action collective

Lettre ouverte aux Parlementaires
Accord franco-roumain relatif à une protection des mineurs roumains isolés et à leur retour dans leur pays d’origine

Madame la Députée, Monsieur le Député,

Un nouvel accord entre la France et la Roumanie concernant la situation des mineurs isolés roumains, signé en février 2007, va très prochainement vous être soumis pour ratification.

Nous souhaitons attirer votre attention sur les risques que la mise en œuvre de cet accord ferait peser sur la sécurité et le bien-être de ces enfants, en dérogeant aux principes des dispositifs de protection des mineurs.

Depuis 2002, la France rapatrie des mineurs roumains vers leur pays d’origine en application d’un précédent accord. Or, nous avons pu constater que :

  • la plupart des mineurs rapatriés n’ont bénéficié d’aucun suivi après leur retour, contrairement à ce qui était prévu dans l’accord ;
  • certains de ces mineurs rapatriés sont ensuite repartis à l’étranger dans des conditions dramatiques (prostitution, maltraitance, …) ;
  • aucune évaluation n’a été réalisée sur la situation des jeunes après leur retour en Roumanie, malgré les bilans d’étape prévus par le texte.

Non seulement le nouvel accord qui vous sera soumis ne corrige pas ces graves défauts mais, de plus, il revoit à la baisse certaines garanties fondamentales encadrant jusqu’ à présent le retour de l’enfant isolé. Il prévoit en effet :

  • la suppression de la demande d’évaluation préalable au retour du mineur ;
  • la suppression de la saisine systématique du juge des enfants, ce qui laisse au parquet la possibilité d’organiser le retour du mineur en l’absence de toute procédure contradictoire.

L’expérience démontre que lorsqu’un jeune roumain retrouve dans son pays d’origine les mêmes conditions que celles qui ont provoqué son départ, il repart souvent très rapidement vers la France ou vers un autre pays européen, ceci parfois même sous la contrainte de sa famille ou des adultes censés l’accueillir, compromettant gravement sa santé, sa sécurité et son développement.

Le dispositif de protection de l’enfance en Roumanie n’est pas en mesure d’agir efficacement dans ce type de situation. Même si nous avons la conviction que la Roumanie a la volonté et la capacité de se doter d’un système de protection de l’enfance à la hauteur des exigences européennes, et malgré ses progrès évidents en la matière, il reste toutefois encore du chemin à parcourir – il n’existe par exemple qu’un seul tribunal pour enfants aujourd’hui - avant que ce pays ne soit à même d’assurer une protection et une réinsertion de tous ces mineurs sur l’ensemble de son territoire.

Un retour mal préparé est donc contre-productif, voire dangereux.

Chaque situation nécessite une vraie période d’évaluation afin de déterminer avec précision si un retour est envisageable dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans certains cas, l’installation en France s’impose. Si un retour est envisagé, les étapes clés de sa réussite sont :

  • l’organisation d’un entretien avec le jeune pour comprendre son parcours, les raisons de son départ, sa motivation, ses capacités ;
  • la prise de contact avec sa famille au pays ;
  • une évaluation sociale au pays, complète et rapide ;
  • la préparation d’une reprise de scolarité ou de formation ;
  • l’adhésion du jeune au projet, et l’implication des parents le cas échéant ;
  • une validation du projet par le juge des enfants en fonction de l’intérêt de l’enfant ;
  • un suivi post-retour par des services sociaux et/ou une ONG.

La France s’est fixé le devoir de protéger tous les mineurs présents sur son territoire, quels qu’ils soient, et d’où qu’ils viennent. Leur renvoi dans les conditions prévues par ce nouvel accord signifie de manière claire l’abandon de ce devoir de protection. Cet accord ne doit pas devenir un moyen de contourner la protection accordée aux mineurs contre les mesures d’éloignement.

En conséquence, nous vous demandons d’une part, de ne pas ratifier ce nouvel accord qui est inacceptable en l’état, n’offrant pas les garanties minimales de protection de ces mineurs isolés et d’autre part, d’obtenir en préalable à tout nouvel accord une évaluation qualitative sérieuse du précédent dispositif.

Seul un vrai bilan qualitatif de l’accord existant, portant notamment sur la situation des mineurs retournés en Roumanie, permettra d’envisager un nouveau dispositif respectueux des droits de l’Enfant.

Nous vous prions de croire, Madame la Députée, Monsieur le Député, à l’assurance de notre haute considération.

Paris, le 12 novembre 2007

Signataires :

ALC Nice, Amicale du Nid, APDHA, Association Contre la Prostitution des Enfants, Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille, Auteuil International, Arc 75, Asav, Aset, Cimade, Comité d’Aide Médicale, Défense des Enfants International (DEI section française), Enfants du Monde Droits de l’Homme, Ferc, Fnars (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale), Fnasat, Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, Fondation d’Auteuil, France Terre D’Asile, Gisti, Hors la Rue, Jeunes Errants, Ligue des Droits de l’Homme, Médecins du Monde, MRAP, Remi (Réseau Euro méditerranéen pour la protection des Mineurs Isolés), Réseau Droits des Jeunes, RESF (Réseau Education Sans Frontières), Rime (Rassemblement des intervenants sociaux pour l’insertion des mineurs et jeunes majeurs étrangers), Romeurope, Secours Catholique, Solidarité Laïque, Syndicat de la Magistrature, Themis.

Pour en savoir plus sur le sujet, reportez-vous à l’analyse de l’association Hors la Rue

Voir notre dossier « Les mineur·es isolé·es étrangers et étrangères (MIE) »

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Dernier ajout : samedi 11 avril 2020, 19:24
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