Les missions du Gisti dans les hotspots grecs
À partir du printemps 2015, l’Europe voit arriver à ses frontières maritimes des centaines de milliers de réfugiés syriens, principalement en Grèce et en Italie. Conséquence logique d’une guerre qui dure depuis 2011, ce phénomène a bouleversé la politique d’asile de l’Union européenne, qui s’est efforcé de l’enrayer.
Les hotspots sont nés dans ce contexte. « L’approche hotspot » est supposée aider les pays dits de « première ligne », ceux qui voient arriver les migrants à leurs portes, à remplir leurs obligations de contrôle et « d’accueil » des arrivants ». Plusieurs agences européennes interviennent, notamment Europol pour la coopération policière, Frontex (agence européenne pour la surveillance des frontières) et EASO, l’agence européenne de l’asile, pour faire le tri entre les personnes ayant besoin d’une protection internationale et les migrants dits « économiques ». La lutte contre le terrorisme est également visée, des discours extrémistes répandant l’idée que des djihadistes pourraient se faire passer pour des demandeurs d’asile afin de pénétrer en Europe.
Les hotspots sont conçus comme des centres d’enregistrement où sont regroupés les migrant·es qui arrivent pour régler les formalités administratives et où ils peuvent, en principe, déposer une demande d’asile. En pratique, ce sont des camps qui empêchent ces personnes fuyant leurs pays de pénétrer sur le territoire européen. « L’approche hotspost » est rapidement devenue un système déshumanisant qui viole les droits les plus élémentaires des personnes, à commencer par celui d’accéder à l’asile. Au nom de la protection des frontières, la solidarité entre les États y prend le pas sur l’accueil digne dont devraient bénéficier les exilé·es.
En parallèle, les autorités grecques, parfois aidées par l’agence Frontex, interceptent les nouvelles embarcations et les refoulent vers la Turquie. Illégaux et indignes, ces pushbacks d’une extrême violence et pouvant conduire jusqu’à la mort, sont pourtant massivement utilisés par les autorités grecques pour décourager les migrants de pénétrer sur le sol européen.
« L’approche hotspot » s’articule avec une modification de la procédure d’asile intervenue en Grèce en 2021 : en considérant que dans leur cas, la Turquie est un pays « sûr », elle exclut de nombreuses nationalités comme les Syriens, les Afghans, les Somaliens, les Pakistanais et les Bangladais de la possibilité de demander l’asile en Grèce.
Si l’accord est pour le moment gelé (aucun renvoi vers la Turquie n’ayant eu lieu depuis mars 2020 [1]), ce qui empêche bon nombre d’expulsions vers la Turquie, ces personnes n’en continuent pas moins à être détenues dans les hotspots. La plupart d’entre elles sont enfermé·es dès leur arrivée pour une durée de 18 mois (pour entrée illégale), qui peut être renouvelée pour une nouvelle période de 18 mois (pour séjour sans autorisation), soit au total trois ans de détention.
Le Gisti a organisé une première mission d’observation en 2016 sur les îles de Lesbos et Chios pour constater que l’approche hotspot engendrait un système déshumanisant où la violation des droits fondamentaux, à commencer par celui d’accéder à une demande de protection internationale, est la règle.
Trois ans plus tard, une seconde mission du Gisti et de Migreurop, conduite dans l’île de Samos au mois d’octobre 2019, confirmait que les hotspots, loin d’être des « centres d’accueil et de prise en charge des personnes en fonction de leurs besoins », étaient en réalité des camps de détention et de tri, parfois à ciel ouvert, installés par l’Union européenne à ses frontières maritimes orientales pour interdire aux exilé.es l’accès au continent.
Une troisième mission, organisée par ces deux associations en octobre 2021, cette fois dans les îles de Kos et Leros, peu médiatisées, a permis de compléter ce sombre tableau, alors que de nouveaux camps d’enfermement high-tech, financés par l’Union européenne, voyaient le jour sur ces 5 îles grecques.
1. La mission de juin 2016 à Lesbos et Chios
La mission réalisée en juin 2016 par 3 membres du Gisti a donné lieu à la publication d’un rapport sur la situation dans les camps de Lesbos et Chios.
Gisti, « Accord UE-Turquie : la grande imposture. Rapport de mission dans les « hotspots » grecs de Lesbos et Chios », juillet 2016
Version en anglais : « EU-Turkey statement : the great deception »
A l’occasion de la mission, 51 requêtes ont été déposées devant la Cour européenne des droits de l’Homme.
Voir le dossier contentieux : « Conditions de détention dans les hotspots de Chios : Kaak et autres c. Grèce »
Voir le communiqué : « Pour la Cour européenne des droits de l’Homme, tout va bien dans les hotspots grecs »
2. La mission d’octobre 2019 à Samos
La deuxième mission du Gisti en Grèce s’est concentré sur le hotspot de Samos.
Cette mission a donné lieu à un rapport de mission « Hotspot de Samos, l’enfer à la frontière gréco-turque », avril 2020.
English version :
3. La mission d’octobre 2021 à Kos et Leros
Une troisième mission, organisée par le Gisti et Migreurop avec la participation d’un photographe du 5 au 11 octobre 2021, cette fois dans les îles de Kos et Leros, peu médiatisées, a permis de compléter ce sombre tableau, alors que de nouveaux camps d’enfermement high-tech, financés par l’Union, voyaient le jour sur ces 5 îles grecques.
Au moment de la mission, Au moment de la mission, peu de personnes exilées se trouvaient sur les îles de Kos et Leros. Cette faible présence est la conséquence de la pandémie de Covid-19, ayant rendu la circulation encore plus difficile, mais aussi de la pratique illégale des pushbacks consistant à refouler les personnes vers la Turquie, sans enregistrer leur demande d’asile, et enfin des transferts des personnes les plus vulnérables vers le continent. Quant aux personnes qui auraient réussi à traverser la mer, ils et elles ont quasiment tou⋅tes été immédiatement placé⋅es en détention, et leur demande d’asile la plupart du temps rejetée.
Ces îles et le système de contention mis en place contribuent à la stratégie d’invisibilisation et de maltraitance des exilé∙es qui arrivent aux portes de l’UE.
Cette mission a donné lieu à un podcast composé de 7 épisodes. Ce podcast, réalisé avec le studio radio de la Parole errante demain, donne la parole aux exilé∙es bloqué∙es sur ces îles, et aux personnes qui travaillent ou militent à leurs côtés, afin de mettre en lumière et dénoncer le système des hotspots qui n’a pour but que de bloquer, enfermer et expulser les exilé∙es.
Podcast : Les camps d’enfermement des îles grecques de Kos et Leros
Le podcast audio est en ligne sur notre AudioBlog Arte radio. L’album photo complet est en ligne sur notre page FlickR. Des montages vidéo associent audio, photos ainsi que des sous-titrages en anglais et en français sont en ligne sur notre page indymotion : https://indymotion.fr/@gisti Les transcriptions des épisodes, en anglais et en français, sur cette page. |
Épisode 1. L’enfermement sur l’île de Kos
Podcast sur Arte radio /
Vidéo sur Indymotion
Retranscriptions (PDF) : english & français
Liens alternatifs : [FR] Vidéo avec sous-titrage français / [EN] Video with English subtitles
Vous pouvez aussi activer les sous-titres en français ou en anglais,
en cliquant en bas à droite de la vidéo sur Paramètres.
Voir la suite des épisodes ici.
Autres rapports sur la détention à Kos :
- Equal rights beyond border, Detained and Forgotten at the Gates of the EU : Detention of Migrants on the Island of Kos
This report documents the use of immigration detention on the Eastern Aegean Island of Kos. Kos hosts one of five Greek EU hotspots and the only pre-removal detention centre (PRDC) on the Eastern Aegean islands. Since January 2020, the Greek authorities have detained nearly every asylum seeker who has arrived there, leaving many people to linger in detention for months, and often more than a year.
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