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« Des étrangers sans droits dans une France bananière »
Rapport de mission en Guyane et à Saint-Martin

SUR L'ÎLE DE SAINT-MARTIN

La situation catastrophique
de l'hôpital

FRANÇOIS DE CAUNES, MÉDECIN PÉDIATRE

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« Je suis pédiatre à temps partiel en pédiatrie-naissances à l'hôpital de Saint-Martin, dans lequel il y a sept à huit cents accouchements par an pour huit lits à la maternité. L'occupation est de 200 %. Pour 800 accouchements, la norme, c'est au moins un pédiatre à plein temps. Je suis obligé de faire sortir les nouveau-nés dès qu'ils ont deux jours. Je ne peux assurer qu'ils sont en bonne santé. Il y a un an, un matin, un enfant a été retrouvé dans un état catastrophique. L'autre pédiatre a aussitôt démissionné.

» Il n'existe aucune pédiatrie infantile, mais je suis de permanence quasiment 24 heures sur 24. La logique du service public est ici à la dérive. Depuis quelques années, quelques bons esprits se sont pénétrés de l'idée qu'il n'y avait pas lieu de soigner des personnes qui ne justifieraient pas d'un titre de séjour régulier. Il n'y a pas d'aide médicale gratuite, car la mairie ne la donne pas de façon à fragiliser les étrangers à l'hôpital.

» Il n'y a pas d'infirmier de nuit, aucun personnel de surveillance. Ce sont les familles qui gardent les enfants hospitalisés en chambres d'adultes. Je ne dispose pas de matériel médical suffisant et notamment de scope. Les enfants victimes de drépanocytose se trouvent dans des chambres d'adultes. J'ai tout juste récupéré deux berceaux.

» S'ajoute à ce tableau, une aide médicale insignifiante. En tout et pour tout, j'ai connu deux enfants qui en ont bénéficié.

» La situation de l'hôpital de Saint-Martin n'est pas prête à évoluer favorablement. A titre d'indice, sachez, par exemple, que l'association Médicall, qui avait initialement passé convention avec l'hôpital juste pour permettre le transport des cas difficiles sur l'hôpital de Basse-Terre, le CHU de Pointe-à-Pître ou un établissement de métropole, offre maintenant un service d'assurance qui couvre les frais de transport à tous ceux qui le souhaitent et peuvent payer. La clientèle solvable est donc déviée vers l'extérieur. Ce qui renforce la logique d'exclusion dont sont victimes ceux qui resteront pour être soignés par l'hôpital de Saint-Martin.

Le sida révèle l'incohérence
du système

» Quelque 3 % des naissances enregistrées à Saint-Martin sont le fait de mères séropositives, ce qui est dix fois plus important qu'à Paris, vingt-cinq fois plus qu'en France. Aucune prise en charge intégrée des sidéens n'existe : ni chambre, ni médicament, ni psychologue, ni diététicien, ni assistance sociale. Aucune confidentialité : en ce moment, neuf sidéens sont hospitalisés dans le service de médecine, où il y a 16 lits.

» Le sida révèle l'incohérence de tout le système. Pour la prévention, nous avons eu le Comité sida qui s'est transformé en une association intitulée "Liaisons dangereuses" ! Tout un programme ! Le sous-préfet ne comprend rien au monde caribéen. Il se contentant de dire que, pour lutter contre le sida, il faut être fidèle et que ce fléau concerne essentiellement les populations étrangères.

» J'ai vu des familles entières disparaître du sida. Les autorités stigmatisent cette maladie sur des bases morales. L'église joue un rôle "macoute".


Le « retour volontaire »
d'un jeune haïtien malade

« Un jour, le samedi 23 septembre, à Grand-Case (l'aéroport régional), raconte François de Caunes, je devais embarquer pour Saint-Barth. Je suis tombé sur une foule de Haïtiens qui attendaient l'embarquement dans le cadre de l'aide au retour. J'ai aperçu une mère et son enfant, que je connais très bien. L'enfant est un drépanocytaire que je soigne depuis quatre ans. La drépanocytose est une maladie génétique fréquente en Caraïbe, qui provoque anémie, fatigue générale et altération de tous les organes. C'est une maladie très grave, entraînant des handicaps sérieux si elle n'est pas prise en charge par une équipe spécialisée.

» Cet enfant a été suivi à l'hôpital de Saint-Martin et au CHU de Pointe-à-Pitre, où il avait été transféré pour une méningite avec hydrocéphalie nécessitant la pose d'une dérivation. Ça a très bien marché, succès médical.

» Il est évident qu'il ne devait pas repartir en Haïti, où il est impossible d'assurer son suivi et sa prise en charge médicale. J'avais d'ailleurs remis un certificat en ce sens à sa mère.

» Je lui ai donc demandé ce qu'elle faisait là. Elle était en pleurs. Je lui ai dit que j'allais voir les gendarmes et qu'elle allait rester avec son enfant. Elle a répondu : "Non, je m'en vais".

» Je pense que cet enfant est condamné en Haïti. Mes collègues de Guadeloupe ont été effondrés. Pour moi, comme médecin, je trouve que c'est tout à fait anormal d'arriver à "l'aide au retour" sans concertation avec les médecins et les différents acteurs sociaux ».

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Dernière mise à jour : 8-01-2001 18:07.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/publications/1996/bananier/saint-martin/caunes.html


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