D. Infractions à la législation sur le séjour

1. Séjour irrégulier antérieur

  • CAA Nantes, 14 décembre 2016, n° 15NT03317
    Le ministre peut, sans erreur de droit, opposer le motif tiré d’un séjour irrégulier pour ajourner ou rejeter la demande de naturalisation du postulant, mais il ne peut retenir ce seul motif lorsque l’ancienneté des faits est telle qu’elle est de nature à entacher sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation. En l’espèce, la postulante avait séjourné irrégulièrement sur le territoire français entre les mois de novembre 1992 et de mai 2003, soit pendant plus de dix ans mais elle séjournait régulièrement sur ce territoire depuis le 19 mai 2003. Eu égard à l’ancienneté de ces faits, dont le terme remonte à plus de neuf ans à la date de la décision contestée, ils n’étaient pas de nature à justifier, sans erreur manifeste d’appréciation, le rejet de la demande de l’intéressée.
  • CAA Nantes, 11 décembre 2015, n° 15NT01566
    La postulante avait séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 1987 à 1997 mais elle y séjournait régulièrement depuis cette date. Eu égard à l’ancienneté de ces faits, dont le terme remonte à plus de 15 ans par rapport à la date des décisions contestées, le ministre ne pouvait se fonder sur ce motif pour rejeter la demande de naturalisation de la postulante.
  • CAA Nantes, 26 juin 2015, n° 15NT01208
    La postulante, entrée en France en 1964, n’avait déposé une première demande de titre de séjour qu’en 1986 mais elle séjournait régulièrement depuis cette date sur le territoire français. Eu égard à l’ancienneté de ce séjour irrégulier, dont le terme remonte à plus de huit ans par rapport à la date de la décision contestée, le ministre, en rejetant pour ce seul motif la demande de naturalisation de la postulante, a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ;
  • CAA Nantes, 16 mai 2014, n° 13NT02638
    Le ministre peut sans erreur de droit, opposer le motif de l’irrégularité du séjour pour rejeter ou ajourner la demande de naturalisation du postulant mais il ne saurait, en l’absence de toute autre circonstance, retenir ce seul motif lorsque l’ancienneté des faits est telle qu’elle est de nature à entacher sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation. En l’espèce, la postulante avait séjourné de manière irrégulière en France de 1994 à 2002 mais elle y séjournait régulièrement depuis cette date. Eu égard à l’ancienneté de ces faits, dont le terme remonte à plus de huit ans par rapport à la date de la décision contestée, le ministre a entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation en lui opposant ce motif.
  • CAA Nantes, 25 février 2014, n° 13NT02262
    La postulante, entrée en France en janvier 1993, n’a obtenu un premier titre de séjour qu’en juin 2003 mais elle séjourne régulièrement depuis cette date sur le territoire. Eu égard à l’ancienneté de ces faits, dont le terme remonte à plus de huit ans par rapport à la date de la décision contestée, le ministre, qui ne fait état d’aucune autre circonstance, a, en rejetant pour ce seul motif la demande de naturalisation de la postulante, entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation
  • Paris, préfecture de police, 7 février 2012
    F., jeune femme sénégalaise, est entrée en France à quatorze ans avec sa mère. Elle effectue une demande de naturalisation en 2011, alors qu’elle travaille sous couvert d’un titre de séjour depuis ses vingt ans. Cette demande est ajournée au motif de sa situation irrégulière entre 2003 et 2005, soit entre 18 et 20 ans, au moment où elle a demandé sa première carte de séjour temporaire. Cette période correspond à la durée du traitement de sa demande de titre de séjour par l’administration : en demandant son premier titre de séjour à sa majorité, F. l’a obtenu en 2005.
  • Ministère de l’intérieur, sous-direction de l’accès à la nationalité, décembre 2011
    La demande de Monsieur H, retraité Algérien, a été rejetée en 2011 au motif qu’il avait séjourné irrégulièrement en France de 1961 à 1982. Outre l’ancienneté des faits, le motif peut être contesté parce qu’en 1961 l’Algérie n’était pas encore indépendante ; Monsieur H ne pouvait donc pas être en situation irrégulière. La décision a été confirmée après un recours gracieux, bien que la sous-direction de l’accès à la nationalité ait modifié les dates de son séjour irrégulier, faisant débuter celui-ci en 1965...
  • Bobigny, préfecture de Seine Saint-Denis, 9 mars 2012
    Un homme congolais, arrivé en France en 1992, est marié à une française avec qui il a cinq enfants français. Sa demande de naturalisation est rejetée en mars 2012 au motif de son séjour irrégulier de 1993 à 2006 et d’une amende pour conduite sans permis en 2008, qu’il avait rapidement payée (il conduisait avec son permis congolais.)

2. Hébergement d’un proche en situation irrégulière

Voir le dossier Délit de solidarité

Dans les cas rapportés ci-dessous, les refus d’accorder la nationalité française - qui interviennent au stade de l’appréciation en opportunité - sont d’autant plus contestables qu’ils concernent des personnes qui ont hébergé et contribué à l’entretien de leur conjoint ou de leur concubin, parfois père ou mère de leur(s) enfant(s) ! Peu importe que la situation du mari ait par la suite été régularisée, peu importe que la concubine soit la mère des enfants et que la famille vive ainsi réunie.
Décisions contestables également si l’on se rappelle qu’en droit français le mariage emporte une obligation d’assistance et de secours entre époux, obligation qui s’impose à tous les couples mariés vivant en France, quelles que soient par ailleurs la nationalité des époux ou la loi applicable aux effets de l’union. À travers le PACS, de même, les partenaires s’engagent à une aide matérielle et une assistance réciproques.
Décisions contestables, enfin, puisque les lois du 22 juillet 1996 et du 11 mai 1998 ont prévu une immunité pénale pour ceux qui viennent en aide à leur concubin ou leur conjoint en situation irrégulière. Autrement dit, les personnes peuvent héberger leur compagnon sans papiers à l’abri de poursuites pénales… mais l’aide ainsi prodiguée sera retenue contre elles dans le cadre de leur demande de naturalisation.
La circulaire du 21 juin 2013 demande de ne plus invoquer le motif de l’aide au séjour irrégulier lorsqu’il s’agit d’un proche pour justifier une décision défavorable.

Décisions de la cour administrative d’appel de Nantes

  • CAA Nantes, 26 octobre 2021 n°20NT02502
    La conjointe du demandeur résidait irrégulièrement en France à la suite de la décision de refus de regroupement familial sur place. Le conjoint l’a donc aidée à se maintenir irrégulièrement sur le territoire, ce qui justifie la décision d’ajournement en opportunité
  • CAA NANTES 13.04.2018 n°17NT01790
    La postulante s’est rendue coupable de l’infraction d’aide au séjour irrégulier en hébergeant pour une nuit des compatriotes qui allaient déposer le lendemain une demande d’asile politique. Elle ignorait que ces faits étaient répréhensibles et n’a fait l’objet d’aucune autre critique sur son comportement alors qu’elle séjourne en France depuis 2001. Dans ces conditions, et en dépit de son large pouvoir d’appréciation de l’opportunité d’accorder la nationalité française à l’étranger qui la sollicite, en ajournant à deux ans la demande de naturalisation pour ce motif, le ministre a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation
  • CAA Nantes, 30 janvier 2017 n°16Nt00515
    La fille de la postulante est entrée en France en 2011 à l’âge de 13 ans sous couvert d’un visa de court séjour délivré par les autorités italiennes et non d’un visa de long séjour sollicité au titre de la procédure de rapprochement familial de réfugié statutaire que la requérante avait parallèlement initiée. Son entrée en France pour s’y maintenir à ce titre était ainsi irrégulière et le ministre a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, fonder sur ce motif la décision d’ajourner la demande de naturalisation.
  • CAA Nantes, 29 mai 2015 n°14NT02471
    La circonstance que l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, telle qu’interprété par les circulaires du Garde ces Sceaux et du ministre de l’immigration du 23 novembre 2009, prévoit une immunité pénale lorsque l’assistance portée à un étranger en situation irrégulière présente un caractère humanitaire ou lorsqu’elle émane du conjoint de cette personne, ne fait pas obstacle à ce que, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont il dispose, le ministre prenne en compte cette aide dans le cadre de son examen de l’opportunité d’accorder à un étranger la nationalité française. C’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le ministre a rejeté la demande de naturalisation du postulant au motif qu’il avait contribué durant cinq ans au séjour irrégulier de son épouse.
  • Cour administrative d’appel de Nantes, 6 avril 2012 n°11NT01116
    Le ministre de l’intérieur demande à la cour d’appel de Nantes d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 février 2011 par lequel la décision d’ajournement à deux ans de la demande de naturalisation du requérant a été annulée.
    Le requérant a été condamné le 2 mai 2007 à 500 euros d’amende avec sursis pour avoir aidé à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France, pour avoir hébergé son épouse après l’expiration de son visa alors qu’ils avaient entamé des démarches en vue d’obtenir le regroupement familial.
    La cour d’appel de Nantes retient que, "eu égard à la gravité et au caractère récent des faits" le ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ajournant la demande de naturalisation du requérant à deux ans pour ce motif. Elle annule donc le jugement du TA de Nantes qui annulait la décision d’ajournement du ministre.
  • Cour administrative d’appel de Nantes, 31 décembre 2009, n°09NT006644
    La requérante, ressortissante haïtienne, avait interjeté appel du jugement du tribunal administratif de Nantes qui avait rejeté sa demande d’annulation de la décision du ministre de l’immigration ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.
    La cour administrative d’appel a confirmé le jugement de première instance en s’appuyant sur l’article 49 du décret du 30 décembre 1993 qui dispose que "si le ministre chargé des naturalisations estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l’ajournement en imposant un délai ou des conditions [...]" ; par conséquent la cour estime que c’est à bon droit que, pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par la requérante, le ministre s’est fondé sur la circonstance que celle-ci avait aidé, de 2002 à 2005, au séjour irrégulier sur la territoire français du père de ses enfants, méconnaissant ainsi la législation relative au séjour des étrangers.
  • Cour administrative d’appel de Nantes, 29 décembre 2009, n° 08NT03379
    En l’espèce, un ressortissant marocain a vu sa demande de naturalisation ajournée à deux ans par le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement au motif qu’il a aidé au séjour irrégulier de son épouse de 2002 à 2004. La cour estime que le ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.
  • Cour administrative d’appel de Nantes, 29 juillet 2008, n° 07NT03661
    Dans cette affaire, un ressortissant haïtien se voit refuser sa naturalisation au motif de l’aide apportée au séjour irrégulier de sa compagne avec laquelle il a eu un enfant. Il n’est pas contesté qu’au jour de la demande de naturalisation, le requérant hébergeait sa compagne et contribuait à son entretien – et ce depuis plusieurs années. En l’espèce, les juges nantais considèrent que le ministre ne commet pas d’erreur d’appréciation en refusant la naturalisation du requérant « alors même que celui-ci ne pouvait faire l’objet d’aucune poursuite pénale en raison de l’aide au séjour irrégulier de sa compagne, qu’il vit et travaille en France depuis plus de dix ans, qu’il contribue à l’entretien de ses trois enfants, qu’il est propriétaire de sa résidence principale, qu’il n’a jamais fait l’objet de poursuites et de condamnations et qu’il serait parfaitement intégré dans la société française ».
  • Cour administrative d’appel de Nantes, 29 juillet 2008, n° 07NT01831
    En l’espèce, le requérant de nationalité marocaine s’est vu refuser la naturalisation par le ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, lequel a ajourné à deux ans sa demande. Le ministre explique : « j’ai décidé, en application de l’article 49 du décret du 30 décembre 1993 [...], d’ajourner votre demande à deux ans. En effet vous avez aidé au séjour irrégulier de votre épouse de 1987 à 2001 et maintenu illégalement sur le territoire français vos enfants [mineurs], Khalid, Fama, Ilyas et Soukaina . Vous vous êtes ainsi soustrait aux règles en vigueur relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France  ». Pour le tribunal administratif de Nantes, comme pour la cour administrative d’appel, le ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de prononcer la naturalisation du demandeur.
  • Cour administrative d’appel de Nantes, 18 mai 2007 n°06NT0117
    Dans cette affaire, l’ajournement à deux ans de la demande de naturalisation prononcé par le ministre intervient au motif que la personne a « aidé sa concubine à se maintenir irrégulièrement sur le territoire français ». Confirmant le jugement de première instance, la cour estime que le ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation, dès lors que l’aide au séjour irrégulier n’est pas contestée.
  • Cour administrative d’appel de Nantes, 29 décembre 2006, n° 06NT00485
    La requérante est en France depuis vingt-sept ans, son père est ancien combattant, une partie de sa famille a acquis la nationalité française. Elle obtiendra un poste dans la fonction publique si la nationalité lui est accordée... Mais elle a aidé son époux (pourtant régularisé depuis fin 2004) à séjourner irrégulièrement en France.
  • Cour administrative d’appel de Nantes, 29 décembre 2006 n°05NT01982
    Dans cette affaire, l’ajournement de la demande de naturalisation prononcé par le ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale intervient au motif que la personne a « aidé sa concubine à se maintenir irrégulièrement sur le territoire français ». Pour le jugement confirmatif d’appel, puisque l’aide au séjour irrégulier n’est pas contestée, le ministre n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation.
  • Cour administrative d’appel de Nantes 13 octobre 2006, n°05NT01927
    Le litige concernait ici l’ajournement d’une demande de naturalisation prononcé à l’encontre d’un homme, motif pris qu’au jour de la demande, il hébergeait sa concubine laquelle se trouvait en situation irrégulière. En l’espèce, le rejet de la demande ne tient aucun compte du fait que la concubine hébergée était également la mère des deux enfants du requérant. Pour les juges chargés d’apprécier la validité de la décision ministérielle, peu importe qu’aucune condamnation n’ait été prononcée contre le requérant sur la base de cette aide au séjour irrégulier, (condamnation impossible du fait de l’immunité pénale dont il bénéficie puisque l’aide s’adresse au concubin). Le fait que la concubine ait depuis obtenu un titre de séjour est également sans incidence aux yeux de la cour d’appel qui confirme la décision du tribunal administratif.
  • Cour administrative d’appel de Nantes, 3 mars 2006, n°05NT00214
    En l’espèce, la demande de naturalisation de la requérante, ressortissante algérienne, est ajournée par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité au motif que l’intéressée a aidé au séjour irrégulier de son mari entre le 5 janvier 2002 – date de leur mariage – et le 20 août 2003. D’après le ministre, « ce comportement révèle un défaut de loyalisme au regard des lois et règlements régissant l’entrée et le séjour des étrangers en France ». Le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel de Nantes rejettent la requête, en refusant de tenir compte du fait que la demanderesse n’a pas dissimulé son mariage et qu’elle doit aide et assistance à son époux. En refusant la demande de naturalisation, le ministre, « qui a fait usage de son large pouvoir d’appréciation de l’opportunité d’accorder la nationalité française », n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation.

Décisions de l’administration

  • Préfecture de Seine-Saint-Denis, 11 février 2014 - Ministère de l’intérieur, 5 mai 2014
    La demande de Mme D.T. est ajournée à deux ans, au motif qu’elle a aidé au séjour irrégulier de son concubin - cela, alors même que la circulaire Valls avait proscrit en principe cette motivation. Sur recours hiérarchique, la décision sera retiré… et sa demande rejetée sous prétexte qu’elle n’a pas fixé de manière stable le centre de ses intérêts familiaux en France, son concubin n’ayant aucun droit à s’y maintenir.
  • Préfecture de Seine Saint-Denis, 7/06/2010 ; ministère de l’intérieur, 12/12/2011
    La demande d’acquisition de la nationalité française avait été ajournée à deux ans par la préfecture de Saint-Denis le 7 juin 2010 au motif que M. X avait aidé au séjour irrégulier de son épouse entre 2001 et 2006. Un premier ajournement avait été prononcé par le ministère de l’immigration le 19 janvier 2006 pour le même motif.
    Le 12 décembre 2011, à la suite d’un recours hiérarchique, le ministère de l’intérieur a substitué un refus à la décision préfectorale au motif que trois enfants nés à Kinshasa et présents en France ont été omis dans la demande de naturalisation.
  • Ministère de l’immigration, 26/05/2009
    La demande d’acquisition de la nationalité française est ajournée par le ministère de l’immigration, sous-direction de l’accès à la nationalité française, suite à une procédure engagée contre l’intéressé pour aide à l’entrée et au séjour d’un étranger en situation irrégulière. Depuis, la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation tout en limitant la peine pour tenir compte "de la personnalité du prévenu" ; celui-ci réside en France depuis 1973.

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Dernier ajout : mercredi 10 juillet 2024, 08:01
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