action collective
Le Conseil d’État abandonne les réfugiés syriens à leur sort… en volant au secours du gouvernement français
En janvier dernier, sans la moindre publicité, le gouvernement français a décidé d’imposer aux Syriens souhaitant transiter par un aéroport français l’obtention préalable d’un « visa de transit aéroportuaire » (« VTA »). Ce visa, particulièrement difficile à demander dans le contexte de désorganisation politique de la région et à obtenir, à supposer que l’on parvienne à avoir accès aux autorités consulaires françaises, est devenu indispensable pour monter dans un avion transitant par un aéroport français, ou éviter d’en être refoulé vers le pays de provenance. De toute évidence, cette obligation entrave la possibilité pour des Syriens d’échapper à la répression, à la guerre, ou de sortir des camps des pays limitrophes où près d’un million d’entre eux survivent dans des conditions indignes et dans la plus grande insécurité.
Le but avoué de cette mesure ? Éviter que des Syriens ne déposent une demande d’asile à l’occasion de leur transit par un aéroport français. Le prétexte ? Le code communautaire des visas, qui permet aux États membres d’adopter une telle mesure « en cas d’urgence due à un afflux massif de migrants clandestins ». Prétexte fallacieux car il n’y a aucun afflux massif de Syriens dans les aéroports français (environ 350 Syriens maintenus en zone d’attente en 2012, sur un total d’environ 9 000). En tout état de cause, un demandeur d’asile n’est en aucun cas un « clandestin ». Pour l’Anafé et le Gisti, qui ont porté l’affaire devant le Conseil d’État, il ne fait guère de doute que cette mesure manifestement illégale porte atteinte à l’exercice du droit d’asile et expose des personnes ainsi empêchées de fuir à des menaces sur leur vie et leur liberté en cas de renvoi vers un pays tiers qui lui-même les renverrait très probablement en Syrie.
Par deux ordonnances, le Conseil d’État en a jugé autrement [1]. Tout en reconnaissant que le ministre de l’Intérieur avait agi illégalement en mettant à exécution une mesure qui n’avait reçu aucune publicité, il a pour le reste entériné les thèses gouvernementales : dès lors que plusieurs centaines de Syriens avaient demandé des visas dans les consulats des pays limitrophes et que le nombre de demandeurs d’asile était passé à… 180 (!) en 2012, le gouvernement a pu estimer que la condition d’urgence qui permet d’instaurer des VTA « pour éviter un afflux massif de migrants clandestins » était remplie ; il a jugé, contre l’évidence, que la mesure ne portait « par elle-même » aucune atteinte au droit d’asile ; et pour terminer, il a considéré que s’il y avait bien urgence pour le gouvernement à endiguer un afflux massif (imaginaire), il n’y avait en revanche aucune urgence à suspendre la mesure prise.
Les défenseurs des droits de l’Homme, eux, ne manqueront pas de s’interroger sur le rôle d’un juge qui préfère voler au secours du gouvernement et couvrir ses illégalités que se soucier du sort des réfugiés syriens dont les témoignages d’ONG ou ceux du HCR nous rappellent chaque jour à quel point il est dramatique.
Organisations signataires :
- Anafé, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers
- Gisti, Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s
Documents joints :
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Ordonnance du CE en date du 20 mars 2013 (PDF - 206.3 ko)
[1] Une première ordonnance rendue le 15 février sur un référé liberté, une seconde ordonnance rendue le 20 mars sur un référé suspension, procédures prévues en cas d’urgence ; le Conseil d’État reste saisi au fond d’un recours en annulation.
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