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Les droits des Algériens en France

Introduction

Coll. « Cahiers juridiques », janvier 2000

Présentation | Sommaire


Autre temps, autres moeurs. Lorsque, le 19 mars 1962, l'Algérie et la France ont signé les accords d'Évian reconnaissant l'indépendance de l'Algérie, les deux pays sont convenus que « les ressortissants algériens résidant en France et, notamment, les travailleurs, auront les mêmes droits que les nationaux français, à l'exception des droits politiques ». A ce principe d'égalité des droits, les accords d'Evian ont ajouté le respect de la libre circulation.

Par cet accord bilatéral, les deux pays ont manifesté leur volonté de poser les bases d'un régime « spécial » qui, à l'origine, privilégiait les ressortissants algériens en matière d'entrée et de séjour comme de protection sociale.

Mais avec l'évolution des textes et des pratiques administratives depuis 1962, le régime spécial, initialement plus favorable, est devenu au fil des ans d'une rigueur plus grande que celui du « droit commun », applicable aux autres étrangers. Et les principes d'égalité et de liberté de circulation qui fondaient les rapports franco-algériens ont été peu à peu remis en cause, jusqu'à disparaître quasi-totalement.

Trois étapes rythment le durcissement des conditions d'entrée et de séjour des Algériens en France :

  • L'accord du 27 décembre 1968 signé entre les deux pays, et relatif à « la circulation, l'emploi et le séjour des ressortissants algériens sur le territoire français » instaure un régime juridique à part auquel sont soumis les Algériens. Bien qu'il s'inscrive dans le cadre des accords d'Évian, l'accord de 1968 revient sur le principe de liberté de circulation, notamment en ce qu'il oblige les Algériens à présenter un passeport à la frontière pour entrer en France, et institue un contingentement des travailleurs algériens autorisés chaque année à s'installer en France. L'accord de 1968 crée également le « certificat de résidence », titre de séjour propre aux ressortissants algériens. C'est ce texte, amendé par deux avenants, qui régit aujourd'hui encore les conditions d'entrée et le séjour des Algériens en France.

  • Les avenants du 22 décembre 1985 et du 28 septembre 1994 modifiant l'accord du 27 décembre 1968 marquent un rapprochement entre le régime spécifique aux Algériens et le droit commun. En particulier, l'avenant du 22 décembre 1985 calque la durée de validité des titres de séjour (un an ou dix ans) sur celle des titres des autres étrangers. L'avenant du 28 septembre 1994 vise à aligner les conditions d'entrée et de séjour des Algériens sur celles issues des lois « Pasqua ». Toutefois, même après ces changements, l'alignement n'est pas complet. Dans certains domaines, des droits reconnus aux étrangers relevant du droit commun, en application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ne concernent pas les Algériens car l'accord de 1968 est muet ou plus sévère sur ces questions.

  • En septembre 1986, la France impose unilatéralement l'obligation de visa aux ressortissants de ses anciennes colonies africaines et à l'Algérie, qui en étaient jusque là dispensés. Les Algériens doivent donc soudain présenter, en plus de leur passeport, un visa pour pouvoir entrer en France. A cela s'ajoute, depuis août 1994, date de la fermeture des consulats de France en Algérie, le fait que les demandes de visas des ressortissants algériens sont instruites à Nantes par le ministère des affaires étrangères et non plus en Algérie. Cette complication prend place dans un contexte de restriction drastique du nombre de visas accordés aux Algériens. La politique française de blocage des frontières a ainsi fait tomber à 80 000 le total des visas délivrés aux Algériens en 1998, contre 800 000 en 1990. Ce durcissement a des conséquences dramatiques pour tous les Algériens qui cherchent à fuir la guerre civile et dont les demandes de visa sont rejetées. Le gouvernement de Lionel Jospin promet, depuis 1998, un retour progressif à la normale (accroissement du nombre de visas délivrés, réouverture des consulats de France en Algérie — tout en maintenant le bureau des visas algériens de Nantes en fonction...). Ces promesses restent jusqu'à présent sans effets.

Les trois étapes de l'évolution du statut des Algériens — et, sous d'autres modalités, de celui des ex-colonisés — montrent la fragilité de tout statut dérogatoire. En l'espèce, il a permis sans difficultés de passer du temps des « privilèges » à celui des « handicaps », par le biais d'accords techniques d'État à État qui n'émeuvent personne. Les États ont leurs raisons que l'opinion ne connaît presque jamais.

Cette régression constante de la position des Algériens s'est évidemment confirmée à l'occasion de la modification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la loi du 11 mai 1998 (la loi RÉSÉDA conçue par Jean-Pierre Chevènement). Celle-ci a accentué les différences de traitement entre Algériens (les Tunisiens et, dans une moindre mesure, les Marocains sont également pénalisés) et autres étrangers. Or, au nom du principe de la hiérarchie des normes, l'accord franco-algérien, qui régit les conditions d'entrée et de séjour des Algériens, prime sur la loi française : il est d'ailleurs appliqué aveuglément par l'administration française qui écarte systématiquement les dispositions de la loi plus favorables.

Ainsi, les nouveaux titres de séjour créés par cette loi (la carte de séjour portant la mention « retraité », valable dix ans, les cartes temporaires portant la mention « vie privée et familiale », « scientifique » et « profession culturelle ou artistique », valables un an) ne sont pas accordés aux ressortissants algériens [1]. Ces exclusions semblent d'autant plus absurdes — à moins qu'elles ne soient calculées — que certaines catégories d'Algériens (les retraités et les parents d'enfants français notamment) sont, pour des raisons historiques, particulièrement nombreuses en France. De surcroît, certaines dispositions de la loi du 11 mai 1998 — notamment celles relatives au droit de mener une vie privée et familiale normale — sont directement inspirées par la Convention européenne des droits de l'homme. Elles ont donc vocation à s'appliquer à tous les étrangers.

Les questions de protection sociale font, elles aussi, l'objet d'un accord spécifique entre les deux pays : la convention du 1er octobre 1980 est, globalement, plus favorable aux ressortissants algériens que ne l'est le droit commun pour les autres étrangers. La loi interne française devrait donc, selon le principe de hiérarchie des normes, s'effacer devant les dispositions de la convention bilatérale de sécurité sociale. Or, tel n'est pas le cas. L'administration applique en matière de protection sociale la loi interne, moins favorable — notamment sur la condition de régularité de séjour — que la convention franco-algérienne. Doit-on conclure que l'administration choisit les textes qui l'arrangent, c'est-à-dire ceux qui limitent le plus les droits des Algériens ?

Trente-sept ans après l'accession de l'Algérie à l'indépendance, le bilan des relations franco-algériennes fait apparaître une nette régression. On est passé d'un dispositif attaché à faciliter la liberté de circulation à un régime particulièrement rigoureux et pénalisant. Qu'attendent les gouvernements des deux pays pour faire en sorte que le droit commun (conventions internationales d'abord, droit national ensuite, surtout quand celui-ci s'efforcera de respecter à la lettre les règles internationales) s'applique à tous ?


[1] Sur ce point, une récente décision du Conseil d'Etat ouvre cependant de nouvelles perspectives (CE, 14 avril 1999, Ijgua, document reproduit en annexe ; voir aussi Plein Droit n°43, p. 43).

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Dernière mise à jour : 27-08-2000 17:30.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/publications/2000/algeriens/intro.html


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