[Logo]
[Bienvenue] [Le Gisti ?] [Adresses] [Bienvenue] [Plan du site] [Recherche] [Aide]
[Idées] [Formations] [Pratique] [Le droit] [Publications]
     

« Des étrangers sans droits dans une France bananière »
Rapport de mission en Guyane et à Saint-Martin

EN GUYANE

Des Noirs marrons marginalisés

Retour au document

Qu'ils soient Boni (ou Aluku), Saramaka, Ndjuka ou Paramaka, les Noirs marrons souffrent de la non-reconnaissance de leur identité. Quand on accepte qu'ils l'affirment, c'est à des fins commerciales et touristiques au bénéfice de la Guyane. Sur le plan juridique, les Ndjuka, par exemple, sont considérés comme français ou surinamiens en vertu d'une appartenance nationale issue des hasards d'une histoire qui n'est pas la leur. Elle ne représente pour eux que des « papiers ». Les « papiers » français apportent l'avantage de la libre circulation entre la Guyane et le Surinam ; les « papiers » surinamiens transforment la traversée du fleuve Maroni — qui est, comme une terre ferme, le centre de leur univers — en délit à Saint-Laurent-du-Maroni, un lieu que leurs ancêtres fréquentaient.

Pour les Noirs marrons, un fleuve — territoire ancestral du groupe — ne peut être une frontière, à moins qu'une convention entre les Etats riverains les autorise à le franchir librement et à vivre alternativement sur ses deux rives. D'autant que, avant d'être un individu, au sens occidental du terme, chaque Noir marron est une molécule au sein d'une société structurée de lignages et de clans soudés dans un système foncier, dont l'ordre est assuré par des personnes morales appliquant les lois coutumières. Les diviser entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas la nationalité française introduit un conflit larvé à l'intérieur du corps social. Comme le confirmait une Ndjuka, « ils vont nous amener à nous battre entre nous pour des papiers français ! ».

La ghettoïsation des Noirs marrons à Saint-Laurent-du-Maroni, dans les quartiers de Chardonnière, des Sables blancs ou des Ecoles les séparent, d'une part, des autres Saint-Laurentais ; d'autre part, en les fondant tous dans la catégorie « noire marronne », cette ghettoïsation ignore leurs identités ethnique et lignagère et rend ainsi impossible le maintien de leur organisation traditionnelle. Installés dans des logements sociaux trop petits et trop serrés pour permettre toute extension ultérieure en fonction des besoins de la famille, ces résidences les condamnent à un avenir de banlieue. En même temps, leur isolement du reste de la population créole française de la ville favorise les réflexes racistes. Les Saint-Laurentais se sentent, de la sorte, envahis ou cernés par une population étrangère à laquelle elle ne reconnaît plus les qualités qu'elle leur accordait autrefois, tant ils deviennent acculturés. Beaucoup d'enfants — tous ceux qui appartiennent à des familles en situation irrégulière — ne sont pas scolarisés, et ceux qui le sont vivent leur parachutage à l'école comme une immersion dans un contexte culturel producteur d'échec, comme l'observent les enseignants.

On a considéré que l'habitat traditionnel des Noirs marrons était insalubre. On a offert à ceux d'entre eux qui ont des papiers de petites maisons bien alignées dans des cités éloignées de la ville et aussi du fleuve à la faveur d'une politique d'intégration qui est également une politique d'apartheid, avec reconduite à la frontière de tout « Surinamien » sans papiers, mais jamais d'Amérindien surinamien. Ces peuples dotés de cultures fortes minées par les lois républicaines françaises se voient ainsi promis à un avenir problématique.

De l'autre côté du fleuve, le gouvernement surinamien relance l'étude d'un projet de concession de l'ensemble du territoire ndjuja à la société d'exploitation forestière indonésienne Berjaya. Pris en tenailles entre les rapatriements français et la menace de destruction de leur territoire, les Marrons ndjuka se demandent où, bientôt, ils pourront bien marronner.

Avec l'aimable collaboration de Diane Vernon, ethnologue

En haut

Dernière mise à jour : 8-01-2001 18:48.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/publications/1996/bananier/guyane/marrons.html


Bienvenue  | Le Gisti ?  | Adresses  | Idées  | Formations  | Pratique  | Le droit  | Publications
Page d'accueil  | Recherche  | Plan du site  | Aider le Gisti  | Autres sites

Comment contacter le Gisti