Recours contre le décret du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité
Le Gisti, d’un côté, le Conseil national des barreaux, de l’autre, ont déposé des recours en annulation accompagnés de référés suspension - contre le décret du 17 juin 2022 qui bouleverse le régime des certificats de nationalité française (CNF). Il supprime en effet le recours hiérarchique devant le ministre de la justice contre un refus de délivrance du certificat, impose l’utilisation d’une adresse électronique pour la notification des décisions de refus de délivrance du CNF, encadre dans des règles très strictes le recours contre ces décisions et prévoit, au titre des dispositions transitoires, un délai de forclusion pour les recours dirigés contre les décisions de refus rendues antérieurement, alors que jusqu’ici aucun délai de recours n’était prévu et donc mentionné dans les décisions de refus.
Dans sa requête, le Gisti fait notamment valoir :
- que le décret porte atteinte au principe d’égal accès au service public dès lors qu’il oblige à disposer d’une adresse électronique ;
- qu’il méconnaît le principe de sécurité juridique en ce qu’il permet au directeur des services de greffe judiciaires, de solliciter tous documents complémentaires, avec le risque d’arbitraire qui en découle en l’absence de voie de recours ;
- qu’il porte atteinte au droit à un procès équitable en ne prévoyant pas que le refus de délivrance du CNF doit être motivé ;
- qu’il porte atteinte également au droit à un recours juridictionnel effectif en faisant courir le délai de forclusion de six mois pour contester une décision de refus à compter de la notification par simple courrier électronique qui ne permet pas de s’assurer qu’il a bien été reçu ; et également en fixant le point de départ de ces six mois contre les décision intervenues avant l’entrée en vigueur du décret au 1er septembre 2022, sans que les personnes concernées en soient nécessairement informées ;
- qu’il porte atteinte à l’égalité des armes dès lors que l’action négatoire de nationalité exercée par le ministère public n’est, elle, enfermée dans aucun délai ;
- qu’il porte atteinte au droit d’accès au juge en imposant le recours à un avocat pour exercer un recours sans prévoir simultanément la possibilité de bénéficier de l’aide juridictionnelle.
Concernant l’urgence, le Gisti faisait valoir que ces nouvelles règles, qui bouleversent l’état du droit antérieur, requièrent qu’elles soient examinées rapidement par le juge des référés du Conseil d’État, sans attendre le jugement de la requête au fond qui ne pourrait intervenir qu’après l’entrée en vigueur du texte.
Par une ordonnance rendue le 3 août 2022, le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté la demande de suspension, estimant qu’aucun des moyens invoqués n’était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté, sans même se prononcer sur l’urgence.
Statuant au fond, en revanche, le Conseil d’État, dans sa décision du 17 janvier 2024, a censuré le décret sur deux points :
- en tant qu’il impose aux demandeurs d’un certificat de nationalité française l’indication d’une adresse électronique pour la réception des informations et documents qui lui seront communiqués par le greffe du tribunal judiciaire ou de la chambre de proximité, sans prévoir, à titre de solution de substitution, la possibilité, pour le demandeur qui établit qu’il n’est pas en mesure d’accéder à une messagerie électronique pour la réception de ces informations et documents, d’indiquer une adresse postale ;
- en tant qu’il ne prévoit pas qu’à l’expiration du délai de six mois à compter de l’envoi du récépissé constatant la complétude du dossier de demande, le demandeur d’un certificat de nationalité française est, le cas échéant, informé de la prorogation de l’instruction de sa demande pour une durée de six mois, ni, au terme de ce délai, informé, le cas échéant, d’une seconde prorogation pour une durée de six mois.
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