesures d'éloignement et le placement en centre de rétention (articles L 555-1, L 511-4 et L 521-4 du Ceseda). Ces pratiques, devenues monnaie courante, constituent des violations des stipulations des articles 3-1 (intérêt supérieur de l'enfant) et 37 (nul enfant ne peut être privé de sa liberté de façon illégale ou arbitraire) de la Convention internationale des droits de l'enfant et pourraient même être assimilées à des expulsions collectives, formellement prohibées par la Convention européenne des droits de l'homme (article 4 du protocole n° 4 de la Convention ; CEDH 5 février 2002 Conka C/ Belgique).

Certes la présence d'enfants en centre de rétention ou en zone d’attente n'est pas nouvelle. Dans une récente lettre ouverte au ministre de l'intérieur du 20 juin 2006 la Cimade dénonce la déshumanisation croissante de centres de rétention de plus en plus grands et qui prennent de plus en plus la forme de « camps ». On y trouve aussi de plus en plus fréquemment des familles entières, y compris des enfants en bas âge et des nourrissons et ce pour une durée pouvant s'étendre jusqu'à 32 jours depuis la loi du 26 novembre 2003.

Le ministère de l'Intérieur assume d'ailleurs sans vergogne ces pratiques déshumanisantes. Ainsi dans une réponse à un député de l'UMP qui s'inquiétait d'enfants hébergés « dans des conditions indécentes », le ministre de l'Intérieur confirmait la réalité de cette présence et la justifiait en estimant que la législation « ne s'oppose naturellement [sic] pas à ce que des mineurs accompagnés suivent leurs parents lorsque ces derniers font l'objet d'une mesure d'éloignement » et ceci afin de préserver « l'unité familiale durant toute la phase précédant l'éloignement effectif des étrangers en cause accompagnés de leurs enfants, notamment durant le placement en rétention administrative » (réponse à la question n° 58712 publiée au JO : 17/05/2005).

C'est exactement la même argumentation que l'on retrouve sous la plume du Conseil d'Etat (arrêt n° 282275, 282982, 283157 du 12 juin 2006). Dans cette décision rendue « au nom du peuple français », la plus haute juridiction administrative ne craint pas de juger que si les dispositions du décret attaqué « n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir légalement pour effet de permettre aux autorités préfectorales de prendre des mesures privatives de liberté à l'encontre des familles des personnes placées en rétention », elles « visent seulement [sic] à organiser l'accueil des familles des étrangers placés en rétention ».

Faisant preuve d’un juridisme étroit, les Sages feignent ainsi d’ignorer que la validation de la présence d’enfants aux côtés de l’étranger en instance d’éloignement légitime la politique du ministre de l'Intérieur d’expulsion massive de familles étrangères du territoire français. Or, cette politique ne peut être mise en oeuvre que si la famille est d'abord placée en rétention afin de donner aux autorités de police le temps nécessaire d'organiser le charter familial. Cette situation est pourtant intolérable et a été maintes fois dénoncée par le monde associatif, par des parlementaires ou par la défenseure des enfants.

La décision rendue est d’autant plus choquante que le Conseil d’Etat rejette les autres arguments des associations contre des dispositions du décret de 2005 qui restreignent manifestement la possibilité pour les étrangers placés en rétention de formuler une demande d’asile.

Il estime en effet que ne violent ni le droit constitutionnel d’asile ni la Convention de Genève le fait d’empêcher un étranger de formuler une demande d’asile plus de cinq jours après son placement en rétention, de réduire le délai d’examen par l’Ofpra de cette demande à 96 heures ou de ne pas mettre à sa disposition un interprète lorsqu’il n’est pas francophone ou ne maîtrise pas suffisamment la langue française.

Sur ce dernier point, le Conseil d’Etat ne craint pas d’affirmer cette circonstance est « de pur fait » et ne saurait donc avoir aucune « incidence sur le respect du principe d'égalité ».
Plusieurs tribunaux administratifs avaient pourtant jugé que le refus de mettre à la disposition d'un demandeur d'asile en rétention un interprète constituait une atteinte grave et manifestement illégale au droit fondamental d'asile.

Gisti, 17 juillet 2006


En haut

Dernière mise à jour : 17-07-2006 14:42.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/argumentaires/2006/enfants-en-cr/analyse.html


Bienvenue  | Le Gisti ?  | Adresses  | Idées  | Formations  | Pratique  | Le droit  | Publications
Page d'accueil  | Recherche  | Plan du site  | Aider le Gisti  | Autres sites

Comment contacter le Gisti