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 Plein Droit n° 13, mars 1991« Des visas aux frontières »
 Le 7 septembre 1990, monsieur M. et mademoiselle M. 
          déposent toutes les pièces nécessaires pour se 
          marier auprès du service de l'état-civil de la mairie 
          d'une ville de Seine-Saint-Denis. Le jour même, les bans sont 
          publiés et « afin de suivre les recommandations 
          faites par le procureur de la République lors d'une réunion 
          du 22 juin 1990 au palais de justice de Bobigny, à tous 
          les responsables de l'état-civil des communes de la Seine-Saint-Denis », 
          le dossier de mariage est transmis à monsieur le procureur. Quelques jours plus tard, « faisant suite à une 
          instruction du parquet de vérification des conditions d'entrée 
          et de séjour », le commissariat convoque mademoiselle 
          M., dépourvue en effet de titre de séjour. Le 28 septembre, 
          celle-ci se rend à la convocation. Le commissariat prend alors 
          contact avec la préfecture de la Seine-Saint-Denis qui refuse 
          de prendre un arrêté de reconduite à la frontière 
          au motif que mademoiselle M. est enceinte de sept mois. Sur instruction du procureur de la République du tribunal de 
          grande instance de Bobigny, mademoiselle M. est alors déférée 
          devant la 12ème Chambre correctionnelle qui, le 29 septembre, 
          compte tenu de sa situation, la déclare coupable de séjour 
          irrégulier, mais ajourne le prononcé de la peine au 9 avril 
          1991. Le 3 octobre, sur les conseils du tribunal, mademoiselle M. se 
          présente à la préfecture de la Seine-Saint-Denis 
          pour régler sa situation. Le service des étrangers lui 
          demande de revenir avec son passeport et la carte de séjour de 
          son futur époux. Le 9 octobre, le préfet lui notifie un arrêté 
          préfectoral de reconduite à la frontière et un 
          arrêté de rétention administrative ; son passeport 
          lui est confisqué. Elle présente alors sa convocation 
          pour le 9 avril 1991 devant la 12ème Chambre correctionnelle 
          du tribunal de grande instance de Bobigny, mais rien n'y fait. Le 10 octobre à midi, Mademoiselle M. sera en fait 
          libérée. En effet, enceinte de sept mois, elle est prise 
          d'un malaise et est hospitalisée dès le 9 octobre 
          à 22 heures. Il lui est alors notifié qu'elle doit organiser 
          son rapatriement, mais son passeport ne lui est pas restitué. Le 24 octobre, le maire est sommé, par voie d'huissier, 
          de fixer, dans un délai de quarante-huit heures, la date, l'heure 
          et le lieu de la célébration du mariage entre mademoiselle 
          M. et monsieur M., et d'en tenir leur avocat informé. Il 
          est répondu à cette sommation « qu'il n'y 
          a pas d'opposition de la part de la mairie, mais que le dossier a été 
          transmis au procureur de la République et Bobigny qui doit donner 
          l'autorisation de célébrer le mariage. (...) que 
          le dossier est complet et que la publication a été affichée 
          à la porte de la mairie le 7 septembre pendant dix jours 
          francs ». Le 9 novembre, le tribunal de grande instance de Bobigny, saisi 
          d'un référé voie de fait, ordonne la communication 
          de l'affaire au ministère public au motif que le maire du Pré-Saint-Gervais 
          a indiqué avoir agi dans le cadre des instructions permanentes 
          du procureur de la République. Le 10 novembre, le maire, ayant reçu l'autorisation du 
          procureur de la République, marie mademoiselle M. et monsieur 
          M. Le 13 novembre, le procureur affirme, comme à l'audience 
          qui suivra, que « l'enquête diligentée par 
          mes services, suite au dépôt de leur demande de mariage, 
          a pour but de vérifier les documents déposés à 
          l'appui de la demande. Elle est motivée par l'abondance de faux 
          actes d'état-civil produits par les ressortissants étrangers 
          désireux de se marier en France. Cette enquête permet d'éviter 
          l'introduction d'instance de nullité des mariages célébrés 
          au vu de renseignements erronés ». Les époux M. ont été déboutés 
          de leur action en justice au motif qu'ils étaient mariés. Cette affaire permet de rappeler que la compétence du procureur 
          de la République en matière de mariage est strictement 
          limitée par les dispositions du Code civil. Avant le mariage, il peut : 
           « Dispenser, pour des causes graves, de la publication 
            et de tout délai ou de l'affichage de la publication » 
            (art. 169, al. 1) 
           « Dans des cas exceptionnels, dispenser les futurs 
            époux, ou l'un d'eux seulement, de la remise du certificat 
            médical exigé par le deuxième alinéa de 
            l'article 63 » (art. 169, al. 2).
         Toujours avant le mariage, il lui est loisible « d'accorder 
          des dispenses d'âge pour motifs graves » (art. 145, 
          code civil). Le jour du mariage, l'article 75, alinéa 2 dispose : 
           « En cas d'empêchement grave, le procureur de 
            la République du lieu du mariage pourra requérir l'officier 
            de l'état-civil de se transporter au domicile ou à la 
            résidence de l'une des parties pour célébrer 
            le mariage. En cas de péril imminent de mort de l'un des futurs 
            époux, l'officier de l'état-civil pourra s'y transporter 
            avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la 
            République, auquel il devra ensuite, dans le plus bref délai, 
            faire part de la nécessité de cette célébration 
            hors de la maison commune ».
         Après le mariage, le procureur de la République, 
          dans tous les cas auxquels s'applique l'article 184 et sous les 
          modifications portées en l'article 185, peut et doit demander 
          la nullité du mariage, du vivant des deux époux, et les 
          faire condamner à se séparer (art. 190). D'autre part, les articles 12 et 14 de la Convention de sauvegarde 
          des droits de l'homme disposent : « Art. 12  À partir de l'âge nubile, 
          l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille 
          selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit ». « Art. 14  La jouissance des droits de libertés 
          reconnus dans la présente Convention doit être assurée, 
          sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, 
          la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes 
          autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à 
          une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre 
          situation ». D'ailleurs, la commission européenne des droits de l'homme considère 
          que l'article 12 garantit un droit fondamental à contracter 
          mariage et que le rôle des législations nationales est 
          de régir l'exercice de ce droit sans porter atteinte à 
          sa substance ou, de manière substantielle, à l'exercice 
          de ce droit. La circulaire du ministre de l'intérieur et de la Décentralisation 
          n° 82-135 du 31 août 1982 précise, 
          titre II, B, 1° : « Désormais, aucune obligation particulière 
          n'est imposée aux étrangers. Ils sont soumis aux dispositions 
          générales du code civil concernant le mariage. L'officier 
          d'état-divil peut donc célébrer leur mariage sans 
          formalité administrative particulière, et sans avoir à 
          vérifier la régularité du séjour ». Et l'instruction générale relative à l'état-civil 
          rappelle que « les autorisations de mariage exigées 
          pour certains étrangers par l'article 13 de l'ordonnance 
          du 2 novembre 1945, relative à l'entrée et au séjour 
          des étrangers en France, ont été supprimées 
          par l'article 9 de la loi n° 81-973 du 29 octobre 
          1981. En conséquence, l'inobservation par un futur époux 
          de nationalité étrangère des dispositions concernant 
          le séjour en France des étrangers ne saurait, à 
          elle seule, empêcher la célébration du mariage. 
          L'officier de l'état-civil qui procède à un tel 
          mariage ne saurait de ce seul fait encourir de responsabilité » 
          (édition mars 1990). D'ailleurs, monsieur le Garde des Sceaux a affirmé le 1er octobre 
          1985  « Aucun texte n'autorise les officiers de l'état-civil, 
          lors de la constitution du dossier de mariage, à vérifier 
          la régularité des conditions de séjour en France 
          des étrangers. En effet, l'article 9 de la loi du 29 octobre 
          1981 a abrogé les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance 
          du 2 novembre 1945 relative à l'autorisation préfectorale 
          préalable au mariage que devait jusqu'alors solliciter l'étranger. 
          Compte tenu de cette modification législative, la Chancellerie 
          a rappelé que le mariage célébré en France 
          et mettant en cause un étranger restait cependant soumis aux 
          conditions de forme du mariage prévues par la loi française 
          et, notamment, à la condition de résidence d'un des futurs 
          époux pendant un mois continu à la date de publication 
          des bans dans la commune où le mariage sera célébré 
          (cf. art. 74 du code civil). Pour la célébration 
          du mariage, aucun texte n'exige que cette habitation ait été 
          régulière au regard de la législation sur le séjour 
          des étrangers. Ces instructions constituent donc un rappel des 
          règles de droit applicables » (JO, débats 
          Sénat, Questions, 26 décembre 1985, p. 2402). Par conséquent, les maires n'ont pas à transmettre le 
          dossier de mariage à monsieur le procureur de la République, 
          pour une quelconque autorisation, sauf pour les cas limitativement énumérés 
          par les textes en vigueur. D'autre part, le parquet civil n'a pas à demander la transmission 
          de ce dossier pour autorisation préalable à mariage, notamment 
          à des fins de lutte contre l'immigration clandestine. Il est inquiétant cependant que, de manière tout à 
          fait illégale, ces pratiques se généralisent.  
 
           
            Dernière mise à jour : 
             28-12-2000 
            12:59.  Cette page : https://www.gisti.org/
doc/plein-droit/13/mariage.html
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