Article extrait du Plein droit n° 18-19, octobre 1992
« Droit d’asile : suite et... fin ? »
L’Allemagne à reculons
L’Allemagne recule à son tour. Un recul d’autant plus symbolique que le respect du droit d’asile est inscrit dans sa Constitution en son article 16. La loi fondamentale prévoit, en effet, l’obligation pour l’État d’autoriser tout requérant à entrer sur le territoire, où sa demande est nécessairement enregistrée et examinée, quels que soient ses motifs. Aucune possibilité de renvoi dans un « premier pays d’accueil » n’est donc prévue ; les limitations définies par la Convention de Genève — craintes personnelles pour causes politiques, religieuses, ethniques ou d’appartenance à un groupe social particulier — n’existent pas.
Les restrictions en usage dans les autres pays européens, ainsi que la situation géographique centrale de l’Allemagne et son influence sur la Mittle Europa, déstabilisée depuis la chute du rideau de fer, voire en guerre civile comme en Yougoslavie, font qu’un flux volumineux de demandeurs d’asile frappe à ses frontières : 256 000 en 1991 ; entre 300 000 et 400 000 en 1992, si la tendance observée depuis le début de l’année se confirme.
Le cumul de ces circonstances politiques, dans lesquelles la fermeture des frontières des autres pays européens aux demandeurs d’asile joue un rôle non négligeable, a contribué à un retournement de l’opinion publique allemande et aux manifestations extrémistes qu’on sait, au cours des derniers mois. Du coup, des formations politiques hostiles ou réticentes à toute modification de la Constitution — Parti social-démocrate (SPD) et Parti libéral — ont fini par en accepter le principe. Au sein du SPD, cette perspective est loin de faire l’unanimité. Son congrès extraordinaire, prévu à Bonn du 16 au 17 novembre, devrait servir de cadre à un débat animé. D’autant que tout amendement de la loi fondamentale exige son approbation par une majorité des deux tiers au Parlement.
L’impératif européen n’est évidemment pas étranger à cette révision. Les garanties offertes par la Constitution allemande s’inscrivent en faux contre les Accords de Schengen et contre la Convention de Dublin, « avancées » plus ou moins communautaires qui amplifient la règle du renvoi dans le pays de premier accueil. L’unification européenne se paie là-encore d’un prix répressif et restrictif à l’encontre des étrangers.
Il n’est pas indifférent de noter également que le Parti libéral demande, en échange de son adhésion au projet de réforme, la préparation d’une loi d’ensemble sur l’immigration. Une fois de plus, le droit d’asile se fond dans la problématique migratoire. Bref, l’Allemagne avance, à son tour, à reculons.
L’enjeu de l’article 16
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