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« Des étrangers sans droits dans une France bananière »
Rapport de mission en Guyane et à Saint-Martin

EN GUYANE

L'État investit pour notre avenir

AU CENTRE DE RÉTENTION DE ROCHAMBEAU
Visite le 6 décembre 1995

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[Panneau de chantier]

Le directeur de cabinet du préfet nous l'avait signalé la veille : « Vous verrez, avait-il ironisé, à l'entrée, le panneau de chantier affirme « L'État investit pour votre avenir ». Ça me fait toujours sourire ». A deux ou trois kilomètres de l'aéroport de Rochambeau, le panneau était bien au rendez-vous avec son affirmation paradoxale pour les étrangers conduits au centre dans la perspective de leur éloignement. Contrairement à ce que nous avait indiqué notre interlocuteur, le centre, bien que toujours en travaux, sans doute au stade des finitions, était déjà en fonction. Derrière les grillages, on apercevait des policiers, et des groupes de personnes qui avaient l'air d'étrenner les nouvelles installations en tant que victimes.

Sur le parking, parmi des véhicules de fournisseurs, on discerne quelques voitures de parents et d'amis d'étrangers en rétention. Deux Haïtiens de Kourou attendent, par exemple, le droit de rendre visite à leur soeur interpellée la veille. A l'entrée du centre, les policiers viennent de leur préciser que les visites s'effectuent seulement entre 15 H et 17 H. Pas encore inauguré, ce nouveau centre de rétention — seul et unique à exister dans tous les départements français d'Amérique — viole la réglementation qui prévoit notamment un accès permanent aux retenus (art. 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée + circulaire d'application du 8 février 1994, V-A-1).

Faute de temps et d'autorisation (que nous n'avions pas demandée puisque la préfecture nous avait affirmé que le centre n'était pas entré en fonction), nous n'avons pas franchi le portail. De l'extérieur, c'est le nombre de petits enfants qui nous a frappé. Ils se trouvaient, accompagnés d'adultes qui pouvaient être leurs proches, à l'ombre d'une cour intérieure dessinée par les bâtiments. De loin, il nous a semblé qu'il y avait bien 4 ou 5 enfants à proximité d'un adulte, lui-même gardé par un policier en uniforme. Or la loi (art. 25 de l'ordonnance du 2 novembre  1945 modifiée) prévoit que les mineurs de moins de dix-huit ans sont protégés contre toute mesure d'éloignement.

Questions sur l'accident d'avion
du 7 décembre

Rétrospectivement, le souvenir de ces enfants et de ces adultes nous a fait froid dans le dos. Il y a, en effet, de fortes chances pour que certaines des silhouettes entr'aperçues aient été celles de quelques-uns des 16 Haïtiens tués, en compagnie de 2 membres d'équipage et de 2 policiers français, dans l'accident d'avion du 7 décembre (le lendemain) à l'approche de Port-au-Prince. Parmi les victimes du Beechcraft 19-000 de la compagnie Air-Saint-Martin qui avait décollé de Cayenne avant de faire escale à Pointe-à-Pître, on a dénombré 3 enfants : Régéline Augustin, âgée de 22 mois ; Emmaréséan Augustin, âgée de 8 mois ; et Joannès Trémoule, âgé de 5 ans. Si les deux enfants Augustin étaient bien accompagnés d'une adulte du même nom — Marie-Vesta, âgée de 26 ans, qui pourrait donc être leur mère —, nous nous interrogeons toujours sur la solitude apparente de Joannès Trémoule.

Nous nous interrogeons également sur la sécurité de certains des vols qui rapatrient de force des étrangers depuis les départements français d'Amérique. Nous entendons encore les détails rapportés, le 9 décembre, par Antoine Pichon, sous-préfet de Saint-Martin, dépendance de la Guadeloupe, sur leur embarquement bihebdomadaire dans de petits appareils (9 places) à l'aéroport de Grand-Case (voir, par ailleurs, notre compte-rendu de cet entretien). Deux jours après l'accident, il indiquait que, par vent défavorable, l'avion ne peut décoller de Grand-Case avec le fret des passagers. Que, dans ces conditions, il embarque donc les seuls passagers, puis se rend à l'aéroport tout proche de Juliana, en zone néerlandaise de l'île, car il est doté d'une piste plus longue. Là, l'avion prend livraison du fret et s'envole vers les pays de destination (surtout Haïti et la République dominicaine).

Que risque-t-il de se passer quand les conditions de vol ne sont pas idéales ? Quand, par exemple, une pluie diluvienne s'abat sur l'appareil à l'approche de l'aéroport de Port-au-Prince, comme ce fut le cas le jour de l'accident du 7 décembre ? Quand des reconduits à la frontière se révoltent soudain dans la cabine ? Le 7 décembre, ils étaient 16 Haïtiens accompagnés par 2 gendarmes...

Nous ne disposons pas d'informations suffisantes pour accuser. Nous avons, en revanche, enregistré assez d'indices troublants — sur l'éloignement d'enfants (voir aussi nos entretiens avec divers interlocuteurs de Guyane) et sur la sécurité relative de certains vols — pour nous poser des questions et les poser ici publiquement.

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Dernière mise à jour : 25-01-2001 15:30.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/publications/1996/bananier/guyane/rochambeau.html


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