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Le guide de la nationalité française

Introduction

Introduction du Guide de la nationalité française, paru aux Editions Syros en mars 2000.

Présentation | Sommaire


Qu'est-ce que la nationalité ?

La nationalité est le lien juridique qui relie un individu à un État dont il est le « national ». Chaque État édicte souverainement les règles régissant l'attribution de sa nationalité et détermine ainsi quels sont ses nationaux.

La possession de la nationalité française a des conséquences juridiques importantes. D'une part elle entraîne des obligations spécifiques : il s'agit essentiellement des obligations militaires, auxquelles sont astreints les nationaux de sexe masculin. D'autre part elle est la condition d'exercice d'un certain nombre de droits fondamentaux dont ne peuvent se prévaloir les étrangers : les droits politiques, le droit d'accéder à la fonction publique, le droit absolu d'entrer et de demeurer sur le territoire national sans pouvoir être ni extradé ni expulsé, le droit à certains avantages sociaux réservés aux nationaux, le droit d'exercer la profession de son choix, le droit à la protection diplomatique de la France...

Les éléments le plus généralement pris en compte par les différents États pour déterminer la nationalité d'un individu sont soit les liens du sang (jus sanguinis), soit le lien territorial (jus soli) : dans le premier cas, la nationalité se transmet par filiation ; dans le second, elle découle de la naissance, confortée le cas échéant par une certaine durée de résidence, sur le territoire de l'État considéré. Indépendamment de cette attribution d'office, généralement à la naissance, de la nationalité de l'État, un certain nombre de procédures, telles que la naturalisation, permettent à l'étranger d'acquérir ultérieurement cette nationalité.

Droit du sol, droit du sang

Historiquement, le droit français de la nationalité a toujours combiné, en proportion variable selon les époques, droit du sol et droit du sang. Le droit du sol l'emporte au Moyen-Age, où l'aubain — étymologiquement : alibi natus — est d'abord celui qui est né ailleurs, dans une autre seigneurie. L'Ancien Régime, dans le prolongement de la tradition féodale, considère comme « naturels » de France ceux qui sont nés en France et qui demeurent dans le royaume ; mais sous l'influence du droit romain, le jus sanguinis vient peu à peu concurrencer ou plutôt compléter le jus soli : l'enfant né dans un pays étranger d'un père français est considéré comme français s'il a conservé l'esprit de retour et revient dans le royaume avec l'intention de s'y fixer durablement.

La Révolution, sans rompre avec cette tradition, va ouvrir plus généreusement encore l'accès à la citoyenneté française, en accordant une place égale à un droit du sol largement conçu et à la filiation. La Constitution de 1791 reconnaît comme citoyen à la fois l'enfant né en France d'un père français, l'enfant né en France d'un père étranger dès lors qu'il fixe sa résidence en France, l'enfant né à l'étranger d'un père français s'il vient s'établir en France et prête le serment civique, ou encore l'étranger qui a cinq ans de domicile continu en France et qui prête le serment civique. La prédominance du jus soli concorde avec la conception révolutionnaire qui fait de l'appartenance à la nation le résultat d'un acte volontaire : dans ce contexte, la naissance et plus encore la résidence sur le territoire français apparaissent comme l'expression en actes de la volonté de vivre selon les lois que s'est données la nation française. Les constitutions girondine et montagnarde de 1793 portent la prééminence du jus soli à son point extrême : la première subordonne la qualité de citoyen à la seule condition d'avoir résidé pendant un an sur le territoire français ; la seconde met pratiquement sur le même plan celui qui est né et domicilié en France et celui qui, né à l'étranger, est domicilié en France depuis une année et « y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard ».

Par la suite, il est vrai, le Code civil de 1804 revient au jus sanguinis et à la transmission de la qualité de Français par la filiation. Mais il laisse subsister la possibilité pour l'individu né en France d'un étranger de réclamer la qualité de Français dans l'année qui suit sa majorité s'il fixe son domicile en France. Et cette prédominance accordée à la filiation, en contradiction avec la tradition française, n'est qu'une parenthèse historique de courte durée.

Toute l'évolution ultérieure va en effet dans le sens d'une réhabilitation du jus soli à côté du jus sanguinis. La loi de 1851 pose la règle encore en vigueur aujourd'hui, connue sous le nom de « double droit du sol », en déclarant Français l'enfant né en France d'un étranger qui lui-même y est né. La loi du 26 juin 1889 incorpore à la communauté nationale tous les individus présumés assimilables puisque nés en France, en décidant qu'ils deviennent Français à leur majorité : règle que l'on retrouve, ou plutôt que l'on retrouvait à l'article 44 du code de la nationalité avant la réforme récente. Il s'agit là, certes, pour une part, de lois de circonstances, dictées par l'affaiblissement de la natalité française et les besoins du recrutement de l'armée ; mais elles sont dictées aussi par la préoccupation de maintenir l'égalité entre les Français, soumis à la conscription, et les immigrés de seconde génération qui, en restant étrangers, en seraient exemptés ; et plus fondamentalement encore, par le souci de ne pas voir se maintenir sur le territoire français des communautés étrangères soudées susceptibles de menacer l'unité du pays. Ces lois vont imprimer durablement leur marque au droit de la nationalité, lui conférant son visage actuel, expression d'une conception assimilationniste et plus pragmatique qu'idéologique de la nation.

Elles fixent en effet les grandes lignes du droit de la nationalité telles qu'on les retrouve dans le code de la nationalité promulgué par l'ordonnance du 19 octobre 1945, modifié par la loi de 1973, et resté en vigueur jusqu'à la réforme récente. Aux termes de ce code, la nationalité française se transmet par la filiation paternelle ou maternelle, légitime ou naturelle ; elle résulte aussi de la naissance en France, à titre originaire lorsqu'un des parents est lui-même né en France, à la majorité dans le cas contraire, l'enfant né en France pouvant de surcroît acquérir la nationalité française par simple déclaration au cours de sa minorité. Et si le mariage ne produit plus, depuis 1973, d'effet automatique sur la nationalité, l'étranger qui épouse un ressortissant français peut acquérir la nationalité française par déclaration après six mois de mariage, le gouvernement ne pouvant s'y opposer que pour des motifs limitativement énumérés. La naturalisation, en revanche, est subordonnée à des conditions de durée et de stabilité de la résidence en France, de « bonne vie et moeurs », d'assimilation, d'absence de condamnation pénale ; et même lorsque toutes ces conditions sont remplies, elle n'est jamais un droit pour celui qui la sollicite mais une faveur accordée discrétionnairement. En pratique, le taux d'acceptation est cependant relativement élevé.

Le droit du sol contesté

C'est ce système ouvert, et enraciné en France depuis près d'un siècle, que l'extrême-droite, bientôt suivie par la droite, entreprend de contester à partir de 1985, en dénonçant la trop grande facilité avec laquelle les étrangers deviennent Français. Cette controverse autour du droit de la nationalité n'est certes pas la première : sans même parler de Vichy, on peut rappeler que l'adoption de la loi de 1927 assouplissant les conditions de la naturalisation avait donné lieu à de très vifs débats et donné l'occasion à la droite nationaliste d'exprimer son hostilité aux « Français de papier ». Mais cette fois l'essentiel des critiques ne porte plus sur la procédure de naturalisation mais sur l'attribution de la nationalité française par l'effet du jus soli : on demande que les étrangers nés en France ne puissent plus devenir Français qu'à la suite d'une demande expresse, formulée à leur majorité, et à condition — notamment — de n'avoir commis aucun délit.

Le thème qui revient de façon lancinante est celui de l'automaticité : il faut éviter d'intégrer des personnes qui ne le souhaitent pas réellement ou qui n'ont pas conscience d'être devenues françaises. La démarche est aussi habile que la critique est séduisante : comment ne pas souscrire à l'idée que la nationalité devrait résulter d'une adhésion consciente et volontaire et non d'un choix imposé ? Mais en réalité, l'argumentation est fallacieuse à plus d'un titre :

  • d'abord, la noblesse de l'argumentation camoufle des arrière-pensées beaucoup moins avouables et une intention politique bien arrêtée. Derrière l'argument apparemment rationnel du refus de l'automaticité, il y a en réalité un implicite que seul le Front national se risque à formuler explicitement : l'idée que l'infusion à trop haute dose d'étrangers dans la population française remet en cause l'identité nationale ;

  • par ailleurs, l'automaticité n'est le monopole ni de la législation française, ni de l'application du jus soli, mais caractérise tous les systèmes au même degré. Car, en règle générale, on ne choisit pas sa nationalité ; on est national ou étranger selon une détermination strictement juridique laissée pour l'essentiel à l'appréciation de l'État, et dans laquelle les aspirations individuelles de chacun n'ont qu'une part limitée ;

  • enfin, les griefs articulés contre le jus soli ne sont pas plus fondés. Le fait d'être né et d'avoir vécu dans un pays crée à l'évidence des liens potentiellement aussi forts avec ce pays que la circonstance d'être né d'un père ou d'une mère qui en a la nationalité. Or l'insistance mise sur la nécessité d'un acte volontaire d'adhésion pour devenir Français laisse implicitement entendre que la naissance en France, même complétée par la résidence, ne suffit pas à faire de vrais Français, puisqu'à aucun moment on n'envisage d'imposer cet acte volontaire à ceux qui sont nés, y compris à l'étranger, de parents — ou même d'un seul parent — français, et que le sentiment d'appartenance nationale se transmet plus sûrement par les gènes que par l'école de la République.

Lorsque la droite revient au pouvoir en 1986, elle prépare immédiatement deux projets : l'un qui vise à réformer ordonnance du 2 novembre 1945 — ce sera la loi Pasqua (la première du nom), l'autre visant à réformer le code de la nationalité et qui sera déposé par le ministre de la Justice devant l'Assemblée nationale à l'automne de la même année.

Identité nationale ou xénophobie ?

Le gouvernement, aux prises avec les manifestations étudiantes, juge finalement opportun de retirer un projet de réforme qui est contesté bien au-delà des cercles habituellement préoccupés de la défense des étrangers. Pour éviter de donner l'impression de capituler, il met en place parallèlement une commission présidée par le vice-président du Conseil d'État dont le rapport, remis en janvier 1988, servira plus tard de référence à la réforme de 1993.

La Commission s'efforce de donner aux débats un tour moins politique et plus théorique, partant du principe — louable et logique à première vue, mais irréaliste, voire dangereux lorsqu'il s'agit de le mettre en pratique — que le code de la nationalité devrait refléter les fondements de la solidarité nationale et contribuer à renforcer une identité nationale en perte de vitesse.

Parmi les personnes et les groupes auditionnés par la Commission, il y a ceux qui, tel le Club de l'Horloge, estiment que l'idéal de la nation implique que la nationalité se transmette normalement par filiation, seule capable de préserver l'identité nationale. Il y a aussi les promoteurs d'une théorie « élective » de la nation, laquelle n'existe que par le consentement de ceux qui la peuplent : cette analyse débouche logiquement sur la critique de l'automaticité et la défense du choix individuel exprimé par un acte positif. Il y a enfin les tenants d'une conception objective et pragmatique de la nationalité, qui estiment qu'on est Français avant tout par un phénomène d'acculturation lié à l'éducation reçue, notamment à l'école, et aux conditions de la vie quotidienne, et qui par conséquent récusent l'acte de volonté qui risque d'instaurer une discrimination entre les différentes catégories de Français.

Entendant se situer à égale distance de la conception élitiste et de la conception pragmatique défendues devant elle, la Commission va opter finalement pour une sorte de « être Français, ça se désire », partant de l'idée que le choix concrétisé par une manifestation de volonté sera un moyen de renforcer l'identité nationale, et donc de faciliter l'intégration des étrangers qui devrait être d'autant plus aisée que la conscience de l'identité nationale, aujourd'hui menacée, sera plus forte.

Sur cette base, elle propose — et cette proposition sera reprise par la loi du 22 juillet 1993 — de passer du système en vigueur, dans lequel les jeunes nés en France deviennent Français à leur majorité sans formalité sauf s'ils expriment le choix contraire, à un système dans lequel ils devront, pour acquérir la nationalité française, en manifester explicitement la volonté entre 16 et 21 ans. Si le choix est fait entre 16 et 18 ans, aucun obstacle ne pourra s'opposer à l'acquisition de la nationalité française ; au-delà de 18 ans, en revanche, certaines condamnations pénales empêcheront cette acquisition. Dans la foulée, la Commission propose aussi — et cette proposition sera comme la précédente entérinée par la loi du 22 juillet 1993 — que les parents ne puissent plus, pendant la minorité de leur enfant, demander pour lui la nationalité française par simple déclaration, puisque ceci reviendrait à anticiper sur la manifestation de volonté de l'enfant.

Le rapport de la Commission reçoit dans l'ensemble un accueil positif dans la presse et dans le monde politique. On lui sait gré d'être parvenue à « dépolitiser » en apparence le débat et à créer les conditions d'un consensus, à égale distance des positions extrêmes.

Les conclusions auxquelles parvient la Commission, de même que les postulats sur lesquels elle les fonde sont pourtant des plus contestables. En particulier, on comprend mal par quel miracle l'acte de volonté que l'on exigerait des quelques milliers de personnes postulant chaque année à la nationalité française pourrait contribuer à résoudre les problèmes d'identité nationale auxquels la France est censée être confrontée : car si la conception élective de la nation est assurément séduisante, force est de remarquer que son seul effet concret est ici de réclamer des jeunes nés en France, et d'eux seuls, un acte de volonté.

En dépit du consensus recueilli par les propositions de la Commission de la nationalité, ni la droite, pendant les quelques mois qui lui restent à gouverner, ni la gauche, entre 1988 et 1993, ne prennent d'initiative pour les mettre en oeuvre. A l'instigation de Charles Pasqua, le RPR, au Sénat, fait cependant approuver sans débat une proposition de loi rédigée par Pierre Mazeaud, mettant en forme législative les principales propositions de la commission : c'est ce qui permet au nouveau gouvernement, en 1993, de faire adopter très vite par le Parlement la proposition de loi déjà votée par le Sénat et qui deviendra la loi du 22 juillet 1993.

La lecture des débats parlementaires est assez instructive sur les véritables motivations de la réforme. Il est clair qu'en arrière-plan du code de la nationalité, c'est bien la question de l'immigration qui se profile, une immigration qui a changé de nature puisque « de plus en plus les étrangers qui vivent en France viennent de pays différents de ceux dont ils venaient dans le passé »[1]. La méfiance domine : s'il faut vérifier désormais que les étrangers nés en France veulent être Français, c'est parce qu'on ne peut pas le postuler, et si l'on ne peut pas le postuler, c'est parce qu'ils n'appartiennent plus aujourd'hui à la culture européenne.

Implicitement, parfois même explicitement, se profile aussi dans ces débats l'idée que le droit du sol ne donne pas les mêmes garanties d'appartenance à la nation que le droit du sang. Devenir français, au demeurant, est un honneur, et l'on voit mal dès lors en quoi l'exigence d'un acte de volonté explicite pourrait apparaître comme vexatoire pour les intéressés, alors que « le système par récépissé paraît un peu réducteur par rapport à l'honneur d'intégrer la nation française ».

Le rétrécissement de l'accès
à la nationalité française

La loi du 22 juillet 1993 apporte en définitive des modifications importantes à la législation en vigueur, dont l'effet est de rendre plus difficile l'accès à la nationalité française.

L'essentiel de ces changements portent sur les effets du jus soli et sur l'acquisition de la nationalité française par mariage, tandis que, de façon significative, l'attribution de la nationalité française par filiation n'est pas concernée par la réforme.

  1. L'enfant né en France de parents étrangers, qui devenait Français sans formalité à l'âge de 18 ans s'il avait eu sa résidence en France pendant les cinq années qui précédent, devra à l'avenir manifester sa volonté de devenir Français entre 16 et 21 ans.

    Entre 16 et 18 ans, aucun obstacle ne peut s'opposer à l'acquisition de la nationalité française et, quoique mineur, l'intéressé n'a pas besoin de l'autorisation de ses parents pour manifester sa volonté de devenir Français. Si, en revanche, la demande est formée après l'âge de 18 ans, l'acquisition de la nationalité française n'est plus automatique : certaines condamnations pénales pour des faits commis après la majorité, ou encore l'existence d'une mesure d'expulsion ou d'interdiction du territoire font perdre au jeune étranger le droit de devenir Français.

  2. Les parents ne peuvent plus, désormais, réclamer pour leur enfant né en France la nationalité française par simple déclaration pendant sa minorité.

    Si l'on a invoqué, pour justifier cette réforme, le respect de la volonté de l'enfant — qui est évidemment un argument spécieux —, en réalité l'argument déterminant est celui tiré du « détournement de procédure » résultant de ce que les parents d'enfants nés en France seraient incités à réclamer pour eux la nationalité française en vue de bénéficier de la protection accordée aux parents d'enfants français en matière de séjour.

  3. Le « double droit du sol » en vertu duquel est français de naissance l'enfant né en France dont l'un des parents est lui-même né en France, voit lui aussi son champ d'application considérablement limité :
    •  en premier lieu, la naissance dans un territoire qui avait le statut de colonie française ou de territoire d'outre-mer n'est plus désormais assimilée à la naissance en France : ainsi, par exemple, l'enfant né en France d'un ressortissant sénégalais, ivoirien ou malgache né lui-même avant 1960, qui était Français de naissance, n'aura plus la possibilité que de demander la nationalité française entre 16 et 21 ans ;

    • en second lieu, les enfants nés en France de parents nés en Algérie avant l'indépendance, donc dans un département français, ne bénéficieront du double droit du sol que si, au moment de leur naissance, l'un au moins de leurs parents résidait régulièrement en France depuis cinq ans.

  4. Enfin, les conjoints de Français ne peuvent acquérir la nationalité française par déclaration qu'au bout de deux ans et non plus six mois de mariage et de vie commune, ce délai étant toutefois supprimé si le couple a des enfants.

    Au total, c'est bien à un rétrécissement de toutes les voies d'accès à la nationalité française, filiation exclue, que la réforme de 1993 a abouti.

La « loi Guigou » : une restauration incomplète du droit du sol

En matière de nationalité, la gauche avait toujours affirmé son attachement au droit du sol et elle n'avait pas ménagé ses critiques à l'égard de la réforme intervenue en 1993. Un de ses premiers actes, lorsqu'elle est revenue au pouvoir en 1997, a donc été de demander à la mission animée par Patrick Weil de faire des propositions pour « définir les conditions d'application du principe du droit du sol pour l'attribution de la nationalité française ». Sur cette base, un projet de loi a été préparé et déposé sur le bureau du Parlement à l'automne 1997, rétablissant l'acquisition sans formalité de la nationalité française à dix-huit ans pour les enfants nés en France, tout en conservant la possibilité de réclamer cette nationalité, sans autorisation parentale, à partir de seize ans.

Ce projet était toutefois nettement en retrait par rapport aux critiques virulentes adressées par la gauche à la réforme de 1993. Il laissait subsister les restrictions apportées à l'acquisition de la nationalité française par mariage ; il ne remettait pas en cause la suppression de l'attribution de la nationalité française à la naissance, par l'effet du « double droit du sol », pour les enfants nés en France d'un parent né sur un ancien territoire français, non plus que les restrictions apportées aux effets de ce double droit du sol pour les enfants d'Algériens.

Les députés ont modifié assez sensiblement le projet qui leur était soumis. Ils ont ramené à un an le délai pour pouvoir acquérir la nationalité par mariage. Ils ont rétabli pleinement le « double droit du sol » pour les enfants d'Algériens — mais non pour les enfants dont les parents sont nés dans un territoire d'outre-mer.

En ce qui concerne le point central de la réforme, à savoir les modalités d'acquisition de la nationalité française par les jeunes nés en France de parents étrangers, le projet gouvernemental ne prévoyait pas de revenir sur la suppression de la faculté donnée aux parents de réclamer la nationalité française pour leur enfant né en France, au cours de sa minorité. Les députés l'ont finalement répartie, mais de façon partielle.

Au total, la fidélité au droit du sol se concrétise dans le rétablissement du caractère automatique de l'acquisition de la nationalité française à dix-huit ans. Les conditions sont même assouplies par rapport à l'état du droit antérieur, puisqu'il ne sera pas demandé au jeune d'avoir résidé en France pendant cinq années consécutives entre treize et dix-huit ans, mais pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis l'âge de onze ans. La faculté de choix est par ailleurs mieux préservée puisque l'intéressé disposera d'un délai de six mois avant sa majorité et un an après sa majorité pour décliner cette nationalité, alors que, sous l'empire de la législation antérieure à 1993, il devait impérativement faire sa démarche avant l'âge de dix-huit ans.

Le dispositif de la manifestation de volonté est néanmoins conservé dans ce qu'il avait de positif, bien que le terme disparaisse : entre seize et dix-huit ans, le jeune peut acquérir volontairement la nationalité française, par simple déclaration, et sans avoir besoin de l'autorisation de ses parents.

En ce qui concerne enfin les enfants de moins de seize ans, à l'issue d'un débat interne à la majorité, une proposition de transaction a été adoptée : la nationalité française pourra être réclamée au nom de l'enfant mineur par ses parents, à partir de l'âge de treize ans et avec son consentement, s'il réside en France depuis l'âge de huit ans. La raison invoquée pour ne pas aller plus loin est que les années d'adolescence seraient, en matière d'intégration, les plus favorables. Autrement dit, on peut juger de l'intégration d'un enfant de treize ans, mais non d'un enfant en bas âge. Mais ce raisonnement inverse les termes du problème : il conduit à voir dans l'attribution de la nationalité française la consécration de l'intégration, au lieu de la voir comme un élément qui peut favoriser celle-ci.

Au total, donc, si la loi du 16 mars 1998 revient sur ce qu'il y avait de plus contestable dans la réforme de 1993, elle reste très en retrait par rapport aux déclarations préélectorales de Lionel Jospin, qui s'était engagé à rétablir dans leur intégralité les « principes républicains » du droit de la nationalité.

Indépendamment du contenu même de la réforme, la discussion parlementaire de l'automne 1997 a montré encore une fois à quel point il est devenu difficile de discuter du droit de la nationalité sans faire resurgir des réactions xénophobes et mêmes racistes. Il faut pourtant rappeler que la loi de 1973 avait été adoptée de façon relativement consensuelle après un débat serein. Mais il est vrai que c'était avant la fermeture des frontières, à une époque où l'obsession de la « maîtrise des flux migratoires » n'avait pas encore fait les dégâts que l'on sait dans l'esprit public.


[1] Toutes les citations sont extraites des débats parlementaires.

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Dernière mise à jour : 23-10-2001 15:30 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/publications/1999/jeunes/index.html


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