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 Plein Droit n° 18-19, octobre 
  1992 
  « Droit d'asile : 
  suite et... fin ? » 
        Si le statut de réfugié est une denrée hasardeuse 
          et rare par les temps qui courent, la possibilité d'y postuler 
          devient problématique. En témoigne cette Iranienne que 
          la France et la Suède s'envoient et se renvoient, espérant 
          la rapatrier à terme dans son pays d'origine. 
        
        Dans l'Airbus A 320 d'Air France qui vole entre Stockholm et Paris 
          (vol AF 2249), le 23 avril 1992, une jeune femme d'une vingtaine 
          d'années, l'air frêle, légèrement habillée, 
          serrant contre elle un gros sac. Elle occupe, au dernier rang de l'appareil, 
          le siège qui jouxte le hublot. A ses côtés, deux 
          policiers suédois en civil, une femme et un homme. 
        Au moment du service des plateaux, la passagère se met à 
          pleurer. La femme policier explique qu'il s'agit d'une Iranienne. Avec 
          son collègue, ils sont chargés de la remettre, dans la 
          soirée, à Paris, sur un vol en direction de Téhéran. 
        Cette explication à peine achevée, la jeune Iranienne 
          crie en anglais à l'hôtesse qui s'inquiète de son 
          état : « Je ne veux pas retourner en Iran ». 
          Elle ponctue son cri d'un geste de la main sur la gorge. Ils vont 
          me pendre, signifie-t-elle ainsi. 
        A Roissy-Charles-de-Gaulle, un premier guichet de la police de l'air 
          et des frontières (PAF) l'envoie au chef de quart en zone internationale. 
          Auprès de lui, un Kurde s'exprimant en anglais et un Nigerian 
          de toute évidence terrorisé. A son propos, un flic dit : 
          « Celui-là vous me le renvoyez dès demain 
          à Lagos ». 
        On interroge l'Iranienne qui s'inquiète de ses papiers qu'on 
          ne lui a pas rendus. D'où vient-elle ? Où va-t-elle ? 
          Son périple est rapidement reconstitué. Une semaine auparavant, 
          elle a quitté clandestinement l'Iran en bateau pour Dubaï, 
          où elle achète un faux passeport. De là, elle prend 
          le premier avion venu, d'une compagnie scandinave, via Amsterdam, vers 
          Stockholm. 
        La police suédoise produit un seul papier la concernant : 
          une carte d'embarquement d'Air France sur le vol Paris-Stockholm au 
          nom de Mme Torgensson. La jeune Iranienne s'étonne de la 
          présence de cette carte dans ses bagages et de cette surprenante 
          identité nordique. Elle en ignorait l'existence. Mais la police 
          française n'est pas surprise. « Une pratique courante 
          entre nous, d'un pays à l'autre, quand on veut se décharger 
          sur les voisins d'un passager encombrant ou indésirable. Rien 
          de plus facile que de subtiliser ses documents et de le munir à 
          son insu d'une carte d'embarquement d'emprunt », explique, 
          narquois, un agent de la PAF. « Comme ça, on se 
          les renvoie à coups de fausses cartes ». 
        L'Iranienne insiste sur le fait que sa sur et sa tante résident 
          toutes deux en Suède, l'une à Upsala, l'autre à 
          Stockholm. Mais le responsable de la PAF prend la décision de 
          la placer en zone internationale, à l'hôtel Arcade. Il 
          promet au membre de l'équipage de l'avion, qui l'a suivie jusque 
          là pour tenter de comprendre, qu'aucune mesure d'éloignement 
          ne sera prise tant que le Haut Commissariat pour les réfugiés 
          (HCR) et l'Office français de protection des réfugiés 
          et apatrides (Ofpra) n'auront pas entendu la jeune femme. 
        La PAF n'en estime pas moins a priori que cette demande d'asile 
          concerne la Suède. Vérifications faites le lendemain, 
          il s'avérait que, dès la fin de l'après-midi, la 
          PAF l'avait réexpédiée sur Stockholm sans attendre. 
          Le soir même, la Suède la renvoyait à Paris avec 
          une nouvelle carte fantaisiste d'embarquement sous une autre identité 
          suédoise. Gardée quatre jours à l'hôtel Arcade, 
          la jeune Iranienne repartira en Suède où des associations 
          de défense des droits de l'homme, alertées par leurs homologues 
          françaises, imposent son admission et l'enregistrement de sa 
          demande d'asile. 
        Que se serait-il passé si un membre d'équipage un peu 
          attentif n'avait, le 23 avril, suivi les aventures de l'infortunée 
          passagère, puis sonné le tocsin auprès des associations ? 
          Et que se passe-t-il quotidiennement dans la multitude des avions où 
          nul ne se soucie de ces étrangers du dernier rang qui pleurent 
          silencieusement entre deux policiers en civil ? Qu'est, par exemple, 
          devenu le Nigerian terrorisé de la zone internationale ? 
         
           
          
           
            Dernière mise à jour : 
             21-01-2001  21:56.   
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