C. Connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises

L’évaluation des connaissances sur l’histoire, la culture et la société françaises est censée être évaluée à partir du « Livret du citoyen », approuvé par un, arrêté du 19 février 2015. Le livret inclut des rubriques qui portent à la fois sur les valeurs et principes de la République (avec un accent particulier mis sur l’égalité entre les femmes et les hommes et sur la laïcité), sur le fonctionnement des institutions, sur l’histoire nationale, sur la place de la France dans les relations européennes et internationales, sur des sites géographiques français remarquables ; il se clôt par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Les décisions de refus montrent que les entretiens s’appuient sur une grille de questions majoritairement extraites de ce qui figure dans le livret, mais pas exclusivement. En effet, les candidats sont aussi interrogés sur leurs motivations personnelles (« pourquoi souhaitez-vous devenir Français ? ») et le fait de ne pas être en mesure de donner une justification jugée satisfaisante peut être invoqué comme motif de refus.

Les grilles couvrent un large éventail de questions de culture générale auxquelles beaucoup de Français de naissance seraient bien en peine de répondre. Pas seulement parce que ces questions requièrent un bagage culturel que de nombreux nationaux ne possèdent pas, mais aussi parce qu’il peut ne pas y avoir de « bonne réponse », en ce sens que celle-ci peut donner lieu à débat en fonction des interprétations de chacun. Pour n’en citer que deux : « quelle est la signification de la laïcité ? », « qu’est-ce que la démocratie ? ». L’absence de réponse ou les mauvaises réponses éventuelles des candidats sont retenues contre eux, et elles apparaissent sous forme de listes dans les décisions d’ajournement ou de rejet.

Manifestement, l’introduction du « Livret du citoyen », loin de participer d’un assouplissement de l’évaluation des connaissances sur l’histoire, la culture et la société françaises, s’inscrit au contraire dans la perspective d’un renforcement des exigences, débouchant sur la multiplication des refus pour « Méconnaissance manifeste de l’histoire, la culture et la société française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française »

  • Sous-préfecture de Torcy, préfecture de Seine et Marne, 20 février 2024
    La demande est ajournée à deux ans pour la raison suivante : malgré certaines réponses correctes aux questions posées, « vous n’avez pas su citer la mer en Vendée, de musées en France, le premier ministre ni le ministre de l’intérieur, de chanteuses françaises. Ces réponses témoignent d’une connaissance insuffisante des éléments fondamentaux relatifs aux grands repères de l’histoire de la France, aux règles de vie en société (symboles et institutions de la République ».
  • CAA Nantes, 28 février 2020, n°19NT00416
    Il ressort du compte-rendu de l’entretien d’assimilation que le demandeur a notamment répondu « je ne sais pas » à la question : « quel est le nom de l’hymne national ou le chant national si vous préférez » et « je ne connais pas » aux questions telles que : quelle est la devise de la République ou les trois valeurs républicaines ou encore : « citez-moi deux fleuves français ». Il n’a pas su définir correctement, même de manière générale, les concepts de laïcité, de fraternité et de démocratie et ne connaissait ni la date de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ni le nom du ministre de l’intérieur.
    Si le postulant dit avoir subi un grave accident du travail en 1986 à la suite duquel il a été reconnu invalide avec un taux d’incapacité de 80 %, et s’il soutient qu’en raison de ce handicap, il souffre de troubles de la mémoire qui l’ont empêché de répondre aux questions posées, ces seuls éléments ne sauraient expliquer sa connaissance très imparfaite de repères essentiels et de symboles de la République, en particulier s’agissant de la définition de concepts comme la fraternité ou la démocratie.
  • CAA Nantes, 7 juin 2019, n°18Nt04548
    Il ressort du compte-rendu établi à la suite de l’entretien d’assimilation que si le postulant a été mesure de décrire le drapeau français, connaît la capitale de la France et a pu citer un de ses monuments, des éléments de la géographie de ce pays et deux présidents de la République française ainsi que l’âge à partir duquel le droit de vote peut être exercé, il n’a, en revanche, pas été en mesure de donner les dates des deux guerres mondiales, le jour de la fête nationale, des éléments relatifs à l’histoire de la France. Il n’a pu citer intégralement la devise de la République Française et ignore la signification de ses termes tout comme celui de laïcité. Dans ces conditions, bien qu’il avance avoir été impressionné le jour de l’entretien et présenter des troubles de la mémoire, le ministre de l’intérieur a pu estimer qu’il n’y avait pas lieu de lui accorder la nationalité française, sans entacher sa décision de rejet d’une erreur manifeste d’appréciation.
  • CAA Nantes, 30 avril 2019, n°18Nt03426
    Il ressort du compte-rendu de l’entretien d’assimilation que la postulante a manifesté une méconnaissance générale des valeurs essentielles de la République française, ainsi qu’une méconnaissance de l’histoire, de la culture, de la société française. Elle n’a pas été en particulier en mesure de citer correctement la devise de la République française, de définir la notion de fraternité, d’expliquer à quoi correspond la date du 14 juillet, jour de la fête nationale et l’objet des dernières élections qui se sont déroulées en France. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier, notamment du compte rendu d’entretien qui note que « la postulante s’exprime bien, normalement, calmement », qu’elle aurait ressenti durant l’entretien un état d’anxiété tel qu’elle aurait été empêchée de pouvoir répondre correctement aux questions qui lui ont été posées portant sur des principes essentiels de la République, ni que l’agent chargé de mener l’entretien aurait négligé de tenir compte de son niveau d’instruction, l’intéressée se présentant comme titulaire d’un diplôme universitaire. Dans ces conditions, le ministre de l’intérieur a pu estimer insuffisante l’assimilation de la postulante à la communauté française, sans entacher sa décision d’une erreur de droit, ni d’une erreur d’appréciation.
  • Le Raincy, 17 mai 2017
    « Vous n’avez pas été en mesure de citer le nom du maire de votre ville de résidence et ses fonctions se résument à gérer la ville. Par ailleurs, vous citez les villes de Nice, Marseille, Paris comme des régions de France et Saint-Denis, Ile Saint-Denis et Ile de France comme des départements. De plus, vous dites que le population ou le président de la République votent les lois. Enfin vous n’avez pas su donner le nom du Premier ministre et aucun nom de ministre du gouvernement actuel. »
  • Préfecture de police de Paris, 29 mars 2017
    « Si vous connaissez un personnage de l’histoire de France, le nom du premier président de la Ve République, l’âge minimum pour voter et deux monuments français, en revanche vous n’avez pas été en mesure de nous indiquer ce qu’est la laïcité, vous ne connaissez pas les dates de la 2è guerre mondiale, le nom d’un roi de France, à quels événements correspondent les célébrations du 14 juillet et du 11 novembre. Il ne vous a pas été possible de citer le nom de quelques fleuves français excepté la Seine ».
  • CAA Nantes, 28 décembre 2016
    « Il ressort des pièces du dossier qu’au cours de son entretien d’assimilation qui s’est déroulé le 5 décembre 2013, l’intéressée, en dépit de sa maîtrise de la langue française, n’a pu citer aucun acteur ou chanteur français, ni aucun film et a été dans l’incapacité de mentionner une période marquante de l’histoire de la France ; que si elle connaissait le nom du président de la République, et savait qu’il était le président de la Vème République et que la Marseillaise était l’hymne national, elle n’a su donner le nom d’aucun ministre ; que parmi les principes de la République, elle n’a pas évoqué le droit de vote et a éprouvé des difficultés à expliquer la notion de " laïcité " ; que la commission d’évaluation composée de trois personnes, a émis un avis défavorable à sa demande ; qu’ainsi, le ministre de l’intérieur, qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation de l’opportunité d’accorder la nationalité française à l’étranger qui la sollicite, a pu rejeter sa demande sans entacher sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ; »
  • Préfecture de Seine-Saint-Denis, 26 janvier 2016
    « A la question : « quelle est la devise de la République », vous avez répondu : « je ne sais pas » ; à la question : « comment se nomme l’hymne national », vous n’avez rien répondu ; à la question : « connaissez vous des monuments comme la Tour Eiffel », vous avez répondu : « je ne connais pas bien » ; à la question : « que veut dire pour vous le mot “liberté” », vous avez répondu : « tu vis bien, tu libères et tu vis beaucoup de choses ». Et à la question : « savez vous qui était Jeanne d’Arc », vous avez répondu : « c’est la femme de… » et plus rien. »
  • Préfecture de police de Paris, 19 janvier 2016
    « Malgré trente ans de résidence en France vous avez démontré une méconnaissance manifeste de l’histoire, la culture et la société françaises et/ou des droit et devoirs conférés par la nationalité française. Vous avez déclaré ne pas savoir à quel événement important de l’histoire de France se rapporte le 14 juillet et n’avez pu citer aucun roi ou reine de France, une période et un personnage importants de son histoire, un écrivain, un journaliste français et un plat de la cuisine française ».
    Ce que la décision ne dit pas, c’est que Mme B. réside en France depuis 1986 et n’a jamais quitté le pays, y compris pour les vacances. Elle est employée comme femme de chambre depuis vingt ans dans un hôtel à Pigalle, travail fatigant qui ne lui laisse guère de répit. A la question « qu’est ce que le 14 juillet ? » elle a simplement répondu : « c’est la fête nationale », sans effectivement pouvoir « rattacher cet événement à l’histoire de la France », elle n’a pu citer comme « personnage de la France » - et non comme journaliste – que Claire Chazal. Elle sait aussi faire des « rôtis » mais le « rôti » n’est sans doute pas assez français….
  • Préfecture des Yvelines, ss-préfecture de Torcy, 17 novembre 2015
    « Vous n’avez pas su citer le nom du fleuve qui traverse Paris, le nom des mers qui bordent la France, le nom d’un personnage historique, la durée du mandat du président de la République, le nom du premier ministre, d’un chanteur, d’un acteur, d’un journaliste, d’un plat français. En outre, vous n’avez pas su répondre aux questions relatives au contenu de la Charte, à savoir, l’emblème, l’hymne national, la devise ».
  • Préfecture de Seine Maritime, 26 janvier 2015
    « Vous avez démontré une méconnaissance manifeste de l’histoire, la culture et la société française et/ou des droits et devoirs conférés par la nationalité française puisque :
      vous ne connaissez pas les droits et devoirs d’un citoyen français,
      vous ignorez à quelles élections vous pouvez participer en tant que citoyen français,
      vous méconnaissez le fonctionnement de nos institutions,
      votre connaissance de l’histoire et de la culture française est insuffisante »
  • Préfecture de Seine Maritime, 14 janvier 2015
    « Vous avez démontré une méconnaissance manifeste de l’histoire, la culture et la société française et/ou des droits et devoirs conférés par la nationalité française puisque :
      vous n’avez pas été en mesure de faire référence à des événements ayant trait à l’histoire de France,
      vous n’avez aucune connaissance en matière de culture française
      vous ne connaissez pas les droits et devoirs du citoyen français ni le fonctionnement de nos institutions, ni les principes et valeurs de la République française »
  • Préfecture de Seine Maritime, 16 décembre 2014
    « Hormis une guerre avec l’Allemagne, vous n’avez pas fourni d’autre fait historique attestant de la connaissance de l’histoire de France.
    De même, vos références culturelles sont insuffisantes puisque vous n’avez cité que Picasso et Camus ainsi que le Louvre et la tour Eiffel
    Vous méconnaissez les droits et devoirs du citoyen puisque vous n’avez notamment pas fait référence au droit de vote, au devoir de payer des impôts. Il en est de même pour le fonctionnement des institutions : vous ignorez qui vote les lois en France et vous méconnaissez la Ve République. »
  • Préfecture de Seine Maritime, 24 septembre 2014
    « Vous n’avez pas de connaissances sur les institutions françaises et notamment le système des élections françaises.
    Vous ne connaissez pas la devise complète de la France ni le sens du mot liberté, vous ne connaissez pas l’hymne national et la couleur du drapeau français.
    Vous ne connaissez pas le sens du mot « laïcité » et ne connaissez ni écrivain, ni artiste français.
    Ces réponses témoignent d’une connaissance insuffisante des éléments fondamentaux relatifs : aux règles de vie en société ; aux principaux droits et devoirs liés à l’exercice de la citoyenneté française ; à la place de la France dans l’Europe et dans le monde. »
  • Préfecture de Seine Maritime, 14 avril 2014
    « Vous avez démontré une méconnaissance manifeste de l’histoire, la culture et la société françaises et les droits et devoirs du citoyen français puisque :
      vous n’avez su répondre à aucune question concernant l’histoire, les institutions françaises, l’âge du droit de vote ;
      vous n’avez su répondre à aucune question sur les droits et devoirs du citoyen français hormis le nom du président de la République ;
      vous n’avez pas su expliquer pour quelle raison vous souhaitiez devenir française. »
  • Préfecture de Guadeloupe, 2 décembre 2014
    « Je constate que vous avez démontré une méconnaissance manifeste de l’histoire, de la culture et de la société françaises et/ou des droits et devoirs conférés par la nationalité française, tel que cela apparaît dans les questions/réponses ci-dessous :
     Que connaissez-vous de la France ? J’ai appris que la France était en guerre et que les Anglais sont venus aider la France pour avoir la liberté.
     Connaissez-vous la devise de la France : l’hymne national.
     Qui est le PM en France ? Jean-Marc Ayrault [NB : L’entretien se déroule le 21 octobre 2014, donc quelques mois après la nomination de Manuel Valls].
     Qui est président du conseil général en Guadeloupe. Avant c’était Lurel, maintenant c’est une dame dont j’ai oublié le nom [NB : la seule erreur de la postulante est d’avoir probablement confondu le conseil départemental - et non pas le conseil général qui n’existe plus - avec le conseil régional… les deux instances ayant exactement le même périmètre géographique].
     Quels seront vos devoirs en tant que française ? Défendre mon pays s’il y a un problème.
     Quels seront vos droits ? Mon droit ce sera de voter, de payer mes impôts, de respecter la loi de mon pays ».
  • Nanterre, préfecture des Hauts-de-Seine, 21 février 2012
    Monsieur B s’est vu opposer un refus à sa demande par la préfecture des Hauts-de-Seine au motif que « [sa] connaissance des valeurs et des institutions de la République française est insuffisante » ; il n’a en effet « pas été en mesure de donner une définition acceptable de la laïcité et de la démocratie » lors de son entretien en préfecture.

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Dernier ajout : mercredi 10 juillet 2024, 16:48
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