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Conflit au Soudan
La France prive deux enfants soudanaises de leur droit à rejoindre leur mère réfugiée. Le tribunal corrige le tir

Deux enfants soudanaises de 9 et 17 ans, qui attendaient le feu vert de l’ambassade pour rejoindre leur mère réfugiée en France, sont bloquées au Soudan parce que les autorités françaises refusent de leur délivrer les laissez-passer nécessaires.

Leurs passeports, qui se trouvaient à l’ambassade de France à Khartoum en attente de l’apposition d’un visa, ont été détruits par les services consulaires français dans le cadre d’une mesure générale au moment de la fermeture de l’ambassade au début du conflit au Soudan.

Si des évacuations organisées dès les premiers jours ont permis aux ressortissants français de quitter le Soudan, rien d’équivalent n’a été prévu par les autorités françaises pour permettre le départ d’autres personnes, notamment les familles de réfugié·es installé·es en France.

De façon générale, aucun dispositif n’a été mis en place pour l’accueil des réfugié·es du Soudan depuis le début de la crise qui frappe ce pays. Aucune déclaration officielle, d’ouverture de centres dédiés comme cela avait été fait en 2022 pour les exilé·es d’Ukraine ; le ministère des affaires étrangères n’a même pas prévu de numéro d’urgence opérationnel, comme il l’a fait à l’occasion d’autres conflits.

Pourtant, les services de l’ambassade, le ministère des affaires étrangères et le ministère de l’intérieur ont reçu de très nombreux e-mails et appels de la part de familles soudanaises en France qui veulent obtenir des réponses concernant leurs enfants, parents, famille, amis bloqués au Soudan et qui tentent de fuir les bombes et les massacres.
Mais elles n’ont reçu aucune réponse. La France ne fait même pas semblant.

En prenant la décision de détruire les passeports plutôt que de les transférer dans un lieu sûr – comme l’a fait le gouvernement britannique – les autorités françaises ont fait le choix de sceller l’avenir de centaines de personnes en grand danger, en les condamnant à rester au Soudan.

Une audience s’est tenue à Nantes ce jeudi 15 juin 2023 concernant les deux enfants mineures d’une femme soudanaise réfugiée en France. Dès qu’elle a obtenu sa protection, elle avait fait toutes les démarches en vue de la réunification familiale, réussissant à surmonter les nombreux chausses-trappes qui caractérisent la procédure. Le dossier de réunification déposé par la mère était complet.

Ces enfants, accompagnées par leur grand-mère et tantes, sont actuellement bloquées à la frontière faute de disposer d’un passeport, face à la police égyptienne qui ne veut rien entendre ! Il suffirait que la France leur délivre des laissez-passer pour qu’elles puissent rejoindre leur mère. Mais la France préfère les laisser à la frontière dans des conditions humanitaires et sécuritaires dangereuses.

Le Tribunal administratif de Nantes dans la décision rendue hier a enjoint « au ministre de l’intérieur et des outre-mer de délivrer un laissez-passer aux jeunes en vue de leur entrée en France et de prendre toute mesure pour remettre de manière effective aux intéressées ces documents, dans un délai de 72 heures à compter de la notification de la présente ordonnance ». L’histoire n’est pas pour autant terminée car il va leur falloir passer la frontière égyptienne à Wady Halfa où sont exigés visas et passeports valides. De surcroît le juge n’a pas ordonné la délivrance des laissez-passer aux adultes accompagnantes (la grande-mère et la tante), ce qui signifie que les jeunes filles devront affronter seules la traversée de la frontière et la suite de leur voyage pour retrouver leur mère.

Il a fallu l’intervention d’un juge pour que les autorités françaises se plient à leurs obligations les plus élémentaires : combien d’autres victimes du conflit au Soudan y resteront bloquées faute de pouvoir saisir les tribunaux ?

Le 16 juin 2023

Signataires :

  • Elena
  • Gisti


Voir aussi le dossier contentieux :

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Dernier ajout : lundi 19 juin 2023, 10:26
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