Protections subsidiaires accordées à des victimes de traite ou d’exploitation
Décisions de la Commission de recours des réfugiés puis de la Cour nationale du droit d’asile


Sources
Lorsque les décisions ne figurent pas, les références et les extraits cités ci-dessous sont (sauf mention contraire) extraits des recueils de jurisprudence annuels en ligne sur le site de la CNDA.


-* CNDA, 29 juillet 2011, n° 10020534
« Il ne résulte pas de l’instruction que les jeunes femmes nigérianes, notamment celles provenant de la région de Bénin City (État d’Edo), qui ont été contraintes de pratiquer la prostitution en Europe et, en particulier, en France dans le cadre d’un réseau transnational de traite d’êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle et qui ont réussi à s’extraire de ce réseau et à cesser cette activité forcée, doivent être regardées comme constituant au Nigéria un certain groupe social qui aurait son identité propre parce qu’il serait perçu comme étant différent par la société nigérianes et, par suite, victime comme tel de persécutions spécifiques.
Mme O. doit être regardée comme étant exposée, dans son pays d’origine et de la part des membres du réseau qui l’ont conduite en Espagne et auxquels elle doit encore une forte somme d’argent afférente à sa venue en Europe, à l’une des menaces graves mentionnées par les dispositions précitées du b) de l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
 »

-* CNDA, 1er octobre 2010, n° 10001027
« Considérant que les pièces du dossier (...) permettent de tenir pour établi que Mlle O., qui est de nationalité nigériane et résidant à Benin City, a été victime d’un réseau de prostitution nigérian ; que son père et ses proches, ayant des difficultés pour subvenir aux besoins alimentaires de sa famille, elle a accepté un emploi de domestique en Grande Bretagne, qui s’est révélé être une activité de prostitution dans le cadre d’un réseau ; qu’elle a été brutalisée par des membres du réseau et a tenté de s’enfuir mais qu’en réalité elle a été récupérée par ledit réseau et transférée à Nice où elle a été contrainte à se prostituer afin de payer le voyage lui ayant permis de venir en France ;
qu’elle a été aidé par un homme, un bénévole de l’association italienne « La Strada delle Rose » laquelle développe un projet de soutient aux prostituées du réseau de Benin City ; qu’elle est actuellement encadrée et soutenue par l’association l’ALC – Accompagnement, Lieux d’accueil, Carrefour éducatif et social, comme en témoignent les attestations de ces deux associations ;
qu’après sa fuite du réseau, des proches, résidant au présailles exercées par les hommes de main de son proxénète ; qu’en raison de sa fuite et de sa dénonciation du réseau, elle éprouve des craintes sérieuses de persécutions en cas de retour au Nigeria de la part des membres dudit réseau contre lesquels les autorités de son pays ne seraient pas en mesure de la protéger
 » ;

  • CNDA, 23 octobre 2009, n° 642112/09000931
    « (…) Considérant que, pour demander l’asile, Mlle E., qui est de nationalité nigériane, soutient que son père est mort lorsqu’elle était âgée de huit ans et que sa mère s’est remariée avec une personne originaire de Kaduna et de confession musulmane ; qu’elle est allée vivre à Kaduna avec sa mère et son beau-père en 1994 ; que ce dernier a exigé qu’elle se convertisse à l’islam, qu’elle aille dans une école musulmane et qu’elle porte le voile ; que, face à son refus, il l’a retirée de l’école, lui a interdit de sortir du domicile et l’a battue ; que sa mère l’a alors envoyée chez une proche à Warri ; que cette dernière l’a cependant soumise à des travaux pénibles ; qu’elle a alors fui en 2000 et a vécu dans la rue ;
    qu’en 2007, elle a rencontré un jeune homme qui l’a convaincue d’adhérer à une association appelée le Mouvement de la liberté et qui est proche du NDPVF [Force des volontaires du Delta du Niger] (...) ; (...) que, lorsqu’elle a appris qu’elle était recherchée par les forces de l’ordre, [une] personne l’a incitée à fuir son pays par voie aérienne avec un passeport d’emprunt le 7 juillet 2008 ; qu’arrivée en France, elle a été soumise à la prostitution ; qu’elle a toutefois pu s’extraire du réseau dans lequel elle a été et prendre contact avec une association qui l’aide à se réinsérer ;
    (...) Considérant que lesdites pièces (...) permettent de tenir pour établi que Mlle E. a été soumise à la prostitution par une personne influente au Nigeria qui lui a fait quitter son pays ; que cette dernière lui a indiqué, afin de la maintenir dans un réseau de prostitution, qu’elle devait une forte somme d’argent et l’a menacée de mort si elle tentait de fuir ; qu’elle est toutefois parvenue à prendre contact avec l’association « Les amis du bus des femmes » qui l’a aidée à quitter le réseau et à se réinsérer ; qu’elle envisage maintenant de porter plainte auprès des autorités françaises contre la personne qui l’a soumise à la prostitution ; que, dans la mesure où le réseau de prostitution dans lequel elle avait été maintenue dispose de relais au Nigeria et qu’elle a été menacée de mort, elle éprouve des craintes en cas de retour dans son pays où les autorités ne sont pas en mesure de lui accorder une protection adéquate ; qu’elle établit être exposée au Nigeria à l’une des menaces graves visées par les dispositions du b) de l’article L 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que, dès lors, Mlle E. est fondée à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire
     ; … »
  • CNDA, 6 octobre 2009, n° 627097/08007574
    (...) « Considérant que les multiples pièces du dossier (...) permettent de tenir pour établi que Mlle H., qui est de nationalité éthiopienne, est partie mineure au Qatar où elle s’était vue promettre un poste d’employée de maison ; qu’à son arrivée, son passeport lui a été confisqué et qu’elle a travaillé sans être rémunérée pour la belle-sœur de l’Emir du Qatar, la princesse Al Thani ;
    qu’elle travaillait seize heures par jour sans bénéficier de congés et était logée et nourrie dans des conditions dégradantes ; que le 4 juin 2007, elle a accompagné la princesse lors d’un voyage en France et a été hébergée dans les propriétés de la famille royale, à Paris ainsi qu’à côté de Deauville ; que le 15 août 2007, elle s’est enfuie de la résidence proche de Deauville avec deux autres employées domestiques éthiopiennes ; qu’elle a été hospitalisée en raison des douleurs et contusions dont elle souffrait, consécutives aux traitements endurés ;
    qu’elle a porté plainte contre la princesse qatarie pour mauvais traitements et mise en esclavage et a demandé l’asile ;
    Considérant que la requérante a été victime de traitements dégradants et réduite à la condition d’esclave ; qu’elle a porté plainte contre son employeur ; que cet employeur étant membre de la famille royale qatarie, il dispose d’une influence et d’une autorité de nature à lui faire craindre avec raison d’être exposée, en cas de retour en Ethiopie où elle a été recrutée à travers une agence de placement qui connaît sa famille et serait en mesure de la retrouver aisément, à de tels traitements inhumains et dégradants sans pouvoir se prévaloir utilement de la protection des autorités éthiopiennes ; qu’elle est dès lors fondée à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire
     » ;
  • CNDA, 3 avril 2008, n° 601859
    « Considérant que (...) M. N., qui est de nationalité mauritanienne, est descendant d’une famille d’esclaves issus de la tribu de Tallaba ; qu’à l’âge de cinq ans, son maître l’a fait travailler dans les champs avec d’autres esclaves ; qu’il a été privé de ses parents qui devaient également travailler comme esclaves ; qu’il a été torturé à de nombreuses reprises, notamment sous le commandement de l’un des fils de son maître ; qu’à partir de l’âge de treize ans, il se rendait régulièrement à Timbedra, à une quinzaine de kilomètres de son village, pour vendre et acheter des moutons ; qu’en accompagnant un jour un ami de son maître à Timbedra, il en a profité pour s’échapper du marché et rejoindre Nouakchott, puis Nouadhibou ; que, craignant pour sa sécurité, il a fui son pays ;
    (…) que M. N. établit être exposé dans son pays à l’une des menaces graves visées par les dispositions du b) de l’article L 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, sans pouvoir bénéficier de la protection des autorités de son pays contre les agissements de son ancien maître ; que, dès lors, M. N. est fondé à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire ;
     »
  • CNDA, 7 février 2008, n° 599749
    « Considérant que les pièces du dossier (...) permettent de tenir pour établi que M. C., qui est de nationalité mexicaine, s’est trouvé contraint de collaborer avec un réseau de narcotrafiquants pour le compte duquel il a effectué des livraisons de stupéfiants vers l’Europe ; qu’il a été victime de menaces et sévices émanant de ce réseau ; qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de solliciter la protection des autorités mexicaines avec lesquelles ce réseau entretenait des liens ;
    qu’à l’occasion du troisième voyage qu’il a effectué, il a été arrêté par les services douaniers français ; qu’il a activement collaboré avec les autorités judiciaires françaises et a ainsi permis le démantèlement du réseau de narcotrafiquants pour le compte duquel il agissait ; que, toutefois, celui-ci bénéficiant d’appuis auprès des autorités mexicaines, il risque particulièrement d’être exposé à des mesures de représailles en cas de retour dans son pays d’origine ;
    (…) qu’en l’espèce, M. C. établit être exposé dans son pays à des traitements inhumains ou dégradants (...), pour avoir permis le démantèlement d’un réseau de narcotrafiquants et en raison de l’impossibilité dans laquelle il se trouve d’avoir utilement recours à la protection des autorités mexicaines ;
    que, compte tenu de la situation de particulière vulnérabilité et de contrainte dans laquelle il se trouvait vis-à-vis de ce réseau de narcotrafiquants et dès lors qu’il s’est clairement désolidarisé des activités illicites auxquelles il a été tenu de prendre part en collaborant activement avec les autorités judiciaires françaises, il n’y a pas lieu de considérer que l’intéressé s’est rendu coupable d’un crime grave de droit commun au sens des dispositions de l’article L 712-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
    que, dès lors, M. C. est fondé à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire
     » ;
  • CRR, 12 juillet 2007, n° 581079
    « Considérant que [...] Mlle S., qui est de nationalité moldave, a été placée sous l’emprise d’un proxénète de nationalité albanaise dès l’âge de dix-neuf ans ; que ce dernier l’a forcée à la prostitution en l’envoyant en Italie en septembre 1996 ; qu’à son retour en Moldavie au bout de cinq mois, elle a été contrainte par son compagnon à retourner en Italie ; que son bateau a été intercepté par la police italienne ; qu’elle en a profité pour déposer une demande d’asile qui lui a permis d’être prise en charge par les autorités et d’échapper à son proxénète pendant deux ans ; qu’ayant été déboutée de sa demande d’asile, elle a été expulsée vers la Moldavie où elle a été retrouvée par son proxénète ; que celui-ci l’a renvoyée vers l’Italie dans un réseau de prostitution qui l’a conduite jusqu’en France ; qu’en septembre 2003, pour avoir tenté d’échapper à sa condition de prostituée, elle a été agressée par des membres du réseau de prostitution ; qu’elle a dû son salut à l’intervention de la police ; qu’elle a néanmoins refusé de porter plainte de crainte des représailles ; que de retour en Moldavie, elle a retrouvé son proxénète dont elle est tombée enceinte ; que celui-ci a exigé d’elle qu’elle avorte au bout de six mois de grossesse ; que, craignant d’être rejetée par sa famille en raison de sa situation de mère célibataire et redoutant de subir de nouvelles violences de la part de son proxénète, sans qu’elle puisse utilement espérer une protection de la part des autorités, elle a fui vers la France ; qu’elle craint de revenir en Moldavie ; »
  • CRR, 22 juin 2006, n° 521401
    Melle N., de nationalité ivoirienne, a été à son arrivée en France « réduite par ses employeurs à des conditions de dépendance en étant privée d’une rémunération normale et entravée dans ses déplacements » et victime de « mauvais traitements » ayant entraîné une hospitalisation.
    Ses employeurs exerçaient « une influence toute particulière » sur les autorités gouvernementales ivoiriennes et des menaces de représailles pesaient tant sur elle que sur les membres de sa famille résident en Côte d’Ivoire si elle déposait plainte auprès des autorités françaises, démarche qu’elle avait de ce fait renoncé à engager.
    (Référence issue de l’étude de la CNCDH publiée en 2010, p. 247).
  • CRR, 9 mars 2006, n° 548670
    « Considérant que les pièces du dossier et les déclarations de l’intéressée faites devant la Commission permettent de tenir pour établi que Mlle B., qui est de nationalité congolaise, a constaté, à son retour de l’école en octobre 2002, que le domicile familial avait été saccagé ; que le voisinage l’a informée que ses parents ainsi que sa sœur cadette avaient été enlevés, pour des motifs qu’elle ignore, par des membres d’un groupe de sécurité du Président Sassou N’guesso pour lequel son père travaillait ; que par crainte pour sa sécurité, et n’ayant aucun contact avec les autres membres de sa famille, elle s’est réfugiée chez une amie de sa mère à Kombo ; que celle-ci l’a contrainte à la prostitution alors qu’elle était âgée de quatorze ans ; qu’elle garde de graves séquelles tant psychologiques que physiques de cette situation ; qu’elle a également été employée à des activités ménagères sans percevoir de rémunération ; qu’elle a craint de solliciter la protection des autorités, lesquelles s’étaient rendues coupables de la disparition de ses parents ; qu’en juin 2004, elle a rencontré un ressortissant camerounais qui l’a aidée à s’enfuir et à quitter son pays ; qu’en cas de retour au Congo, elle craint d’être victime de traitements inhumains et dégradants sans pouvoir toutefois obtenir la protection des autorités congolaises » ;
  • CRR, 1er février 2006, n° 533907
    « Considérant que (...) Mlle O., qui a présenté sa demande sous l’identité de Mlle I., a été exploitée, après la mort de sa mère et le remariage de son père, par sa belle-mère qui la forçait à travailler pour son compte ; qu’en 2001, elle a fait la connaissance d’un homme qui lui a proposé de l’aider à partir en Europe, en lui promettant qu’elle pourrait y trouver un emploi afin de le rembourser ; qu’elle a juré de payer sa dette au cours de cérémonies vaudoues ;
    qu’en mars 2001, elle a quitté le Nigeria pour la France, où elle a été en réalité intégrée dans un réseau de prostitution, au sein duquel elle a été victime de mauvais traitements ; qu’en décembre 2001, elle a été envoyée à Reims, où le réseau pour lequel elle travaillait a été démantelé en septembre 2002 ; qu’elle a été arrêtée et placée en détention provisoire, puis qu’elle a témoigné lors du procès qui a eu lieu le 6 décembre 2004, à l’issue duquel elle a été condamnée à douze mois de prison, peine couverte par sa détention provisoire ; qu’elle ne peut retourner sans crainte au Nigeria, où elle risque des représailles de la part des responsables du réseau, puisqu’elle a témoigné devant la justice française et qu’elle n’a pas terminé de rembourser sa dette ; qu’elle établit ainsi être exposée dans son pays à une menace grave au sens des dispositions du b) de l’article L 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
    que la circonstance qu’elle ait été condamnée à une peine de douze mois de prison ferme, pour sa participation au fonctionnement du réseau, ne suffit pas à considérer que son activité sur le territoire français constitue une menace grave pour l’ordre public au sens des dispositions du d) de l’article L 712-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
    que, dès lors, Mlle O., alias Mlle I., est fondée à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire
     » ; …
  • CRR, 8 février 2005, n° 04020348/493983
    « Considérant que les pièces du dossier [...] permettent de tenir pour établi que Mme Z., qui est ressortissante de la République populaire de Chine, a été contrainte par sa famille de quitter son pays d’origine avec le concours d’un réseau mafieux d’émigration clandestine ; que le 20 septembre 2002, elle a été prise en charge par le CAOMIDA ; que le 01 août 2003, elle a été longuement interrogée par des agents de l’Office Central pour la Répression de l’Immigration Irrégulière et de l’Emploi d’Etrangers (OCRIEST) dans le cadre d’une enquête visant au démantèlement de ladite filière ; qu’elle a, à cette occasion, donné tous les renseignements dont elle disposait sur cette dernière ; qu’elle a en particulier informé lesdits agents des ramifications de cette dernière en République populaire de Chine et de ses liens avec les autorités administratives de sa région d’origine ; qu’à la suite de cet entretien et du démantèlement de ladite filière, elle a été contactée par son père ; qu’informé dudit interrogatoire, il lui a fortement reproché son intervention dans le cadre de l’enquête susmentionnée ; qu’elle est depuis des mois sans nouvelle de ses parents restés en République populaire de Chine ; qu’elle craint d’être soumise à des peines ou traitements inhumains ou dégradants par ledit réseau mafieux sans pouvoir se réclamer de la protection des autorités complices en cas de retour dans son pays d’origine ;
    Considérant, d’une part, qu’il ne ressort ni des pièces du dossier ni des déclarations faites en séance publique devant la Commission que les agissements dont Mme Z., qui est ressortissante de la République populaire de Chine, déclare avoir été l’objet auraient eu pour origine ses opinions politiques ou l’un des autres motifs de persécutions énoncés à l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève ; que, dès lors, les craintes énoncées en raison de ces faits ne sont pas de nature à permettre de regarder le requérant comme relevant du champ d’application des stipulations de l’article 1 er, A, 2 de la convention de Genève ;
    Considérant, d’autre part, qu’elle établit, dans les circonstances particulières de l’espèce, être exposée - par ledit réseau mafieux et sans pouvoir se réclamer de la protection des autorités complices - à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d’origine ;
     »
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Dernier ajout : vendredi 14 septembre 2012, 21:02
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