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Pratiques préfectorales à Briançon : dix-huit OQTF, prises à l’encontre de personnes exilées arrivant de la frontière, annulées par la justice

Briançon, le 4 janvier 2024 – L’automne 2023 a été le théâtre d’une vague d’interpellations au sein de la ville de Briançon : des dizaines de personnes, arrivant d’Italie, ont été contrôlées sur la base de leur apparence physique puis retenues au commissariat. La plupart en ressortait avec des obligations de quitter le territoire français (OQTF), assorties d’arrêtés interdisant leur retour pendant une ou deux années. Ces personnes, demandeuses d’asile, ont contesté ces mesures administratives, finalement annulées car contraires au droit.

La ville de Briançon a été marquée en automne dernier par de nouvelles pratiques préfectorales : une forte recrudescence de contrôles d’identité des personnes identifiées comme « migrantes » et « en situation irrégulière » par la police, en pleine ville. Le 6 octobre 2023, Tous migrants et Médecins du Monde alertaient sur « des pratiques illégales et dangereuses » de la part de la préfecture, dans un contexte de forte militarisation de l’espace frontalier du Briançonnais [1].

Entre le 29 septembre et le 13 octobre, plus d’une vingtaine de personnes se sont vues notifier, par le préfet des Hautes-Alpes, des OQTF sans délai, assorties d’IRTF (interdiction de retour sur le territoire français) d’un ou deux ans, à l’issue de leur retenue au commissariat de Briançon. Ces décisions administratives n’octroient qu’un délai de 48 heures aux personnes pour les contester. Passé ce délai, elles risquent placées en centre de rétention administrative, avant leur renvoi vers leur pays d’origine, à savoir le Soudan, pays actuellement en guerre, pour la majorité d’entre eux.

Or, les personnes contrôlées et interpellées venaient d’arriver en France pour y faire une demande d’asile, et l’ont clairement exprimé aux services de police lors de leur retenue. Dès lors, le préfet ne pouvait prendre à leur encontre une mesure d’éloignement. A l’inverse, il était tenu d’enregistrer leur demande. Ainsi, 18 demandeurs d’asile ont pu déposer un recours devant le tribunal administratif de Marseille pour contester ces mesures illégales, soutenues par Tous migrants, en lien avec des avocates du barreau de Marseille. Toutes ont été annulées.

Le tribunal administratif a rappelé qu’en vertu de l’article L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) : « Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l’asile se présente en personne à l’autorité administrative compétente qui enregistre sa demande ». Par ailleurs, selon l’article R. 521- 1 du même code : « (…) lorsqu’un étranger, se trouvant à l’intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l’asile, l’enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police. »

Rappelons en outre au préfet que si les personnes se trouvaient en situation irrégulière sur le territoire français à Briançon, c’est qu’elles ont été contraintes de franchir la frontière de manière dite « irrégulière », puisque les personnes souhaitant entrer sur le territoire français au titre de l’asile sont, en toute illégalité, systématiquement refoulées en Italie par les services de la police aux frontières (PAF) de Montgenèvre.

Évacuons dès à présent l’argument qu’oppose systématiquement le préfet : refuser à ces personnes le droit d’entrer en France au titre de l’asile au motif qu’elles arrivent d’Italie et auraient dû y faire leur demande au regard du règlement « Dublin III » n’est pas recevable. C’est tout le contraire. L’application de ce règlement nécessite justement en premier lieu l’enregistrement de la demande d’asile et la délivrance d’une attestation de demande d’asile par les autorités du pays d’arrivée (en France, la préfecture). Ensuite, une série de critères pourront être étudiés pour déterminer l’Etat responsable de la demande d’asile de la personne.

Comme le tribunal administratif l’a rappelé, la préfecture ne peut pas s’exonérer des règles de droit pour prendre des mesures répressives envers les personnes exilées à Briançon. Ces dix-huit décisions, qui s’ajoutent à toutes celles obtenues devant les juges administratifs de Marseille et de Nice depuis 2016, confortent le bien fondé de notre combat pour le respect des droits des personnes exilées.

Le 12 janvier 2024

Associations signataires :

  • Gisti
  • Tous Migrants

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Dernier ajout : lundi 15 janvier 2024, 17:51
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