Article extrait du Plein droit n° 18-19, octobre 1992
« Droit d’asile : suite et... fin ? »
Appel pour les quatrièmes Assises européennes sur le droit d’asile (Rome 22-23 janvier 1993) : Pour une Europe ouverte, pour un droit à l’asile
Par trois fois, en 1985 (Lausanne), en 1987 (Bruxelles) et en 1989 (Genève), des centaines de personnes, des organisations très diverses se sont réunies dans le cadre d’Assises européennes sur le droit d’asile. Depuis les dernières Assises en 1989, on relève une nette détérioration du système de protection des requérants d’asile et des réfugiés dans le monde entier et en Europe.
À peine un mois après les Troisièmes Assises, des événements sans précédent sont venus bouleverser les équilibres du « vieux continent ». Avec la chute du mur de Berlin et la perspective de la suppression des frontières entre douze des pays d’Europe, de nouveaux modes de pensée et d’actions se sont imposés. Avec l’accélération du rapprochement Est-Ouest, les espoirs suscités par les perspectives de l’Europe de demain soulèvent de nouvelles questions : quel sort sera-t-il réservé aux requérants d’asile qui proviennent notamment des pays du Sud ? Quelles décisions seront-elles prises à l’heure de fixer définitivement les règles pour le dépôt et l’examen des demandes d’asile dans le « nouvel espace européen » ?
En effet, à l’abri de tout contrôle sérieux du Parlement européen et des parlements nationaux, les cercles ministériels de Schengen, de Trévi, concoctent, en secret, des accords européens qui définissent les contrôles sur les mouvements migratoires et les conditions fixées pour l’entrée des requérants d’asile en Europe. Nous constatons sur ces deux points la pauvreté de la réflexion de la classe politique européenne qui, jusqu’à ce jour, amalgame, par des procédures douteuses, les notions de « flux migratoires » et de « droit d’asile », escamotant les persécutions et leurs causes.
Au lieu d’aborder de front le bouleversement qui se prépare dans l’Europe de demain, nous constatons aussi que, sur les questions de droits de migrants et du droit d’asile, la classe politique européenne n’a engagé d’autre mesure que celle de la « dissuasion » et du repli sur soi, encourageant ainsi la xénophobie et le racisme.
Les Troisièmes Assises sur le droit d’asile ont révélé l’uniformisation de discours et de pratiques toujours plus expéditives à l’encontre des requérants d’asile. Depuis les dernières Assises, avec les bouleversements en cours, on constate dans plusieurs pays d’Europe une évolution des réglementations juridiques qui viennent en fait « légaliser » des pratiques de plus en plus éloignées de la Convention de 1951.
Les mesures européennes (Schengen, Trévi, Dublin, Maastricht, etc.) et les réglementations nationales contribuent à rendre de plus en plus aléatoire l’obtention du statut de réfugié, tant l’arbitraire a pris de place dans le traitement des situations des requérants d’asile. Elles font fi de la responsabilité des États et des peuples européens envers les causes d’exil forcé, des pays et des zones de tiers-monde (pillage des richesses, déstabilisation politique, trafic de drogue, « raisons d’États » de divers ordres, etc.).
La tenue des Quatrièmes Assises européennes à Rome s’impose donc plus que jamais.
Nous appelons toutes les personnes et les organisations intéressées à partager leurs pratiques de défense du droit d’asile et des droits démocratiques en Europe, à diffuser et à signer l’appel de soutien aux Quatrièmes Assises qui se tiendront les 22 et 23 janvier 1993.
L’esprit de cette préparation est de préserver, dans une Europe ouverte, les droits démocratiques qui sont la condition du respect du droit à l’asile et des différentes identités qui composeront ce nouvel espace européen en gestation. Il n’y a pas de droits démocratiques en Europe sans respect du droit à l’asile et des droits fondamentaux des non « nationaux ». Plutôt que de penser l’Europe comme une forteresse impénétrable, n’est-il pas temps de la considérer comme un potentiel humain considérable qui a un rôle à jouer en acceptant les personnes persécutées des États pratiquant l’arbitraire et aussi en exerçant son influence sur les causes de l’exil ?
À Rome, nous voulons favoriser une dynamique qui permette l’expression d’actions en cours dans les divers pays européens pour la défense du droit à l’asile et des droits démocratiques. Sur le terrain du droit d’asile et sur les autres terrains de la vie politique, nous voulons que puissent se dégager des lignes d’actions prospectives communes, pour une Europe ouverte, démocratique et solidaire.
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