C. Résolution 1660 (2009) du Conseil de l’Europe

Résolution discutée par l’Assemblée du 28 avril 2009 (12e séance).

Résolution 1660 (2009) relative à la situation des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe

1. L’Assemblée parlementaire salue l’inestimable contribution que les défenseurs des droits de l’homme apportent à la protection des droits de l’homme, à l’Etat de droit, à la démocratie, ainsi qu’à la prévention des conflits, parfois au risque de leur propre sécurité.

2. L’Assemblée considère comme défenseurs des droits de l’homme toutes les personnes qui, individuellement ou en association avec d’autres, agissent pour promouvoir et protéger les droits de l’homme. Ce sont leurs activités dans ce domaine qui font d’eux des défenseurs des droits de l’homme.

3. Les États ont l’obligation et la responsabilité de protéger les défenseurs des droits de l’homme et leur travail en créant un environnement favorable et, si nécessaire, en établissant des mécanismes de protection afin de préserver l’intégrité physique des défenseurs exposés à des menaces spécifiques. Les parlementaires ont une responsabilité essentielle en la matière : façonner de manière appropriée le contexte politique et l’environnement de travail des défenseurs des droits de l’homme, et suivre l’évolution de la situation des droits de l’homme.

4. Dans nombre de pays, les défenseurs des droits de l’homme sont en général bien protégés en droit et en pratique. L’Assemblée déplore toutefois que, dans certains États membres du Conseil de l’Europe, les défenseurs des droits de l’homme soient parfois confrontés à un environnement difficile et à de nombreux obstacles et restrictions. Il peut s’agir de violences physiques, mais aussi de mesures plus subtiles et plus insidieuses, telles que des obstacles administratifs. Dans un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, les défenseurs font l’objet de campagnes de diffamation visant à les discréditer ou sont accusés d’être de mauvais patriotes, des traîtres, des « espions » ou des « extrémistes ». Dans les cas les plus extrêmes, les défenseurs des droits de l’homme reçoivent des menaces de mort, sont enlevés, sont victimes d’arrestations et de détentions arbitraires, de procès inéquitables et sont maltraités, voire assassinés. Dans certains cas, leur entourage familial et professionnel est aussi visé.

5. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation des défenseurs des droits de l’homme, qui sont les plus exposés aux attaques et aux exactions en raison de leur identité et/ou parce qu’ils travaillent sur des questions « impopulaires » ou sensibles. Les défenseurs particulièrement menacés sont ceux qui luttent contre l’impunité des crimes graves et contre la corruption, ainsi que ceux qui travaillent sur les droits économiques, sociaux ou culturels, sur les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, et sur les droits des migrants et des minorités nationales ou ethniques. Les femmes défenseurs des droits de l’homme sont également confrontées à des menaces et à des obstacles spécifiques. La situation des défenseurs des droits de l’homme est particulièrement critique dans le Caucase, où certains subissent une répression violente, qui peut prendre la forme d’assassinats, d’enlèvements et d’arrestations ou de détentions arbitraires.

6. L’Assemblée estime que toutes les attaques contre des défenseurs des droits de l’homme et toutes les violations de leurs droits dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, qu’elles soient perpétrées par des acteurs étatiques ou autres, sont inacceptables et doivent être fermement condamnées. Elle souligne que la liberté d’expression et la liberté de réunion et d’association, qui sont d’une importance cruciale pour le travail des défenseurs des droits de l’homme, sont des droits fondamentaux protégés par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5).

7. L’Assemblée rappelle la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, adoptée en 1998 par l’Assemblée générale des Nations Unies, et salue la mise en place récente, par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), du point focal pour les défenseurs des droits de l’homme, et les Orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme.

8. L’Assemblée demande instamment au Conseil de l’Europe, le principal gardien des droits de l’homme en Europe, qui dispose d’une panoplie unique d’instruments et d’organes dans ce domaine, de renforcer encore sa contribution à la protection des défenseurs des droits de l’homme et de leur travail, tant dans une perspective à long terme que dans des cas spécifiques nécessitant une action urgente.

9. Par conséquent, l’Assemblée se félicite vivement de la Déclaration sur l’action du Conseil de l’Europe pour améliorer la protection des défenseurs des droits de l’homme et promouvoir leurs activités, adoptée par le Comité des Ministres le 6 février 2008, qui invite le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à renforcer le rôle et la compétence de son bureau afin d’assurer une protection forte et efficace des défenseurs des droits de l’homme, et à intervenir dans les situations graves dans lesquelles des mesures d’urgence s’imposent. La déclaration appelle aussi les autres instances du Conseil de l’Europe à être particulièrement attentives aux questions relatives aux défenseurs des droits de l’homme.

10. Étant donné que les parlementaires ont une responsabilité primordiale dans la mise en place d’un environnement favorable aux défenseurs des droits de l’homme, l’Assemblée envisage de renforcer son soutien aux défenseurs des droits de l’homme sur l’ensemble du continent, afin de compléter – sans faire double emploi – le rôle du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. A cet égard, l’Assemblée rappelle qu’elle a mis en place récemment un prix des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire pour récompenser chaque année une contribution exceptionnelle de la société civile à la défense des droits de l’homme en Europe.

11. Enfin, l’Assemblée souligne qu’une large gamme de mesures de protection constitue souvent le moyen le plus efficace de garantir une protection adéquate aux défenseurs des droits de l’homme. Ces mesures doivent impliquer les autorités politiques et judiciaires, les structures nationales consacrées aux droits de l’homme, les défenseurs des droits de l’homme eux-mêmes et leurs réseaux, les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme, la communauté diplomatique ainsi que les médias.

12. Dans ce contexte, l’Assemblée exhorte les États membres :

  • 12.1. à mettre pleinement en œuvre les dispositions pertinentes de la Convention européenne des droits de l’homme, telles qu’elles sont interprétées par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment le droit à la vie, la protection contre l’arrestation et la détention arbitraires, et contre la torture et les mauvais traitements, la liberté d’expression, la liberté de réunion et d’association, le droit à un procès équitable et le droit à un recours effectif ;
  • 12.2. à mettre pleinement en œuvre les déclarations des Nations Unies et du Conseil de l’Europe sur les défenseurs des droits de l’homme, qui appellent à créer un environnement favorable à leur travail, et à les protéger et à promouvoir leur action, y compris par les moyens suivants :
    • 12.2.1. soutenir leurs activités publiquement et fermement, et garantir en toutes circonstances leur intégrité physique et psychologique ;
    • 12.2.2. condamner promptement et fermement, au plus haut niveau, les menaces et les attaques dirigées contre des défenseurs des droits de l’homme, leurs organisations et/ou leurs proches, faire cesser ces pratiques inacceptables et veiller à ce que les forces de l’ordre mènent des enquêtes efficaces, impartiales et transparentes, et à ce qu’elles poursuivent les auteurs de ces pratiques ;
    • 12.2.3. garantir aux défenseurs des droits de l’homme un accès effectif aux mécanismes de protection internationaux, en particulier à la Cour européenne des droits de l’homme ;

12.3. à abolir immédiatement les conditions à remplir pour l’enregistrement d’organisations non gouvernementales (ONG), ou d’autres obstacles bureaucratiques pouvant porter atteinte à l’exercice effectif du droit de former des ONG, des associations ou des groupes de défense des droits de l’homme, de s’y affilier et d’y participer, ou pouvant entraver leur travail d’une autre manière.

13. L’Assemblée appelle également les États membres :

  • 13.1. à mettre en place des infrastructures et des programmes d’assistance appropriés pour les défenseurs des droits de l’homme menacés ;
  • 13.2. à établir des programmes de visas humanitaires ou à prendre toute autre mesure appropriée pour les défenseurs des droits de l’homme exposés à un danger imminent ou ayant besoin d’un répit parce qu’ils sont soumis à une persécution constante dans des pays tiers, ou du moins à leur faciliter la délivrance de visas d’urgence dans de telles situations ;
  • 13.3. à exploiter pleinement, s’ils sont également membres de l’Union européenne, les Orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme, et à appliquer les principes contenus dans ces orientations sur leur propre territoire.

14. Plus particulièrement, l’Assemblée appelle les parlements nationaux des États membres du Conseil de l’Europe :

  • 14.1. à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre, au niveau parlementaire, les déclarations des Nations Unies et du Conseil de l’Europe sur les défenseurs des droits de l’homme ; les parlements devraient notamment veiller à ce que la législation relative aux défenseurs et à leur travail soit en conformité avec les normes internationales ;
  • 14.2. à adopter et à appliquer des textes non législatifs, tels que des stratégies ou des plans d’action nationaux sur la protection des défenseurs des droits de l’homme, dans lesquels il serait notamment demandé au gouvernement de renforcer la protection des défenseurs des droits de l’homme dans le cadre de sa politique intérieure et de sa politique étrangère, et à procéder à l’examen minutieux des politiques et mesures gouvernementales afin de garantir que l’action des défenseurs des droits de l’homme est à la fois protégée et promue ;
  • 14.3. à développer et à maintenir des contacts réguliers avec les défenseurs des droits de l’homme ;
  • 14.4. à promouvoir auprès du public le travail des défenseurs des droits de l’homme en organisant des auditions et des débats parlementaires, et en décernant des prix aux défenseurs des droits de l’homme ;
  • 14.5. à soutenir les mesures d’assistance et de protection destinées aux défenseurs des droits de l’homme menacés, telles que la délivrance de visas d’urgence, l’observation de procès et la participation à des réseaux de parlementaires soutenant les défenseurs des droits de l’homme ;
  • 14.6. à faire mieux connaître les mécanismes de protection existants, les déclarations des Nations Unies et du Conseil de l’Europe sur les défenseurs des droits de l’homme, et en particulier le nouveau mandat du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe concernant la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe ;
  • 14.7. à faire en sorte que des mesures effectives soient prises au niveau national pour donner suite aux travaux et aux recommandations du Conseil de l’Europe ;
  • 14.8. à faire de la situation des défenseurs des droits de l’homme l’un des principaux thèmes des réunions parlementaires internationales, telles que la réunion annuelle des commissions des droits de l’homme des parlements des États membres de l’Union européenne.

15. L’Assemblée rend hommage à l’action du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en faveur des défenseurs des droits de l’homme et l’invite :

  • 15.1. à mettre pleinement en œuvre son mandat renforcé et à utiliser ses ressources concernant le soutien et la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l’Europe, ce qui suppose de mener des activités de suivi et d’information, d’intervenir dans les situations d’urgence où des défenseurs des droits de l’homme sont en danger, de sensibiliser le public et de créer des réseaux, ainsi que d’assurer la coopération et la coordination avec les partenaires et acteurs clés ;
  • 15.2. à reconnaître et à exploiter pleinement la contribution spécifique de l’Assemblée et de la diplomatie parlementaire, à la fois dans une perspective à long terme, pour améliorer les conditions de travail des défenseurs des droits de l’homme, et dans les situations graves dans lesquelles des mesures d’urgence s’imposent.

16. L’Assemblée décide également :

  • 16.1. de soutenir pleinement le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dans les efforts qu’il déploie pour s’acquitter de son mandat renforcé ;
  • 16.2. de rester saisie de la question, en étroite coordination avec le Commissaire aux droits de l’homme, afin de compléter et de renforcer l’action de ce dernier dans ce domaine ;
  • 16.3. de continuer à soutenir le développement de sociétés civiles dynamiques et le travail des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment en décernant le nouveau prix annuel des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire, en associant les défenseurs des droits de l’homme à ses travaux et, le cas échéant, en utilisant le mécanisme de la diplomatie parlementaire.

Rapport préliminaire

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Dernier ajout : mercredi 16 décembre 2009, 15:28
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