III. Condition d’assimilation

L’assimilation à la communauté française implique notamment une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République (art. 21-24 du code civil).

L’assimilation suppose par ailleurs que le demandeur témoigne de son adhésion aux valeurs essentielles de la société française. Ainsi, la polygamie traduit un défaut d’assimilation aux mœurs françaises qui fait obstacle à la naturalisation.

La circulaire du 27 juillet 2010 relative à la procédure de déconcentration de la procédure d’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique précise à l’intention des préfectures que « la notion d’assimilation implique une participation aux activités de la société française, et l’adhésion tant à ses règles de fonctionnement qu’à ses valeurs de tolérance de laïcité, de liberté et d’égalité ». Elle poursuit : « Les éléments révélateurs d’une attitude intolérante ou discriminatoire fondée notamment sur des critères de sexe, de race, de religion ou de nationalité (ex. : dénigrement de certaines communautés, appartenance à des mouvements prônant l’action violente ou une pratique radicale de la religion) ou un mode de vie non conforme aux us et coutumes (ex. : confinement au foyer, limitation des relations sociales avec des personnes de l’autre sexe), voire contraire à l’ordre public (polygamie, pratique de mutilations sexuelles) pourront ainsi donner son motif à une décisions d’irrecevabilité. » La circulaire du 24 août 2011 relative au contrôle de la condition d’assimilation dans les procédures d’acquisition de la nationalité française contient des directives analogues.

La condition d’assimilation était traditionnellement vérifiée à l’occasion d’un entretien avec un agent de la préfecture qui établissait un procès-verbal d’assimilation. La loi du 16 juin 2011 a prévu, sous prétexte de rendre les appréciations plus objectives, que le niveau des connaissances requises ainsi que leurs modalités d’évaluation seraient désormais fixées par décret (art. 37 et 41 du décret du 30 décembre 1993 dans leur rédaction issue du décret du 30 janvier 2012). Sur la base des nouveaux textes, la vérification du niveau linguistique requis se fait par la production d’un diplôme ou d’une attestation.

Ces mêmes textes prévoyaient la vérification du degré de connaissance de la société française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française, à l’aide d’un questionnaire à choix multiples auquel le postulant devrait répondre lors de l’entretien d’assimilation. Le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a annoncé que cette procédure ne serait finalement pas appliquée : la circulaire du 16 octobre 2012 instaure le retour à un entretien prenant la forme d’une discussion, le succès de l’assimilation étant évalué dans son ensemble et non sur la base de réponses à une ou plusieurs questions précises. Cela ne garantit pas pour autant une évaluation plus juste des connaissances des postulants, la décision relevant toujours, en définitive, de la libre appréciation de l’administration.

Comme en témoignent les exemples mis en avant par ces circulaires, le défaut d’assimilation est de plus en plus souvent invoqué au vu de comportements liés à la pratique de l’Islam : port du foulard ou a fortiori du voile intégral, propos ou mode de vie incompatibles avec les valeurs de la société française, appartenance à des mouvements religieux fondamentalistes musulmans dont les thèses sont incompatibles avec les valeurs républicaines.

Il arrive fréquemment, lorsque les motifs invoqués ont trait à l’assimilation - et comme c’est le cas pour les autres motifs -, que la demande soit rejetée ou ajournée au stade de l’appréciation en opportunité, alors qu’elle a passé le cap de la recevabilité. Dans ce cas, le rejet intervient sur le fondement non pas de l’article 21-24 du code civil mais de l’article 48 du décret du 30 décembre 1993 qui précise les pouvoirs du ministre chargé des naturalisations : « Si le ministre chargé des naturalisations estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l’ajournement en imposant un délai ou des conditions ».

La circulaire du 27 juillet 2010 précitée rappelle aux préfectures que « l’autorité administrative doit, dans son examen de l’opportunité d’une naturalisation, tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire (comportement, civisme, insertion professionnelle, loyalisme, etc.), au nombre desquelles peuvent légalement figurer celles qui ont été examinées pour statuer sur la recevabilité de la demande ». Et le juge administratif réaffirme de son côté, de façon constante, que dans le cadre de l’examen d’opportunité, le ministre peut légalement prendre en compte le degré d’assimilation du postulant à la communauté française et, en particulier, son degré de maîtrise de la langue française.

Les conditions complémentaires ajoutées au cours des dernières années pour apprécier la condition d’assimilation n’ont pas été remises en cause par le gouvernement socialiste, qui a réaffirmé au contraire leur importance. Ainsi, la circulaire du 16 octobre 2012 rend obligatoire la signature de la charte des droits et devoirs du citoyen français, rappelant les valeurs considérées comme « essentielles » de la société française. La signature intervient à l’issue de l’entretien destiné à évaluer son assimilation ; le refus de signer entraîne un rejet en recevabilité systématique de la demande.

Une deuxième circulaire du 16 octobre 2012 a également étendu le champ de la condition d’assimilation en indiquant que le « recours récurrent aux systèmes d’assistance » constitue la marque d’un défaut d’intégration dont il convient de déduire que la condition d’assimilation n’est pas remplie. Cette disposition, outre qu’elle va jouer au détriment des personnes en situation de précarité, brouille la distinction entre deux critères jusque-là bien distincts : assimilation et autonomie matérielle.

L’entretien d’assimilation vire souvent à l’examen de connaissances de l’histoire, des institutions et de la société française, ainsi que de l’adhésion aux « principes et valeurs essentiels » de la République. On amène ainsi les demandeurs à se prononcer sur des sujets complexes et polémiques : comme lorsqu’on demande à un postulant dont le niveau d’étude est peu élevé de donner une définition acceptable des mots « laïcité » et « démocratie » ou lorsqu’on demande à une femme de dire si elle est pour ou contre l’interdiction du foulard à l’école ou l’existence d’horaires séparés pour les femmes et les hommes dans les piscines. Les décisions d’irrecevabilité pour défaut d’assimilation, en raison de l’incapacité des candidats de répondre aux questions posées par les agents préfectoraux lors de cet entretien, tendent à se multiplier, motivées de la façon suivante : vous avez démontré une « méconnaissance manifeste de l’histoire, la culture et la société française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ».

Il faut enfin insister sur les conditions dans lesquelles se déroulent les entretiens d’assimilation, souvent très déstabilisantes pour les personnes concernées. L’attitude des agents comme les questions posées montrent que dans bien des cas l’objectif de l’entretien préfectoral est de rechercher tout élément qui permettra de rejeter en opportunité les demandes, même lorsqu’elles répondent aux conditions de recevabilité.


A. Assimilation dans les textes

B. Connaissance de la langue française

C. Connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises

D. Us et coutumes / adhésion aux principes et valeurs essentiels de la société française

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Dernier ajout : lundi 20 avril 2015, 10:07
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